Face à la persistance de la sécheresse, pour la 5ème année consécutive, avec comme corollaires l’assèchement des eaux des barrages, la surexploitation des eaux profondes non renouvelables (fossiles) de 130%, les Tunisiens, confrontés pour la première fois au rationnement de l’eau, commencent à s’inquiéter et à réfléchir sérieusement sur les moyens de s’adapter au réchauffement climatique.

Le mot d’ordre est désormais le suivant: connue pour être un pays aride et semi-aride, la Tunisie se doit de rentabiliser chaque mètre cube d’eau. Concrètement, chaque secteur d’activité est appelé à optimiser sa consommation d’eau et à privilégier l’utilisation les eaux renouvelables.

Deux exemples méritent qu’on s’y attarde en raison de la réaction positive de certains secteurs et de leur option pour un approvisionnement en eau totalement indépendant du réseau de la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau (SONEDE) et des nappes souterraines surexploitées.

Bientôt, les piscines des hôtels utiliseront l’eau de mer

La plus récente concerne l’hôtellerie. Ce secteur, bien qu’il ne consomme, selon le ministère de l’Agriculture, que 0,3% des ressources en eau disponibles dans le pays contre 75% pour l’agriculture irriguée, a décidé de satisfaire une partie de ses besoins en exploitant l’eau de mer.

Selon Tarek Chaabouni, président de la Commission de l’environnement et du développement durable de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), a esquissé les grandes lignes de la stratégie arrêtée à cette fin.

La Tunisie, destination touristique confirmée, ne peut se permettre d’exposer les touristes étrangers aux désagréments de pénuries d’eau. A court terme, des précautions ont été prises pour que chaque hôtel dispose d’un réservoir-citerne-petit château d’eau devant lui permettre de disposer d’une autonomie d’alimentation en eau potable fournie par la SONEDE pendant 48 heures au moins.

A moyen terme, et c’est là le point d’orgue de cette stratégie, pour économiser l’eau et contourner l’apport de la SONEDE en eau douce, les hôtels projettent de remplacer les équipements de leurs piscines pour utiliser l’eau de mer plutôt que l’eau douce de la SONEDE. « Une telle option suppose que les hôteliers vont mettre la main dans la poche pour payer les futurs équipements. C’est en quelque sorte un nouvel investissement », a déclaré Tarek Chaabouni, qui s’exprimait, le 13 avril 2023, sur les ondes de la radio privée Mosaïque FM.

« Parallèlement, un travail de sensibilisation sera également mené auprès du personnel et des clients des hôtels pour réduire la consommation d’eau », a-t-il dit.

Le deuxième exemple a trait à un ambitieux projet intégré lancé au sud du pays par une joint-venture agricole tuniso-hollandaise, “Desert Joy – Joie El Hicha”. Cette entreprise exploite, jusque-là, des eaux géothermique (fossiles) pour irriguer ses cultures destinées à l’exportation : tomates cerises, concombre, melons…

L’entreprise agricole a annoncé, en septembre 2022, un gros investissement de 200 millions d’euros (environ 647 millions de dinars) pour financer la création d’une station privée de dessalement d’eau de mer, des fermes solaires pour faire fonctionner la station et l’exploitation, et des stations de traitement d’eaux usées (EUT).

Anticiper sur des changements majeurs à l’international

Un tel investissement va garantir l’autonomie de l’alimentation de l’exploitation en eau potable renouvelable et contribuer à la pérennité de sa production.

Avec un tel investissement, la société anticipe sur des changements majeurs qui vont avoir lieu au niveau de nouvelles réglementations des échanges commerciaux à l’international, notamment en ce qui concerne deux redevances qui seront bientôt exigées aux frontières. On parle, aujourd’hui, de taxe carbone, taxe environnementale (ou écotaxe) qui concerne les émissions de dioxyde de carbone, ou encore d’empreinte eau d’un produit (bien ou service). Elle est égale au volume total d’eau douce renouvelable utilisé directement ou indirectement pour produire le produit agricole ou alimentaire.

Morale de l’histoire : cette société n’a investi lourd dans l’extension de son projet que parce qu’elle sait que, dans quelques années, elle ne pourra plus produire et exporter à partir d’eaux non renouvelables. Le gain est garanti. Avec des produits bio respectueux de la nature, l’entreprise va augmenter son chiffre d’affaires avec des produits bio à haute valeur marchande.

Cela pour dire, in fine, que le réchauffement climatique et ses exigences en matière de durcissement des réglementations constitue également des opportunités pour mieux servir des touristes écolos et pour mieux produire bio et gagner plus.

A bon entendeur.