A coeur ouvert avec Mourad M’henni

Par : Tallel
 
 

coaching.jpgPauvres héritiers.
L’interview avec M. Mourad Mhenni au sujet de la transmission des
entreprises m’a interpellé à plusieurs regards. On ressent la douleur de la
famille Mhenni suite à la perte du défunt père, et on ressent surtout de
l’amertume causée par les difficultés de partage de la succession.
L’héritier se plaint du vide juridique, de l’acharnement de l’administration
fiscale, de l’absence de planification successorale et de la discorde entre
héritiers. Ce qui m’amène à clarifier certaines choses qui me paraissent
injustifiées.

D’abord, notre pays dispose d’un cadre juridique approprié en matière de
succession. Il n’est certes pas parfait, il vaut ce qu’il vaut et reste
sujet à modifications pour accompagner l’évolution de la réalité qu’il est
sensé encadrer. Mais on ne peut parler de vide juridique! Ensuite, les
bénéficiaires d’une succession (testamentaire ou légale) doivent s’acquitter
des droits de succession qui forment l’impôt sur la mutation (c’est une taxe
d’enregistrement et non un impôt sur la fortune) de tout ou partie des biens
légués, diminués des dettes du défunt, parmi lesquelles figure l’impôt sur
le revenu dû au titre de sa dernière année d’existence.

L’administration fiscale est alors tenue d’amener les bénéficiaires de la
succession, par les voies légales, à accomplir leur devoir fiscal. Ce qui
relève plutôt de l’esprit même de l’équité fiscale (voir mémoire de DEA
«Pression fiscale et justice fiscale» Hela Attia, Faculté de droit de Tunis
2005).

On comprend alors que les difficultés et les peines qu’a endurées l’héritier
ont pour causes les incohérences suivantes :


Une succession non planifiée et l’absence de testament. On en déduit que les
biens légués ne sont pas inventoriés et le paiement des droits
d’enregistrement sur la succession se fait sur la base de valeur des biens
meubles estimée d’après le document détaillé des parties concernées. L’autre
conséquence est que le partage de la succession est effectué selon les
règles de dévolution énoncées dans le code de statut personnel.


Une succession non solvable et/ou greffée de dettes oblige les héritiers à
vendre des actifs importants (certainement pas au meilleurs prix) afin de
payer les impôts. Cette situation peut être évitée en souscrivant à une
assurance-vie en prévision de l’impôt, tout en bénéficiant de l’exonération
fiscale du capital décès et des pensions prévue dans le code de
l’enregistrement et des timbres (art. 54 nouveau).


L’état d’esprit des héritiers : lorsque le partage de la succession est
effectué par voie légale et non testamentaire, certains héritiers peuvent se
sentir lésés et penser que leur compétence et leurs efforts consentis au
vivant du défunt n’ont pas été équitablement récompensés. Mais, il faut
avoir à l’esprit que la compétence et l’effort peuvent donner droit à un
salaire plus élevé et non pas une part plus grande de l’héritage. Ainsi,
l’incompréhension entre héritiers et le mépris envers l’administration
fiscale résulte de méconnaissance de la réglementation en vigueur.
L’assistance d’un avocat spécialisé aurait été d’un grand secours pour les
héritiers.

L’héritier déplore également un manque d’intérêt des entrepreneurs pour la
planification de leurs successions au profit de la gestion de leurs affaires
(«ils pensent moins à la propriété qu’à la gestion»). Alors que ce sont deux
choses qui ne peuvent être mises sur un pied d’égalité. L’entreprise, cette
entité économique créatrice de valeur ajoutée et d’emploi, devrait rester
toujours au centre des préoccupations des autorités publiques et des
entrepreneurs. L’Etat ne devrait pas se contenter de protéger les intérêts
des détenteurs de richesses, mais plutôt encourager la création de richesse
pour le bien de la nation.

 

D’ailleurs, il est clair que la solution personnelle que l’héritier a adopté
pour régler sa propre succession est loin d’être astucieuse. Et ne peut être
conseillée à un jeune entrepreneur. En effet, son grand défaut est que ce
dernier est dépossédé de sa propriété et se trouve de ce fait confronté à
d’énormes problèmes de prise de décisions et des perspectives de
développement de l’entreprise familiale, puisque dans cette situation,
n’étant pas le détenteur du capital social de ses entreprises, le maître des
lieux règne mais ne gouverne pas..! Et au lieu d’être simpliste en disant
«ne faites pas beaucoup d’enfants, et vivez longtemps.. pour ne pas faire de
futurs malheureux..!», je rejoints la célèbre phrase du père de la
renaissance moderne de la Chine «Enrichissez-vous».. l’Etat vous aidera.

Chokri CHNITI Conseiller des services publics

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