Depuis 2017, plusieurs pays ont défini des stratégies appropriées pour faire face aux grands défis de l’intelligence Artificielle. Parmi les grands axes couverts par ces stratégies, nous notons : la recherche et le développement, le renforcement des capacités, le développement des compétences, l’éducation, l’adoption de IA par les secteurs public et privé, l’éthique et inclusion, les normes et réglementations, l’infrastructure et l’accessibilité aux données et au numérique.

Certains pays ont innové pour accélérer l’adoption de l’IA par l’économie et la société civile. Les Émirats arabes unis ont mis en place un ministère de l’IA pour la mise en œuvre des projets, d’autres ont élaboré des plans nationaux avec des objectifs clairs comme l’Angleterre, l’Inde et l’Egypte et ont constitué des groupes de travail en s’appuyant sur des experts de la Diaspora tel le Kenya qui axe sa stratégie sur l’inclusion financière, la cybersécurité et l’identité numérique unique.

Il est important de savoir que ces pays ont su se mobiliser rapidement pour redéfinir leurs stratégies IA et les utiliser pour renforcer leurs niveaux de compétitions technologiquement en tant que leaders. Le royaume Unis et Singapore ont été positionnés respectivement second et troisième après les Etats-Unis. Il est aussi utile de comprendre l’évolution d’un pays comme la Chine qui devient le plus grand concurrent des Etats-Unis quant aux technologies de pointe. La population asiatique représente près du tiers de la population mondiale, la Chine et l’Inde sont classées 17ème et 32ème à l’échelle mondiale.

Le Royaume Uni : une stratégie en 3 axes 

La stratégie nationale sur l’IA du Royaume-Uni repose sur trois axes. Le premier axe vise à investir et planifier les besoins à long terme afin de maintenir la position de leader mondial après les USA dans la science et l’IA. Le second axe appuie la transition vers une économie basée sur l’IA, en profitant des avantages de l’innovation. DeepMind est une grande fierté pour nombre de pays avec des réalisations qui ont marqué l’histoire. Le troisième axe concerne la gouvernance nationale et internationale des technologies d’IA pour encourager l’innovation, l’investissement et protéger les utilisateurs et les valeurs fondamentales. Chaque axe a été planifié dans des délais précis : le court terme (trois prochains mois), le moyen terme (six prochains mois) et le long terme (12 mois et au-delà).

Quelle part et quel apport de l’IA pour la Tunisie ? 

En étudiant de nombreuses stratégies IA et étant impliqué dans la définition de la Stratégie d’IA pour la Tunisie en tant qu’Experte de la Diaspora, je relève que la stratégie britannique fournit un modèle structuré qui pourra servir de base de travail dans le respect des spécificités du pays concerné. Parmi les axes majeurs à développer, je retiens le développement des compétences, l’approche recherche et innovation, l’infrastructure et l’accès à la donnée et l’importance des financements et de la richesse de l’écosystème.

Singapour est un modèle à suivre.  Ce pays a su se développer en moins de cinquante années. La Stratégie d’IA de ce pays semble pragmatique avec une approche que je qualifie de « Down to earth ». Elle s’appuie sur cinq axes dont le premier est le financement de la recherche fondamentale en IA. Le second axe requiert la collaboration multidisciplinaire afin de produire des solutions pour les grand Challenges autour des principaux défis de Singapore à savoir la santé, les solutions urbaines et la finance. L’axe 3 suggère le financement de 100 Expérimentations proposant des solutions d’IA évolutives aux problèmes identifiés par l’industrie. L’axe 4 est un programme d’apprentissage en IA structuré sure 9 mois et visant à favoriser une nouvelle cohorte de talents en IA à Singapour. Le dernier axe repose tient à un conseil consultatif sur l’utilisation éthique de l’IA et des données pour aider le gouvernement à élaborer des normes et des cadres de gouvernance pour l’éthique de l’IA.

Quelle part et quel apport de l’IA une Tunisie qui grouille de compétence et de talents dans l’IA ? L’avenir nous le dira.

La Chine, placée 17ème mondial a consacré des investissements impressionnants comparé à des pays comme la France. Leur stratégie d’IA que j’ai qualifié de « IA en production à l’échelle » vise le développement de produits intelligents connectés (des véhicules, des robots de service et des systèmes d’identification), des capteurs intelligents et des puces de réseaux. La Chine investit dans la formation orientée vers l’industrie, les tests standards et la cybersécurité.

L’Etat encourage les partenariats avec les entreprises technologiques nationales pour développer la recherche et le leadership industriel dans des domaines spécifiques de l’IA.

La liste est impressionnante. Nous pouvons citer Alibaba, Tencent, Huawei, Xiaomi et TikTok. La Chine abrite le plus grand parc technologique au monde avec un investissement de 2,1 milliards de dollars pour la recherche sur l’IA à Pékin.

L’Inde, avec une population jeune de 34% dans les filières STEM, a construit sa stratégie autour de la croissance économique et l’inclusion sociale. Son approche a été baptisée « AI ​​for All ».

Nous observons dans les quatre stratégies citées plus haut des axes communs avec pour fers de lance le développement des compétences locales en IA, la recherche et le développement et aussi les enjeux économiques pour gagner en compétitivité et en avantages financiers.

La Tunisie, leader en Intelligence Artificielle

Parmi les pays leaders en Stratégie IA, Maurice est apparu comme le premier pays à représenter le continent africain dans le classement d’Oxford Insights. Maurice est classé 57e au monde avec un score de 53,38 points, suivi de l’Égypte à la 65e place avec 49,42 points, suivie de l’Afrique du Sud à la 68e place avec 47,74 points puis la Tunisie en position 70 sur 181 pays et un score de 46,81 points. L’Egypte fait partie des pays qui ont eu un énorme progrès en moins de 3 ans vu qu’il occupait la position 8 en Afrique en 2019 et 111 à l’échelle Monde en 2019. Ceci est dû aux efforts du gouvernement égyptien qui a généralisé l’usage des services digitaux en investissant 1.6 Milliard de Dollars dans l’infrastructure de communication. Il est à noter que l’Afrique du Sud est le seul pays de l’Afrique à avoir accès à une infrastructure 5G commerciale et à un des meilleurs fournisseurs de cloud. Le second facteur fort appréciable dans ce pays est le rôle du régulateur en Télécommunication qui a entrepris des actions pour réduire le coût de la donnée Mobile.

La Tunisie occupe la 4ème position en Afrique. La Tunisie a mis en place depuis 2018 des programmes d’intelligence artificielle pour permettre aux entreprises industrielles de renforcer leur compétitivité. En Février 2022, quatre ministères se sont associés pour établir la stratégie Nationale d’Intelligence Artificielle qui touche aux domaines du Transport, de la santé et de l’éducation. En Mai 2022, des ateliers portant sur la gouvernance de la donnée et l’accélération de l’adoption des cas usages IA prometteurs ont été animés pour identifier les piliers de cette stratégie.

La Tunisie manque fortement d’investissements pour accélérer l’adoption d’IA et devra développer un Framework avec le milieu industriel et international. Il est aussi crucial de développer les compétences IA en s’appuyant sur la Diaspora en Technologie.  A l’aube de la révolution des IA créatrices, nulle ne doit souffrir de pauvreté digitale.

La Tunisie, classée seconde Mondialement avec 37% de ses jeunes en filières STEM (Science, de la Technologie, de l’Ingénierie et des Mathématiques) a toutes ses chances pour développer un pool de talents innovants et développant des solutions à l’échelle pour des problématiques du pays et du Continent Africain.

L’Afrique a besoin de développer ses propres solutions et n’a pas à utiliser celles imposées par l’occident. Le développement des partenariats internationaux mais régionaux en Afrique est la clé pour faire avancer les technologies de pointe dans l’ensemble des pays et éviter la pauvreté Digitale qui sera le prochain Fléau du siècle. L’Afrique a besoin de développer les infrastructures data et IA et collecter les données qui lui permettront de résoudre les problèmes majeurs du Continent. L’Afrique comme la Tunisie ont besoin de développer le marché local Africain technologique à l’image de la Chine qui a su transformer son pays en le rendant le plus grand compétiteur des états Unis.

Par Dr Lobna Karoui