Les frontières de l’UE : la PEV, une manœuvre dilatoire

Par : Tallel
 
 

eurpe.jpgAvec l’échec des référendums français et néerlandais et l’ouverture
mouvementée des négociations entre l’Union et la Turquie, de sombres nuages
pèsent sur l’avenir de l’Union européenne. D’autant plus que l’entrée en
vigueur du traité constitutionnel était non seulement censée améliorer le
fonctionnement d’un ensemble comportant 25 Etats membres mais aussi
faciliter les futurs élargissements (Bulgarie et Roumanie). Dans ces
conditions, la question des frontières de l’UE est plus que jamais
d’actualités. Deux initiatives renouvellent les termes du débat.

La première est lancée par la Commission en décembre 2002 lorsque son
président Romano Prodi lance les bases de la politique européenne de
voisinage par son retentissant «Tout partager sauf les institutions ». Cette
formule ambitieuse témoigne du souci partagé d’approfondir les relations
entre l’Europe communautaire et ses «nouveaux voisins», c’est-à-dire les
Etats situés à l’Est des frontières de l’Union telles qu’elles seront
dessinées par l’élargissement programmé pour 2004 (15+10). Seulement la
définition territoriale de la PEV va s’élargir à la demande en particulier
de la France puisque les Etats méditerranéens sont concernés par cette
politique (Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Tunisie et Autorité
palestinienne) ainsi que par la suite certains Etats sud caucasiens
(Arménie, Azerbaïdjan et la Géorgie).

Cette extension domaniale entraîne une dilution conceptuelle. En clair, dans
l’esprit de la Commission, la PEV permet d’écarter à moyen terme toute
perspective d’adhésion pour des Etats tels que l’Ukraine ou la Moldavie en
mettant en place une zone de libre-échange voire, une zone économique
totalement intégrée. La PEV fait figure d’antichambre de l’adhésion. Son
extension en direction du Sud de la Méditerranée change la donne. Désormais,
elle apparaît au niveau communautaire comme le prolongement des accords
d’association ou de partenariat et de coopération unissant l’UE et les Etats
concernés (Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Autorité palestinienne et
Tunisie ; Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie et Ukraine).

Pour certains Etats membres, dont la France, la PEV est appréciée comme une
alternative à l’adhésion de la Turquie. Qualifier un Etat de voisin lui
confère nécessairement une dimension extérieure susceptible de l’exclure du
processus d’adhésion. Selon l’ancien Premier ministre J.-P. Raffarin, la PEV
permet au « peuple français (de) choisir le moment venu, à condition que tel
pays parvienne au bout des négociations, entre la relation d’adhésion et la
relation de voisinage » (Sénat, séance du 6 avril 2005). Ici la PEV apparaît
comme un lot de consolation au refus d’adhésion.

En dépit des incertitudes pesant sur l’objectif ultime de la PEV, pour
l’heure elle vise à lisser les marches de l’UE. Sa mise en œuvre rapide et
la création prochaine d’un Instrument financier de voisinage (doté d’un
budget avoisinant les 10 milliards d’euros pour la période 2007-20013)
témoignent de la volonté de la Commission de répondre aux attentes exprimées
par nos nouveaux voisins. Cependant, elle entretient l’indétermination des
frontières de l’Union.

La seconde initiative, récente, émane du Parlement européen, elle a
précisément pour objet de dissiper le flou nimbant les limites de l’Europe
européennes. La résolution qu’il a adopté le 16 mars 2006 met en avant «la
capacité d’absorption de l’Union européenne» pour rappeler qu’elle «demeure
l’une des conditions de l’adhésion de nouveaux pays».

A cet égard, le Parlement européen demande à la Commission d’établir un
rapport avant la fin de l’année afin de mieux cerner «la notion de capacité
d’absorption» de l’UE en particulier grâce à la définition de ses frontières
géographiques. Cette condition prend racine dans la déclaration du Conseil
européen de Copenhague (21 et 22 juin 1993) en vertu de laquelle «la
capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant
l’élan de l’intégration européenne constitue également un élément important
répondant à l’intérêt général aussi bien de l’Union que des pays candidats».
Jusqu’à présent, cette condition n’était guère évoquée dans la thématique de
l’élargissement, sa réactivation est un signal fort adressé par les députés
européens aux Etats désireux d’appartenir à l’Union.

La démarche est salutaire à l’heure où le statut d’Etat candidat vaut
assurance à plus ou moins brève échéance d’acquérir la qualité de membre de
l’UE. En effet, sous réserve de la volonté contraire de l’Etat candidat
(Norvège) les négociations d’adhésion ont toujours débouché sur son
adhésion. Dès lors, l’appréciation de la capacité d’absorption de l’UE
devient urgente, il est permis de regretter son absence formelle
préalablement à l’ouverture des négociations lancées depuis plusieurs
années. Nul doute que les éléments de réponse apportés par la Commission
devront être lues à l’aune de la PEV.
 

(Source :

www.fenetreeurope.com)