Envers et contre tout, les chefs d’entreprises font contre mauvaise fortune bon moral. N’est-ce pas là la preuve que le pessimisme est d’humeur et l’optimisme de volonté ?

Jeudi 6 juillet, EY a procédé à la présentation publique de son baromètre 2023. Cela s’est déroulé au siège de EY, en présence d’un impressionnant parterre de chefs d’entreprises, d’opérateurs ainsi que d’experts. Il s’agit de la IXème édition du baromètre. L’enquête a eu lieu entre le 28 mars et le 6 juin de l’année en cours. Ce qui ravit les auteurs de l’étude est que les chiffres annoncent un début d’embellie. Sommes-nous en présence des prémices de la reprise ?

Une approche méthodologique en trois composantes

L’échantillon retenu par EY comprend un contingent avec un panachage entre grandes entreprises et PME, provenant de secteurs d’activités variés. Le baromètre comprend trois composantes. La première a trait à la perception, par les chefs d’entreprise, de la conjoncture ainsi qu’à ses perspectives d’évolution. La seconde s’intéresse à la situation interne des entreprises et les indicateurs de mesures d’activités. Et la troisième, comme il est d’usage chez EY aborde un sujet sensible. En l’occurrence le thème de la transition écologique et s’intéresse de la sorte au devenir de l’entreprise durable dans notre pays.

L’année 2023 rompt avec le pessimisme

Dans son allocution de bienvenue, Noureddine Hajji, associé DG de EY Tunisie, ne cachait pas une certaine jubilation. En effet annonce-t-il, l’année 2023 rompt avec le pessimisme qui a caractérisé les deux années qui l’ont précédée. Les chefs d’entreprises, majoritairement, soutiennent que leurs performances commerciales sont meilleures.

Ajoutant, que les perspectives, qui se présentent à eux, seraient plutôt bonnes. Cela a de quoi surprendre dans cet environnement morose que traverse le pays. Il y décrypte, pour sa part, une marque de détermination à ne pas se résigner à la fatalité de l’immobilisme économique.

Baromètre EY 2023Il relève une manifestation d’une résilience victorieuse. Il l’avait dit lors des journées de l’entreprise à Sousse au mois de décembre dernier. Et voilà que ce sentiment est corroboré par les résultats du sondage.

Parmi les faits saillants qui abondent en ce sens, il cite la vague de digitalisation des métiers laquelle est selon le baromètre, bien amorcée. Outre que le souci de transition écologique est au cœur des projets de redéploiement des entreprises.

Cette tendance est dans l’air du temps et les économistes considèrent que la Green Recovery, comprenez la ‘’relance verte’’ est la piste vertueuse du décrochage économique.

Qu’en sera-t-il sur terrain, s’interroge Noureddine Hajji ? Les résultats de l’enquête, qui est consultable sur le site de EY apportent un début de réponse. Dans le même esprit Samy Zaoui, Associé EY Consulting, revient sur l’inflexion observée pendant l’année 2023. Il relève que malgré une appréciation négative du climat général dans notre pays, les chefs d’entreprises témoignent d’un mordant entrepreneurial, réconfortant.

Ils misent, résolument, sur un rebond à horizon proche. Et ils engagent des plans d’action qui relèveraient leurs performances. Cela fait que l’un dans l’autre, par leur volonté, les chefs d’entreprises pourraient inverser les prévisions d’une croissance molle. Il va sans dire que pareille anticipation est, stimulante et de bon augure.

D’ailleurs, un sondage à vif, à main levée, a permis de voir que parmi l’assistance le courant optimiste l’emporte largement. Les chefs d’entreprises sont bien décidés à se mettre en mouvement, à faire bouger les lignes sans se laisser enliser dans une guerre de positions.

Aller de l’avant

Lors de la présentation du Baromètre, Mounir Ghazali, Associé EY Consulting, est revenu dans le détail sur ce ‘’léger regain d’optimisme généralisé’’. En effet, tous les secteurs, quoique à des degrés divers, sont concernés.

Il décèle toutefois une part d’incertitude quant à l’année 2024, mais il n’y voit qu’une attitude de prudence mesurée. Et, de toutes façons, moins de la moitié des personnes consultés pensent que si la conjoncture défavorable se poursuivait, eh bien leur entreprise se trouverait fortement exposée. Mais dira-t-on ‘’appréhension n’est pas raison’’ et à Dieu va. Il faut dire que l’on revient de loin. L’année 2020 a été piteuse.

Il faut se souvenir que le covid frappait en plein. ‘’Black is black’’, 91% des chefs d’entreprise broyaient du noir. En effet 47 % jugeaient la situation mauvaise et 44 % la trouvaient plutôt mauvaise. Et puis survient le 25 juillet 2021 et les choses ont, brièvement, basculé.

Baromètre EY 2023Voilà 45 % des chefs d’entreprise qui trouvaient que les choses s’amélioreraient légèrement (40%) et fortement (5%). Mais cela a produit l’effet d’un feu de paille car cette euphorie est retombée six mois plus tard soit vers la fin de l’année faute de réalisation concrètes.

Mais à quelque chose malheur est bon, dit la bonne vieille morale populaire. Et voilà que les chefs d’entreprises se décident par eux-mêmes à peser sur les évènements. Sage résolution ! Se servir des vents contraires est une prouesse de fin timonier. A l’heure actuelle 47 % des chefs d’entreprises tablent sur une croissance de leur chiffre d’affaires.

Baromètre EY 2023Et 31% augmentent leurs budgets d’investissement. N’est-ce pas là l’illustration qu’ils entendent acter leurs projections.

Baromètre EY 2023Des affirmations à nuancer

Lucide Mounire Ghazali tempère les résultats du sondage. L’optimisme est de retour mais tout n’est pas rose pour autant. Loin de tout angélisme, les chefs d’entreprises continuent à avoir le champ social à l’œil. Et c’est là une excellente preuve de discernement de leur part.

L’évolution de la situation politique constitue 20% de leurs soucis. Ils sont de même attentifs à l’évolution du cadre d’investissement et cela nourrit 19% de leurs attentes.

Cependant cela n’a pas affecté leur pari sur l’avenir. En effet 20% d’entre eux ont procédé à une revue de stratégie en vue de mieux sauter, en toute vraisemblance. A 18%, ils entendent renforcer leur dynamique de digitalisation. A 17%, ils s’engagent dans une dynamique de refonte des process et à 16%, ils réorganisent les RH.

A devoir peser le pour et le contre, on voit bien que c’est le mouvement qui triomphe. Et d’ailleurs voilà que les grandes manœuvres sont bien lancées. Ils sont 29% à vouloir se diversifier vers de nouveaux marchés géographiques.

Ils sont 25% à lancer des partenariats avec d’autres entreprises ou institutions. Ils sont 20% à se diversifier vers de nouveaux secteurs. Il n’y a pas de doute le compte est bon.

La Tunisie Gateway du continent

Quel soulagement de voir que les chefs d’entreprise ont de l’ambition. Il fallait que l’on en arrive là. C’est de notre point de vue un marqueur d’émancipation économique. Désormais les chefs d’entreprise prendront une part active à configurer leur horizon.

Toutes les prévisions de redéploiement à l’international constituent de notre point de vue, un signe de “Bargaining Power” et par conséquent un indice de robustesse des plans d’action et d’expansion des entreprises. Pour la prochaine édition on aimerait bien voir les auteurs du Baromètre sonder les chefs d’entreprises sur les initiatives de TICAD 8, les recommandations du sommet de la Francophonie (Octobre 2022) ainsi que sur l’offre de la Corée du Sud pour une réédition des autoroutes de la Soie.

Toutes balisent la voie aux entreprises en vouant la Tunisie à devenir le “GateWay” de l’Afrique. Nous sommes curieux de voir quel est leur impact sur les attentes des chefs d’entreprises.

A suivre… (La Transition écologique se profile).