Objet d’une mauvaise perception auprès de l’opinion publique, deux grandes entreprises publiques, en l’occurrence, la compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et la Société tunisienne d’acconage et de manutention (STAM) ont commencé à communiquer sur les premiers résultats positifs de leurs programmes d’investissement. Objectif : redorer leur image et prouver, quelque part, qu’elles sont en train d’améliorer leur rendement.

La STAM, réputée pour générer, annuellement, par l’effet de ses contreperformances, au port de Radès, un manque à gagner pour l’Etat d’un milliard de dinars à cause des surestaries, a annoncé, le 17 septembre, dans un communiqué une performance inédite de ses équipes. Ces dernières sont parvenues au cours de cette journée à entreprendre, en même temps, des opérations d’aconage qui ont touché 11 navires céréaliers, ce qui constitue indéniablement un exploit.

La STAM commence à s’adapter aux normes internationales d’aconage

La STAM a imputé cette performance au fait qu’elle vient de prendre livraison de nouveaux équipements (chariots cavaliers et autres). Ces acquisitions, qui s’inscrivent, d’après le communiqué dans le cadre du programme d’investissement de la STAM, interviennent après le signalement, au mois d’août dernier, d’une dizaine de navires céréaliers en rade, et ce durant, plus d’un mois.

En fait la STAM n’était pour rien, semble-t-il, dans cette affaire de surestarie complexe qui relève de la défiance des fournisseurs étrangers vis-à-vis de la Tunisie en raison de son mauvais rating à l’international. Et pour cause, les capitaines des navires russes, ukrainiens et italiens transportant des denrées alimentaires (céréales et autres) avaient refusé de décharger leur marchandise parce qu’ils voulaient être payés en cash non seulement pour la cargaison transportée mais également pour les arriérés, cargaisons antérieures non payées.

La situation devait être débloquée ensuite à la faveur d’une visite effectuée le 28 août au port par le ministre de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche Maritime :  Abdelmonem Belati

Des avancées certes mais les besoins sont énormes

Quant à la CPG, elle a publié, début septembre 2023, une information selon laquelle elle s’apprêtait à prendre livraison, d’un premier lot d’équipements et de machines.

La même information nous apprend que ce premier lot a été acquis dans le cadre d’un programme d’investissement estimé à 236 MDT, décidé par le Conseil de la sécurité national, tenu en mai dernier, sous la présidence du Chef de l’Etat, Kaïs Said et consacré à l’examen du dossier de production du phosphate en Tunisie.

Ces équipements sont destinés à consolider le système d’extraction de phosphate brut et de production du phosphate commercial.

Il s’agit de 18 camions de transport d’une capacité de 60 tonnes, 6 machines hydrauliques et 3 machines rotatives, ainsi que 6 chargeuses sur roues de 4,5 mètres cubes chacune outre des équipements pour renforcer la capacité de l’entreprise à transporter le phosphate brut et à extraire le phosphate commercial, acquis moyennant un investissement de 65 MDT.

Selon les responsables de la CPG, le programme d’investissement précité prévoit, le lancement au mois d’octobre prochain, d’un appel d’offres pour l’acquisition d’un nouveau lot de machines et d’équipements d’une valeur de 183 MDT.

Il s’agit de 36 engins, camions, excavatrices rotatives et hydrauliques de grande et moyenne taille et autres.

Dans le cadre de ce programme d’investissement, qui prendra fin en 2024, l’entreprise cherche à renouveler 30% de sa flotte d’équipements d’extraction, renforçant ainsi sa capacité à extraire le phosphate brut des mines de surface.

Depuis 2011, la CPG a subi un déclin spectaculaire de la production de phosphate en raison des tensions sociales et des protestations dans la région du bassin minier.

Les efforts déployés ces derniers temps méritent toutefois d’être salués même si à priori ils sont très limités. Ils permettront, au moins, à la compagnie de tirer profit, un tant soit peu, du quadruplement du prix du phosphate à l’international (400 dollars la tonne métrique contre 83 dollars en 2021).

Une chose est sûre : la CPG a encore du chemin à faire pour retrouver sa performance référence de 2010, une production annuelle de 8 millions de tonnes de phosphate, contre 3,5 millions de tonnes en 2022.

La vétusté et la faible disponibilité des unités de production sont également des raisons pour lesquelles l’entreprise n’a pas encore récupéré son rythme de production habituel.

A ce sujet l’expert Radhi Meddeb, ancien ingénieur à la CPG, a indiqué à un magazine de la place qu’« au regard des dommages occasionnés, depuis 2011, à son matériel, la CPG ne serait pas, selon ses dires, en mesure, par l’effet de la bureaucratie et de la complexité des procédures des marchés publics de disposer, dans les délais requis, de la totalité de son parc roulant, 800 engins sophistiqués nécessaires pour l’extraction et le transport de phosphate dans des conditions compétitives. Sur ce total, 400 seraient à l’arrêt ». Dont acte.

Par-delà ces petites performances de la STAM et de la CPG et en dépit de l’énormité de leurs besoins en équipements modernes pour s’adapter aux normes internationales, ces deux entreprises publiques méritent d’être soutenues en cette période difficile où les caisses de l’Etat sont vides et où le pays risque de connaître la banqueroute.

Et pour reprendre le philosophe italien Antonio Gramschi : Il faut opposer, dans ce genre de situation, le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté.