Depuis une dizaine d’années, partout où vous allez en Tunisie, au sud comme au nord, à l’est comme l’ouest, le spectacle est le même : des détritus et des ordures de tous genres jonchent les bords des routes, l’entrée des villes, sur les plages tout comme dans les montagnes et les plaines. Même dans les endroits les plus enclavés et les plus éloignés, sites archéologiques d’El Jem, Dougga, Sbeitla…, les amas de saletés sont au rendez-vous

Si on comprend la présence de ces saletés sur les plages isolées en raison des rejets pollués de la mer sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise, nous ne comprenons pas leur prolifération dans les bois suburbains comme ceux de Habibia à l’ouest de Tunis et de Nahli (proche banlieue nord de la capitale) et même au centre de la capitale.

Plus grave, les belles forêts de chêne-liège et de chêne zéen d’Ain-Draham sont devenues en raison du campisme anarchique, des poubelles à ciel ouvert. On y trouve toutes sortes de détritus :  canettes de bière, boîtes de conserves, pots de yaourt, bouteilles vides, et pour chapeauter cette laideur, des sacs en plastique bourgeonnent les arbres,

Néanmoins, c’est dans les villes que la situation est dramatique. Si cette situation est plus au moins contenue dans les stations touristiques littorales : Sousse, Monastir, Bizerte, Djerba…elle est simplement catastrophique dans les villes de l’intérieur. Nous avons encore à l’esprit le drame des déchets non ramassés, des mois et des mois, dans une grande ville comme Sfax.

Morale de l’histoire : la Tunisie, qui se targue d’être une des plus belles destinations touristiques de la Méditerranée, est aujourd’hui un pays sale, très sale. Au regard de l’ampleur des saletés qui jonchent dans le pays, nous sommes tentés de dire que ce pays vit un véritable génocide écologique. Aucune des villes tunisiennes ne répond aux normes exigées en matière de propreté, s’agissant, particulièrement, de la qualité de l’air, la gestion des déchets et du nombre d’espaces verts.

La responsabilité est générale

La question est de savoir qui est responsable de ce scandale écologique. Plusieurs facteurs y ont contribué.

Il y a en premier lieu le laisser-aller général qui a prévalu depuis le changement de 2011 dans le pays et dont la principale cause réside dans l’incompétence des responsables islamiques qui ont gouverné, depuis, le pays.

Tout le monde se rappelle l’exclamation de l’ancien chef du gouvernement islamiste, Hamadi Jebali (2011-2013). Ce dernier en visite dans le quartier populaire de Mellassine, à Tunis, pour s’informer de l’ampleur de la pollution générée par la non-collecte des ordures, à l’époque, avait crié face aux caméras « mais où est le gouvernement ?» omettant que c’était lui le gouvernement à l’époque.

Les nombreuses grèves des agents de nettoyage qui revendiquaient des améliorations de leur situation matérielle ont été, également, pour beaucoup dans la prolifération des saletés dans les villes.

Conséquence : il est rare de déambuler dans les artères de n’importe quelle ville du pays sans tomber sur des amoncellements de détritus. Ces ordures font le festin de chats et de chiens errants, de mouches et de rongeurs, ainsi que des microorganismes (bactéries et virus) et parasites divers mettant en danger la santé des habitants et la salubrité de l’environnement.

Ce spectacle est désormais quotidien et banalisé.  Cela pour dire que l’environnement a été la principale victime du changement de 2011.

Il y a aussi le comportement incivique du citoyen. Mal éduqué et non-sensibilisé à la propreté des villes et des espaces de partage, ce citoyen a pris le pli de jeter ses restes partout : mégots de cigarettes, papiers, chewing-gum, paquets de cigarettes vides…Les automobilistes qui, tout en roulant, jettent bouteilles vides, papiers mouchoirs. Sans aucune gêne, ils vident, souvent, leurs cendriers au feu rouge. Et la liste des laideurs est loin d’être clôturée.

Cela pour dire que les Tunisiens vivent dans une sorte d’inconscience environnementale, qui n’est pas d’ailleurs leur apanage.

Vient ensuite la responsabilité des gouvernements qui se sont succédé depuis les émeutes de décembre 2010-janvier 2011. A défaut de vision et de stratégie sur le moyen et le long terme, ces gouvernements se sont contentés, et ce malheureusement jusqu’à ce jour, d’entreprendre, à court terme, des actions de propreté de circonstances, c’est à dire à l’occasion, de l’organisation de manifestations régionales ou mondiales : Tunis 2020, sommet de la ligue des Etats arabes, sommet de la francophonie, Ticad 8….

Les commerçants, restaurateurs et propriétaires de salons de thé qui fleurissent comme des champignons sont aussi responsables de la saleté, particulièrement, dans les villes. Il est intolérable de constater comment les propriétaires de ses espaces de vie s’accommodent de la présence de poubelles éventrées par les « barbechas » juste à quelques mètres de la devanture de leurs locaux. Le spectacle est, simplement, affligeant et choquant.

Juste à titre indicatif une grande pizzeria, ayant pignon au quartier chic d’Ennasr,  ne se gêne aucunement d’incommoder les passants et sa clientèle d’avoir devant sa façade, au quotidien et 24 heures sur 24 heures, de poubelles ouvertes.  Il faut arrêter sa respiration un bon moment avant de passer à côté des détritus qui jonchent sur le trottoir et exhalent leurs pourritures.

Face à cette incroyable désinvolture expression d’un fatalisme environnemental et d’une indifférence générale à l’égard de la propreté, les solutions ne manquent pas pour y remédier.

Il y a, généralement, trois règles majeures règles à respecter pour qu’un pays soit propre. La première raison est souvent l’engagement des autorités locales en faveur de la propreté. Cela peut se traduire par des programmes de nettoyage rigoureux, des campagnes d’information destinées aux habitants ou encore des amendes pour les déchets jetés dans la rue.

A propos d’amendes, dans une ville comme Singapour, une des dix villes les plus propres du monde, pour éviter que ses habitants ne salissent la ville avec un ou des chewing-gums, ces derniers sont tout simplement interdits à la consommation. L’amende en cas de mastication de “gomme à mâcher” est de 1000 euros. En France pour un simple mégot jeté par terre, l’amende frôle les 500 dinars.

Kaïs Saïed peut sauver la situation

Concernant la sensibilisation, pour le moment et au regard de la détérioration de la vie politique qui prévaut dans le pays, la seule institution capable de faire bouger les choses, c’est la présidence de la République. Avec son ascendant moral et sa popularité, le président Kaïs Saîed, qui concentre tous les pouvoirs, est, à notre avis, la seule institution habilitée à enclencher une dynamique de propreté générale dans le pays.

Dans cette perspective, il est invité, dans l’intérêt général du pays, à lancer un programme national de propreté impliquant, toutes les institutions du pays : armée, police environnementale, collectivités régionales et locales, entreprises, établissements scolaires (jardins d’enfants, écoles, lycées, universités) société civile (scouts…).

C’est la communauté nationale qui est gagnante au final pour une simple raison. Certes, la propreté peut coûter cher à la collectivité mais la saleté revient encore plus cher car elle entraine une dégradation de la santé du citoyen qui nécessiterait des soins plus coûteux.

Nous sommes sûrs que les résultats ne se feront pas attendre. Nous sommes même convaincus, que la tendance sera inversée dans quelques mois au grand bonheur des touristes et des Tunisiens.