Le libre-échange dans la balance

Par : Autres

Le libre-échange dans la balance

 

tacc2_01072005.gifDestinée
à expliquer aux tunisiens ce qu’un éventuel traité avec les Etats-Unis
implique, la conférence organisée par la Chambre tuniso-américaine de
commerce a été l’occasion de réfléchir sur le coût, en particulier social,
du libre-échange et sur la manière d’y faire face.

La «Conférence sur le libre-échange», organisée par la Chambre tuniso-américaine de commerce, qui a achevé ses travaux jeudi 30 juin, aura
permis de lancer pour de bon le débat sur un éventuel traité entre la
Tunisie et les Etats-Unis, dans le sillage de l’ouverture de discussions sur
cette question entre les deux gouvernements.


Durant deux jours, une centaine d’experts, diplomates et hommes d’affaires
ont discuté des relations économiques entre les Etats-Unis d’un côté, le
Maghreb et le Monde arabe de l’autre en général durant la première journée,
et, de manière spécifique, avec la Tunisie, au cours de la seconde.


Consciente, comme l’a rappelé M. Moncef Barouni, président de la chambre, que
le fait «d’aborder une question comme le libre-échange avec les Etats-Unis» constitue «absolument un véritable défi», la TACC s’était fixée une
mission plutôt pédagogique.


Dans le «mot de bienvenu» figurant en ouverture du document officiel de la
conférence, M. Barouni souligne que son organisation avait pris cette
initiative seulement «pour répondre (à la demande) des adhérents qui, ayant
remarqué que, apparemment, d’autres pays avaient beaucoup réalisé en termes
de négociations commerciales, sont désireux de voir la Tunisie en faire de
même».


Or, explique le président de la TACC, notre travail est de montrer ce qui a
été fait, d’informer sur les perspectives et les opportunités pour notre
pays et de tirer quelques leçons».


La négociation étant «laissée aux administrations», la TACC a abordé
l’organisation de sa conférence avec la conviction «que le secteur privé et
ses organisations représentatives ont au moins un rôle sinon consultatif, du
moins éducatif à jouer». En ce qui le concerne, le bureau directeur de la TACC a pensé
que son rôle nécessite aussi «d’expliquer ce qu’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis impliquerait».


Mais alors que la réflexion devrait être plutôt axée sur «le comment faire»
du libre-échange avec les Etats-Unis, le débat a un peu «dérapé» au cours
de la première journée pour se focaliser sur la question de savoir si le libre
échange, en particulier avec les Etats-Unis, pouvait apporter quelque chose
à un pays comme la Tunisie, s’il ne comportait pas plus de problèmes que
d’avantages et s’il était judicieux ou utile pour les pays du Sud de la
Méditerranée, déjà liés pour la plupart à l’Union européenne par un traité
d’association.


Et le premier, après M. Mondher Zenaïdi, ministre du Commerce et de
l’Artisanat, à avoir lancé le débat est M. William J. Hudson, ambassadeur des
Etats-Unis à Tunis.
Dans son allocution centrée sur «les bénéfices et les défis que le libre-échange grandissant et les investissements avec les Etats-Unis offrent», le
diplomate américain a d’abord clairement expliqué que dans cette affaire, il
n’est pas seulement question de commerce et d’économie.


«A mesure que des pays comme la Tunisie et d’autres dans le Maghreb
cherchent à entrer sur le marché international, nous pensons que la réforme
politique –transparence et bonne gouvernance- seront une partie naturelle de
ce processus», a estimé le diplomate américain convaincu que «libéralisation
économique et réforme politique se renforcent mutuellement».


Exprimant son sentiment que «le dialogue au sujet du libre-échange ne peut
que contribuer au plus large mouvement de réformes économiques dans la
région», l’ambassadeur américain a constaté que «la région vit avec des
appels à des réformes économiques et politiques», et que «les Etats-Unis se
tiennent prêts à établir un partenariat avec ces voix-là».
Or, les avis ont divergé durant la conférence concernant l’offre américaine,
du moins dans sa dimension économique. Car si certains y voient l’occasion
pour la région, dont la Tunisie, d’accélérer son développement économique,
d’autres pensent qu’elle n’est peut-être pas aussi avantageuse qu’elle peut
le paraître.


Le défenseur le plus acharné d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis a été –après les Américains eux-mêmes- M. Ahmed Shuweihat,
président de la Chambre jordano-américaine de commerce.
Rappelant qu’«un traité de libre échange (avec les Etats-Unis) donne accès
au plus grand marché au monde», l’homme d’affaires jordanien a mis en
exergue le fait que celui conclu par la Jordanie «a entraîné
une incroyable augmentation des exportations jordaniennes» sur le marché
américain mais également vers d’autres pays.


Car, explique le président de la Chambre jordano-américaine, «le fait
d’avoir un traité de libre-échange avec les Etats-Unis peut inciter d’autres
pays à développer leurs relations avec vous. Ainsi, Singapour qui veut
accéder au marché américain veut conclure un accord de libre-échange avec la
Jordanie».


Mais invité –par M. Mahmoud Triki, patron de la South Mediterranean
University, et modérateur de l’une des séances- à dire «jusqu’à quel point
l’augmentation des exportations est imputable à la situation en Irak»,
l’intervenant jordanien a éludé la question.


Interpellé sur le coût social d’un tel traité avec les USA, M. Shuweihat a
admis qu’«une partie de la société en Jordanie dit ne pas sentir l’impact
de l’augmentation des exportations en direction des Etats-Unis».


M. Daniel Egel, étudiant à Berkley qui mène des recherches sur l’impact du
libre-échange sur l’investissement et les performances commerciales, a
estimé, à la lumière de l’expérience du Mexique –où le traité de libre a en
particulier approfondi le fossé en matière de salaires entre Mexicains
éduqués et non-éduqués-, que l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis
peut représenter une menace pour les pays signataires, dont le Maroc.


Réagissant promptement, M. Carl Dawson, directeur de la Chambre
maroco-américaine de commerce, a reconnu que «l’impact de la NAFTA (en
français ALENA “Association de Libre-échange nord-américain”) a été établi
et confirmé» et que «c’est pour cela que l’accord avec le Maroc prévoit de
longues périodes transitoires (jusqu’à 25 ans pour certains produits
agricoles)». Ce qui «démontre que les Américains sont conscients de
l’impact et de la sensibilité de la situation marocaine», conclut le
responsable américain.

 


Moncef MAHROUG

 

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– 07 – 2005 :: 06:00  –  ©webmanagercenter