A Sfax et Kerkennah, un groupe de citoyens vient d’aménager une vingtaine de jardins potagers domestiques qui offrent des variétés de fruits et légumes cultivés à partir de semences du terroir.

Il s’agit là d’une nouvelle initiative lancée par le Réseau des ingénieurs tunisiens et ” La Ferme biologique “, un projet porté par l’agriculteur Abdelbasset Tarfaoui, qui ambitionne de proposer une alternative aux semences importées et de renforcer la sécurité alimentaire du pays.

Pour lui, ces jardins potagers enchantent déjà les habitants qui ont hâte de bénéficier de cette initiative dont l’objectif est de promouvoir l’agriculture vivrière dans la région.

Le gouvernorat de Sfax a été choisi pour mener cette expérience pilote en raison de l’enthousiasme dont ont fait preuve les habitants et les ingénieurs locaux à l’égard de ce programme, en s’engageant bénévolement à le faire réussir.

Pour Boutheina Bahloul Mnig, l’une des bénéficiaires de ce programme, ” ce type d’initiative revêt un caractère important non seulement pour la région mais aussi pour l’ensemble du pays, dans la mesure où elle offre une alternative aux semences importées, qui restent coûteuses et inadaptées au sol tunisien “.

Propriétaire d’une ferme nichée à Menzel Chaker, dans la délégation de Sfax-sud, cette femme au foyer adepte d’agriculture biologique souhaiterait que d’autres membres de sa famille et voisins lui emboîtent le pas. ” Nous avons besoin d’autres initiatives comme la Ferme biologique afin de réaliser l’autosuffisance alimentaire des ménages tunisiens, d’autant que notre agriculture reste fortement exposée aux changements climatiques “.

Valorisation des semences locales

Pour être éligible à ce programme, il est impératif de remplir un certain nombre de critères dont, le degré d’engagement manifesté par le bénéficiaire potentiel, renseigne Mourad Ayadi, président du Réseau des ingénieurs tunisiens de Sfax.

Selon ses initiateurs, le programme ” La Ferme biologique ” vise la valorisation des semences locales résistantes à la sécheresse, aux effets des changements climatiques et aux maladies fongiques, à travers la contribution aux efforts de multiplication tout en encourageant l’autonomie économique des ménages et en limitant le recours aux semences commerciales dont l’impact négatif sur le budget, les sols et l’environnement n’est plus à démontrer.

48 variétés de semences potagères distribuées

Ce programme favorisera également la production de légumes et fruits biologiques et permettra de remédier au manque en produits agricoles enregistré de plus en plus dans les marchés.

La Ferme Biologique distribue gratuitement 48 variétés de semences potagères aux ménages tunisiens indique Tarfaoui, ajoutant que ces variétés plantées dans 12 potagers jusque-là, sont essentiellement des cucurbitacées et des légumes-feuilles.

Au-delà de son importance économique et sociale, ce projet revêt selon son dirigeant, une importance symbolique étant donné sa contribution à préserver les semences locales qui constituent une partie importante de l’identité nationale, souligne-t-il.

Rôle de la banque des gênes

A cet égard, la Banque nationale de gènes de Tunisie (BNG) joue un rôle important dans ce domaine et constitue une pièce maîtresse dans le programme de protection des ressources génétiques végétales et animales dans le pays, rappelle-t-il, appelant à tirer profit de plus de 40 mille variétés de semences potagères, céréalières et autres que la BNG propose gratuitement à la multiplication.

Et de rappeler qu’une proposition de cadre juridique régissant les semences locales et reconnaissant leur importance a été conjointement élaborée par l’Association tunisienne de permaculture et l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) et adressée à la Présidence de la République, la Présidence du Gouvernement et au ministère de l’Agriculture, des ressources hydraulique et de la pêche.

Cette proposition a pour objectif “la protection des semences locales et leur reconnaissance par la loi comme base de l’agriculture durable et de la souveraineté alimentaire”, selon la correspondance relative à cette proposition et adressée aux autorités.

L’Association tunisienne de permaculture ainsi que plusieurs autres associations tunisiennes estiment que le cadre juridique actuel reconnait uniquement le système des semences commerciales, protégeant ainsi les intérêts des sociétés de production de ce type de semences et d’intrants chimiques … au détriment de l’intérêt des populations et des petits agriculteurs.

Malheureusement, la loi tunisienne relative aux semences, plants, obtentions et variétés végétales du 10 mai 1999, continue de favoriser la distribution de semences hybrides et non reproductibles sous forme de “paquets techniques”, proposés par des firmes semencières et accompagnés d’engrais portant atteinte à la biodiversité et aux écosystèmes, selon les experts de l’association.