Avec le nouveau train vers le Tibet, la Chine regarde vers le Sud

 
 
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Le train reliant Pékin à Lhassa, au Tibet, le 1er juillet 2006 (Photo : Peter Parks)

[03/07/2006 08:25:29] A BORD DU TRAIN PEKIN-LHASSA (AFP) Le nouveau train vers le Tibet va renforcer l’emprise de la Chine sur le “Toit du monde” mais aussi son influence économique dans la région himalayenne et l’Asie du Sud, selon des analystes.

Pékin présente cette ligne comme la clef du développement de l’Ouest retardé de la Chine, un développement que les autorités souhaitent renforcer dans les dix ans en prolongeant les rails jusqu’à Yadong (Chomo en tibétain).

A 315 km au sud-ouest de Lhassa, cette ville est un noeud commercial important, à la frontière avec l’Inde, à une centaine de kilomètres de la capitale du Bouthan, Thimphu, et à 450 km de celle du Bangladesh, Dacca.

Pour le bureau du commerce de la région autonome du Tibet, la ligne inaugurée samedi va permettre d’accroître les liens commerciaux avec le Népal et l’Inde et ouvrir une porte vers les économies de l’Asie du Sud pour cette région montagneuse, très dépendante du tourisme et des fonds venus de Pékin.

“La Chine étant l’une des puissances économiques émergentes du monde, ce nouveau service signifie qu’elle aura l’opportunité de dominer le marché de l’Asie du sud”, estime Rajeshwor Acharya, économiste népalais et ancien ambassadeur en Chine.

Cependant, avertit-il, “le flot de biens chinois bon marché va s’accroître, avec un impact négatif sur les industries d’Asie du Sud”.

Pour Bijaya Ghimire, président de l’association des journalistes économiques du Népal, c’est néanmoins “une perspective réjouissante pour le Népal que d’accroître son commerce avec la Chine”.

“Jusqu’à présent, les biens népalais n’ont pu atteindre que le marché périphérique du Tibet, mais avec la nouvelle ligne, ils pourraient pénétrer tout le marché chinois”, ajoute-t-il, affirmant que le Népal peut aussi réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Inde. “Actuellement 65% des échanges commerciaux internationaux du Népal se font avec l’Inde, contre moins de 5% avec la Chine”, souligne-t-il.

“Le Népal peut tirer bénéfice du chemin de fer si le secteur privé et le gouvernement décident d’avoir un rôle actif”, estime M. Acharya.

Ce chemin de fer peut aussi représenter une menace, économique mais aussi militaire, pour l’autre géant de la région, l’Inde, soulignent d’autres analystes. “Cela augmentera significativement la capacité offensive de la Chine contre l’Inde”, affirme Brahma Chellany du Centre for Policy Research, institut de recherches basé à New Delhi. Selon ce dernier, “la Chine pourra intensifier sa pression militaire sur l’Inde en mobilisant jusqu’à 12 divisions”.

“Le nouveau chemin de fer facilite le transport de missiles à portée intermédiaire et permet à la Chine de baser au Tibet certains de ses missiles balistiques intercontinentaux. Son dernier missile balistique intercontinental, le DF-31A, a été conçu comme une arme pouvant être déplacée par rail”, souligne-t-il.

Pour Rahul Bedi, correspondant en Inde du Jane’s Defence Weekly, la Chine encercle l’Inde, en nouant des liens à l’Ouest avec le Pakistan, à l’Est avec le Bangladesh et la Birmanie et au Sud avec le Sri Lanka. “La Chine encercle l’Inde, utilisant la stratégie du collier de perles dans la région de l’Océan indien et une politique d’encerclement dans la zone montagneuse du Tibet”, affirme-t-il.

Pour l’heure, la Chine, qui clame ses intentions pacifiques, et l’Inde ont décidé de s’engager sur la voie de la normalisation et ont entamé de nouvelles discussions sur leurs différends frontaliers, cause d’un conflit armé en 1962.

Les deux pays sont aussi convenus de rouvrir le 6 juillet le col de Nathu La, à une trentaine de kilomètres de Yadong, par lequel passait une ancienne route commerciale himalayenne, fermée depuis le conflit de 1962.

L’Inde affirme que la Chine occupe 38.000 kilomètres carrés de son territoire tandis que Pékin revendique l’Etat indien d’Arunachal Pradesh.

 03/07/2006 08:25:29 – © 2006 AFP