Le récent discours, prononcé à Shangaï en Chine, par l’ancienne présidente brésilienne Dilma Roussef à l’occasion de sa prise de fonction en tant que présidente de la Nouvelle banque de développement (NDB), banque multilatérale relevant du groupe Brics, n’a pas bénéficié de l’attention requise de la part des médias, leaders d’opinion et think tanks tunisiens. Au regard des multiples enjeux géopolitiques qu’il comporte, ce discours apporte, pourtant, d’importants éléments de réponse à la crise multiforme dans laquelle se débat actuellement la Tunisie, notamment, en ce qui concerne le financement extérieur, la souveraineté nationale et l’intégration d’un nouveau modèle de développement plus équitable.

Malheureusement, nos médias, analystes et experts continuent à cultiver cette fâcheuse tendance à ne se préoccuper que des faits divers et des problèmes stériles des politiques du pays.

Ils omettent que la Tunisie, de par son positionnement stratégique au milieu de la méditerranée et au milieu du monde est situé au cœur de multiples enjeux stratégiques.

La NDB rompra avec les conditionnalités des institutions de Bretton Wood’s

Pour revenir au discours de Dilma Rousseff, il gagnerait à notre avis d’être vulgarisé au maximum et à faire l’objet de séminaires de réflexion. On y lit notamment ce passage qui peut intéresser les gouvernants tunisiens : « L’accord fondateur de la NDB définit la vision d’un développement partagé comme un modèle qui respecte et affirme la souveraineté de chaque pays. La Banque apparaît comme un une véritable plateforme coopération pour les économies émergentes où les conditionnalités ne font pas partie des propositions de solutions. Aucune condition financière supplémentaire ne sera imposée ».

On l’aura deviné, la présidente de la nouvelle banque multilatérale fait allusion ici aux conditionnalités des prêts du FMI et de la Banque mondiale s’agissant des plans d’austérité demandés aux pays demandeurs de crédit.

Les secteurs à financer par la NDB

Concernant les domaines que la NDB compte soutenir et financer, ils sont tous d’actualité et adaptés au nouveau changement climatique. Dilma Roussef a déclaré à ce sujet : « je réaffirme, ici, l’engagement de la NDB à mobiliser les ressources pour investir dans l’énergie propre et efficace, les transports, l’eau et les infrastructures sanitaires, la protection de l’environnement, les infrastructures sanitaires, les infrastructures numériques (…). L’ultime objectif étant de lutter contre la pauvreté, de surmonter les inégalités et de promouvoir un développement partagé menant à un monde plus prospère et plus durables pour tous ».

Modèles de financement novateurs

Au rayon du financement des projets, Dilma Rousseff a fait état de l’engagement de la NDB à mettre au point des modèles de financement novateurs. Il s’agit, pour elle, de « lever des fonds sur les marchés mondiaux les plus divers, dans différentes devises telle que le Reminbi (monnaie chinoise dénommée également le Yuan), le dollar et l’euro ».

Cerise sur le gâteau, la NDB, s’engage selon sa présidente, « à financer ses projets en monnaies locales, en se concentrant sur les marchés nationaux. L’objectif est de créer des alternatives financières solides pour les pays membres ».

Et pour ne rien oublier, la NDP dispose, actuellement d’un capital de plus de 50 Milliards de dollars et projette de le porter à 100 milliards de dollars.

Première banque mondiale de développement créée sans la participation des pays occidentaux dans sa phase initiale, est le bras financier du groupe Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui compte de nouveaux membres : Bangladesh, Emirats arabes unis, Egypte, Urugway.

Ensemble, ils représentent plus de 40% de la population mondiale (3 milliards) et un quart du PIB mondial (25 000 Milliards de dollars). En termes de parité pouvoir d’achat (PPA), on estime que l’économie du Brics est déjà plus importante que celle des pays du G7.

Morale de l’histoire : le groupe est bien placé sur le plan politique, économique et géostratégique pour ouvrir la voie à un modèle de développement multilatéral partagé.

La petite Tunisie, qui a beaucoup souffert des conditionnalités des institutions traditionnelles, pourrait trouver dans le Brics et la NDB, une alternative pour relancer son économie avec des moyens de financement plus acceptables.