Wang Yi MAE Chine
Wang Yi MAE Chine

L’évènement diplomatique, en ce début d’année 2024, sera, incontestablement, la visite qu’effectuera, les 14, 15 et 16 janvier, le ministre chinois Wang Yi, en Tunisie. Officiellement, cette visite intervient à l’occasion de la célébration par les deux pays du 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Chine.

A la veille de la visite de Wang Yi, le président de la République Kaïs Saïed a saisi cette opportunité de l’établissement, le 10 janvier 1964, des relations diplomatiques entre les deux pays pour adresser un message de félicitation au président de la République populaire de Chine, Xi Jinping.

Pour mémoire, cette visite du chef de la diplomatie chinoise intervient, après celles effectuées, il y a moins d’un mois, par les ministres des affaires étrangères de deux grands pays, la Russie et l’Indonésie. Elle vient consacrer à priori la volonté de la Tunisie de diversifier ses partenaires et de compter dorénavant sur les pays qui veulent vraiment l’aider. Entendre par la Tunisie semble ne plus attendre de ses partenaires occidentaux classiques.

Les futurs projets de partenariat identifiés

Pour revenir à la visite de Wang Yi, en préparation de son séjour à Tunis, le chef du gouvernement, Ahmed Hachani, a reçu, le 12 janvier 2024, l’ambassadeur de la République populaire de Chine en Tunisie, M. Wan Li. L’entretien a porté sur les récentes réalisations dans le cadre de la coopération tuniso-chinoise, s’agissant particulièrement de l’Académie diplomatique internationale que Wang Yi va co-inaugurer lors de cette visite, de l’Hôpital Universitaire de Sfax et du Complexe Culturel et Jeunesse de Ben Arous,.

Hachani n’a pas manqué de souligner le souci de la Tunisie de renforcer ce partenariat, à travers de nouveaux projets. Il s’agit, entre autres de la rénovation d’ouvrages d’infrastructure sportive (cité sportive d’El Menzah, Stade Chedly Zouiten, Piscine du Belvédère, Stade Olympique de Sousse…) projet d’agrandissement de l’aéroport international de Tunis-Carthage, projet de train à grande vitesse (projet cher à Kaïes Saied), projet de mise en service de bus électriques, projets dans le secteur de la santé…

Ces projets structurants sont forts prometteurs pour la Tunisie. Si jamais, ils font l’objet d’un accord et sont réalisés, ils seront, de toute évidence, d’un grand apport pour le bien être des tunisiens confrontés depuis une dizaine d’années à une grave récession économique, dont une des causes réside dans l’insoutenabilité de sa dette laquelle ne lui permet pas d’accéder au marché financier international et d’investir dans le pays. C’est pourquoi, tout projet d’investissement chinois structurant tombe à point nommé pour relancer l’économie du pays, notamment, dans les secteurs de prestations publiques (transport, santé, sport…).

L’aéroport de Carthage ne sera pas transféré

Mention spéciale pour deux mégaprojets porteurs. Il y a tout d’abord l’agrandissement de l’aéroport de Tunis Carthage. La confirmation de l’extension de cet ouvrage va mettre fin aux manœuvres entreprises, depuis une dizaine d’années, par certains qui font flèche de tout bois pour transférer cet aéroport en dehors de la capitale.

Vient ensuite l’assistance que peut apporter la Chine pour aider la Tunisie à promouvoir un transport public électrique, voire fonctionnant grâce à une énergie propre. Les projets de mise en service de bus électriques et de réalisation d’un train à grande vitesse (TGV) devant relier le nord et le sud de Tunisie sont des projets écologiques modernes adaptés au réchauffement climatique auquel la Tunisie est particulièrement exposée.

Un TGV tunisien, projet dada de Kaïes Saïed

Il n’est pas besoin de rappeler que le projet d’un TGV tunisien bénéficie d’un soutien particulier de la part du chef de l’Etat Kaïes Saîed. C’est son projet dada avec celui de la cité médicale de Kairouan. Il en a parlé pour la première fois avec son homologue français, Emmanuel Macron, lors la visite officielle qu’il avait effectuée, les 22 et 23 juin 2020, en France.

Il faut dire que ce projet de TGV, pour peu qu’il soit réalisé, va constituer une avancée majeure pour les chemins de fer tunisiens qui comptent, à ce jour, 2.165 kilomètres de rails dont 471 kilomètres à voie normale et 1.694 kilomètres à voie métrique. Mais seuls 65 kilomètres sont électrifiés.

Les atouts dont engrange ce mégaprojet sont multiformes. La mise en œuvre d’une liaison ferroviaire électrifiée rapide sur plus de 700 km est à même d’améliorer la qualité du transport ferroviaire dans le pays. Avec à la clé plusieurs avantages.

Au niveau intérieur, un projet d’une telle ampleur va favoriser une liaison terrestre entre les différentes régions du pays. La qualité de transport du TGV et la sécurité qu’il offre vont encourager les Tunisiens à voyager plus à l’intérieur du pays, soit pour des motifs de travail, d’études, ou touristiques.

Un futur TGV devrait permettre aux Tunisiens, partout où ils se trouvent à l’intérieur du pays de mieux se connaître et d’atténuer les malentendus et grincements qui surviennent, de temps en temps, à cause des séquelles de tribalisme, de clanisme et de régionalisme.
Il est nécessaire de rappeler à ce sujet l’attitude qu’ont eu certains politiques à exploiter la précarité de la vie au sud du pays pour demander sa séparation du nord et à demander des comptes aux gouvernements quant à la mauvaise gestion de ressources naturelles localisées au sud du pays (pétrole, gaz, sel…).

Au niveau économique, la mobilité que favorisera le futur TGV entre le nord et le sud va inciter les commerçants, les hommes d’affaires du pays et autres prospecteurs d’opportunités à se déplacer dans les deux sens en vue de conclure de contrats à des fins commerciales ou d’investissement.

La Tunisie reconnaissante aux chinois

Cela pour dire que ce mégaprojet aura pour vocation hautement stratégique de cimenter l’unité du peuple tunisien du nord au sud.

Les chinois ont eu déjà à réaliser en Tunisie un projet similaire d’une grande valeur symbolique et stratégique. IL s’agit du canal Mejerda, appelé également canal de l’amitié tuniso-chinoise. Cet ouvrage a été mis en exploitation, au début des années 80. Il permet de transporter, annuellement, 470 millions m3 d’eau provenant des plus grands barrages du nord du pays (Sidi Salem, Joumine, Sajnene et Sidi Barrek).

Pour saisir l’ampleur de l’utilité de cet ouvrage, le canal fournit de l’eau pour subvenir aux besoins en eau potable de la ville de Tunis, du Cap-Bon, du Sahel et de la ville de Sfax. Ses eaux sont également utilisées pour irriguer les zones agricoles d’El Mghira, Mornag et le Cap-Bon et pour recharger des nappes de Khlidia et du Cap-Bon.

Morale de l’histoire : la réalisation d’un TGV tunisien avec l’aide de la technologie chinoise ne manquera pas marquer historiquement les tunisiens et les relations entre les deux pays.

Entamée, il y a, exactement, 60 ans la coopération tuniso-chinoise a certes permis aux tunisiens de résoudre des problématiques développementales court-termistes et moyen-termistes adaptées aux besoins immédiats de la Tunisie mais elle n’a jamais évolué au stade d’un partenariat géostratégique. Le moment n’était pas le moment.

Mais, aujourd’hui, avec l’avènement du mégaprojet planétaire chinois, la Nouvelle route de la soie (NRS), dense réseau intercontinental de voies de communications (routes, rail, voies maritimes, ports, aéroports, pipelines et gazoducs), la Tunisie, qui a adhéré à cette initiative, peut avec son positionnement géostratégique idéal au centre du monde, peut y jouer un rôle déterminant. A bon entendeur.

Abou SARRA