Le EIU a publié sa plus récente note de veille économique au sujet de la Tunisie. Évidemment, la note insiste sur la gravité de la situation économique prévalent en Tunisie. Ajoutant que la Tunisie est dans une impasse budgétaire difficile et dont la sortie ne peut s’envisager sans réformes structurelles et douloureuses.
Le pire, en Tunisie, les élites politiques et les économistes de la place regardent ailleurs, ou accusent les autres de trahison si ces derniers alarment aussi de l’urgence des réformes…ou osent s’aligner sur des positions et théories économiques dominantes, partagées par le FMI et autres bailleurs de fonds occidentaux.
Cela dit. Les statistiques économiques de la Tunisie sont têtues et s’enfoncent toutes dans le rouge, qu’on le veuille ou pas !
L’EIU présentent dans sa dernière parution une vingtaine d’indicateurs, tous préoccupants.
Je me limite ici restons aux plus importants, pour les faire parler objectivement. 4 points méritent notre attention :
1- depuis janvier 2021, l’indice des prix industriels reprend le dessus sur l’indice des prix à la consommation (inflation). L’IPP tire vers le haut l’IPC, et cela augure la persistance de l’inflation en Tunisie. On peut anticiper un taux de 13 % d’ici la fin de l’été ! Ce fléau dévastateur pour le pouvoir d’achat et pour l’investissement va faire augmenter l’inflation, à l’approche de la saison touristique. Le pouvoir d’achat va continuer à péricliter, mais jusqu’où restera-t-il supportable, avec de faire exploser une autre insurrection populaire.
2. Des changements tendanciels se font constater dans les variations des indicateurs de mesure de la masse monétaire, M1 (billets de banque et monnaie liquide) et M2 (M1 et dépôt à terme).
Les liquidités monétaires se resserrent fortement indiquant un l’assèchement de plus en plus important des marchés au regard des liquidités. La cour de M1 est passée en dessous de la courbe M2. Le taux de croissance passe en dessous de 10%, malgré une d’inflation de 10%. Cela porte à croire que l’épargne, demande et l’investissement vont en pâtir…et cela n’est pas rassurant pour les opérateurs économiques nationaux. Les banques sont de plus en plus incapables d’honorer des retraits de grosses sommes en liquide, sans être prévenues quelques jours ou semaines d’avances.
3- Le déficit de la balance commerciale continue de se creuser, lentement mais continuellement. Les déficits commerciaux sont inquiétants pour le stock de devises et donc pour la dette. En Tunisie, on a un tropisme pour les importations et les modèles de consommation étrangers, privilégiant tout ce qu’on ne produit pas localement, et néglige tout ce qu’on produit pour exporter à tout prix.
4- Pour le taux de change la tendance est aussi très baissière, le dinar a perdu plus de 12% en 2022 par rapport au dollar. Et malgré la volatilité du dollar, le dinar s’érode aussi à petit feu, tirant vers le bas le pouvoir d’achat des consommateurs et des entreprises qui ne peuvent plus renouveler leurs équipements…
C’est dire la gravité des signes et symptômes d’l’effondrement incrémentiel…petit à petit, on s’enfonce ensemble, sûrement et lentement, sans chocs majeurs, mais avec un affaissement continu des indicateurs macroéconomiques…
Par Moktar Lamari
Source: EIU, 22 mars 2023