Pour sa dixième édition, le festival de la Cinémathèque française ” Toute la mémoire du monde ” consacre du 8 au 12 mars 2023 une rétrospective “Films du Maghreb”, en six œuvres majeures restaurées.

Pour cette immersion dans l’histoire du cinéma, afin de découvrir ou redécouvrir des chefs-d’œuvre restaurés, le festival a choisi parmi les 6 oeuvres, trois films tunisiens restaurés, signés Nacer Khemir : ” Bab’Aziz, le Prince qui contemplait son âme” (2005, restauré par Trigon Film-Suisse), “Les Baliseurs du désert” (1984, restauré par Trigon Film et la Cinémathèque royale de Belgique ) et “Le collier perdu de la colombe” (1991, restauré par Trigon Film).

Dans une note introductive, le festival revient sur la naissance de la cinématographie de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Le marqueur qui définit la date de naissance des cinémas nationaux, est celle de l’indépendance de ces pays, soit 1962 pour le premier et 1956 pour les deux autres.

Entre les débuts du cinéma et ces dates, s’est développé un cinéma colonial riche de plus de 200 films de fiction et de quelques milliers de documentaires, donnant parfois des images romanesques des pays et de leur population.

Pour la cas de la Tunisie qui commémore cette année le centenaire de son cinéma, le grand voyageur Samama Chikli, né en 1872 à Tunis dans une riche famille, appartenant à l’entourage de l’héritier du trône, Mohammed el-Sadik Bey, devient rapidement correspondant des frères Lumière dont il s’inspire pour tourner les premières vues aériennes et sous-marines du pays. Il est aussi le premier auteur-réalisateur-producteur tunisien, artisan de deux fictions, “Zorah”, et “La Fille de Carthage”, jouées par sa fille, Haydée Chikli. Sous son influence se développe un timide mouvement, qui ne connaîtra pas d’héritage artistique durable, avec deux œuvres originales : Tergui (Abdelaziz Hassine, 1935) et “Le Fou de Kairouan” (Jean-André Kreuzi, 1937). L’industrie du cinéma tunisien se caractérise pourtant par une sorte de précocité et d’anticipation des changements à venir. En 1927 se crée la première société de distribution. A partir de 1939 s’ouvrent de nombreuses salles un peu partout, et un camion-cinéma se déplace dans les villages. En 1946 y naissent les ciné-clubs qui, sous l’autorité de Tahar Chériaa, connaîtront un essor spectaculaire. Mais ce n’est qu’en 1957 que le cinéma tunisien se dote d’une entreprise étatique, la Société Anonyme Tunisienne de Production et d’Expansion Cinématographique (SATPEC) et que Chériaa crée la première revue de cinéma indépendante en Tunisie.

Jacques Baratier tourne “Goha” qui représentera la Tunisie au Festival de Cannes. Mais il faudra dix ans encore pour que le premier long métrage réalisé par un cinéaste tunisien, Omar Khlifi, voit le jour. S’ensuivra une riche filmographie, – Selma Baccar, Nouri Bouzid, Kheltoum Bornaz, Nacer Khemir, Mohamed Zran, Moufida Tlatli, Raja Amari, Ferid Boughedir …-, qui consacre la cinématographie du pays et lui donne une dimension internationale…. Leur présence, désormais visible, dans les grands festivals internationaux et dans les salles de cinéma, en témoigne.