L’herbicide, S-métolachlore, désherbant que les céréaliers et producteurs de betteraves utilisent pour améliorer le rendement de leurs cultures, s’est avéré dangereux pour la santé humaine, pour l’eau et les sols. Il sera bientôt interdit, au plus tard dans une année.

C’est du moins ce qu’a récemment annoncé l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (acronyme ANSES), établissement public français.

Les agriculteurs tunisiens, qui importent cet herbicide, devraient commencer par revoir, dès maintenant, leur modèle de culture.

Et pour cause. Dans un rapport, l’ANSES y a décelé des risques de contamination des eaux souterraines avec un impact sur la qualité de l’eau potable. Pour elle, ce produit pénètre dans le sol, puis dans les nappes phréatiques.

Pour remplacer cet herbicide, les experts recommandent deux solutions : l’utilisation d’un autre herbicide, ou un désherbage mécanique par le biais d’herbeuses, de houes rotatives ou de herses étrilles.

Par-delà ces éclairages pratiques, nous avons tenu à informer nos céréaliers, à temps, pour deux raisons.

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La Tunisie, une poubelle de résidus chimiques ?

La première a trait aux récentes révélations catastrophiques sur l’importation presque sans contrôle par la Tunisie d’herbicides, insecticides, pesticides dangereux.

Selon un rapport rendu public en 2020 par l’Association de l’éducation environnementale pour les futures générations (AEEFG), en collaboration avec le Réseau international pour l’élimination des polluants (IPEN), quelque 33 pesticides qualifiés de “hautement dangereux” sont toujours importés et commercialisés en Tunisie alors qu’ils sont bannis dans d’autres parties du monde, notamment en Europe.

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L’AEEFG explique la poursuite de ces importations dangereuses par deux facteurs. Le premier porte sur la pression que le lobby des importateurs de ce désherbant exerce pour le maintien du statu quo, tandis que le second a trait à l’incapacité des structures phytosanitaires tunisiennes à financer les études et enquêtes scientifiques devant prouver sur le terrain la nocivité des ces herbicides, pesticides, insecticides.

Selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour pouvoir suspendre l’importation d’un pesticide, il faut que les États membres dont la Tunisie donnent la preuve scientifique de leur dangerosité. Résultat : à défaut de moyens multiformes, la Tunisie continue de les importer et d’empoisonner, par ricochet, l’alimentation des Tunisiens et les sols.

La problématique réside dans les résidus

Selon les scientifiques, le réel problème demeure dans les résidus des herbicides-pesticides-insecticides. Certains résidus de pesticides, une fois ingérés dans l’organisme humain, peuvent avoir un effet sur les perturbateurs endocriniens, à savoir les hormones qui régulent notre corps.

« Des études réalisées à l’étranger ont prouvé que les résidus de pesticides peuvent provoquer des diabètes, des dérèglements hormonaux, des thyroïdes et même des cancers et des cas de stérilité ».

Le Pesticide Action Network (PAN), réseau de plus de 600 organisations non- gouvernementales, institutions et individus issus de plus de 90 pays qui œuvrent pour la promotion et l’adoption d’alternatives et de pratiques agricoles écologiquement saines et durables pour remplacer l’utilisation de pesticides dangereux pour les Hommes, révélait dans un rapport, publié en décembre 2020, que les empoisonnements dans le monde (létaux ou non) sont passés de 25 millions en 1990 à 385 millions aujourd’hui, touchant près de la moitié des travailleurs agricoles.

Au niveau des aliments, il a été prouvé que les lipides alimentaires, apportés à la fois par les produits animaux (poissons, œufs, fromages, charcuterie, viande) et les produits végétaux (graines et fruits oléagineux, huiles), contiennent des résidus de pesticides.

C’est prouvé : le lait est dangereux pour la santé

D’ailleurs, l’information rapportée le 9 janvier 2023 par la journaliste Samia Hassine lors du journal de 20 heures de la chaine publique El Wataniya 1, selon laquelle « le lait et les produits laitiers nuisaient à la santé des personnes âgées » est loin d’être une fake news.

Et les internautes incultes qui avaient perçu dans cette information une intention malveillante de la journaliste pour justifier la pénurie de lait qui prévalait à cette période, ont tort. Car des études européennes et américaines ont révélé que la consommation du lait serait dangereuse pour la santé.

Le principe est simple : par l’effet des résidus des herbicides, pesticides insecticides, le lait et les produits laitiers en général contiennent une proportion importante de lipides. Ils sont donc particulièrement exposés à contenir des traces de résidus d’insecticides chlorés.

La nutritionniste tunisienne, Leila Olwen, a confirmé, sur les ondes de la radio privée Mosaïque Fm, cette thèse. Elle a déclaré que « les pays européens et américains utilisent des hormones dans l’alimentation des vaches qui pourraient causer des maladies et même des cancer ».

Et même la Tunisie, pays intégré dans la globalisation des échanges internationaux, ne serait pas épargnée dans la mesure où le lait en poudre est autorisé à l’importation.

Autre nuisance des herbicides-pesticides-insecticides, ce n’est pas seulement au niveau des aliments que l’on retrouve ces résidus. nous les retrouvons également dans l’eau de la nappe phréatique que nous buvons et sur les sols où les résidus, des substances toxique, tuent les micro-organismes qui les alimentent. C’est le cas, justement, du désherbant, le S-métolachlore, dont nous parlions en haut.

La taxe carbone pourrait dissuader l’utilisation des pesticides dangereux

Cette situation ne peut perdurer éternellement en raison de l’évolution des réglementations européennes. A rappeler que l’Union européenne a décidé d’appliquer, à partir de janvier 2023 à ses frontières, une taxe carbone appelée «mécanisme d’ajustement carbone aux frontières» (MACF), aux produits importés de Tunisie et d’ailleurs.

Objectif : se servir de cette taxe pour lutter contre le réchauffement climatique, éviter les « fuites carbone », notamment les délocalisations d’entreprises européennes vers des pays aux normes environnementales plus lâches, et s’armer face à la concurrence déloyale.

Les exportateurs tunisiens de produits agricoles sont concernés. Ils seront obligés pour écouler leurs produits en Union européenne de ne plus utiliser des herbicides, pesticides, insecticides dangereux.

Au plan local, la Tunisie a intérêt à réglementer, en urgence, la commercialisation de ces produits dangereux en créant, comme le propose le SYNAGRI, « des pharmacies agricoles spécialisées dans la vente de produits destinés à l’agriculture ».

Il s’agit également de réhabiliter les centres de vulgarisation agricole. Ces structures, fermées pour des raisons apparemment financières, avaient pour mission d’encadrer les agriculteurs et de les assister dans l’utilisation de ces herbicides-pesticides insecticides, souvent dangereux.

A bon entendeur.