AfriqueLe président de la République, Kaïs Saïed, a rompu avec la politique de la Tunisie vis-à-vis de la position de l’Europe envers l’Afrique. En affirmant devant le Parlement européen à Bruxelles que : L’Afrique doit être rendue aux Africains.

Ce qui est une position courageuse et panafricaine, sauf qu’il y a une très grande différence entre le discours et la méthode.

En effet, côté discours progressiste, anti-impérial, tiers-mondiste, ceci pour la galerie.

Maintenant côté pratique, la Tunisie applique une politique raciste anti-africaine envers les Subsahariens. Et c’est nouveau en ce sens qu’il s’agit désormais d’une position officielle.

Ils sont actuellement plus de 2 millions de Tunisiens qui résident hors de Tunisie, dont plus de 1 million en Europe, particulièrement en France avec plus de 800.000 Tunisiens.

C’est la “libanisation“ de la population tunisienne, par référence au Liban dont 6 millions vivent au Liban et 20 millions dans les autres pays du monde.

Actuellement la Tunisie compte sur son sol, selon l’INS, 25.000 Subsahariens, dont 5.000 étudiants. La plupart d’entre eux (les 20.000) sont en situation régulière, et sont arrivés par voie aérienne, notamment des pays qui ne sont pas soumis au visa, comme Mali, le Niger, la Guinée, le Sénégal, le Bénin, la Gambie, la Côte d’Ivoire, le Gabon.

Or sur les 53 pays africains (sans compter la Tunisie), seuls 13 pays, y compris ceux maghrébins, sont dispensés de visa pour entrer en Tunisie. Donc venir en Tunisie est coûteux, car il se fait souvent par voie aérienne, et complexe, car soumis pour la grande majorité des Africains à un visa.

Par contre, il y a une voie illégale d’arrivée en Tunisie, laquelle se fait par voie terrestre, via l’Algérie et surtout la Libye.

Maintenant la question qui se pose est de connaître la ou les raisons qui poussent les Subsahariens à venir en Tunisie. Nous en voyons quatre:

D’abord, 5.000 étudiants viennent poursuivre leurs études supérieures, souvent payantes, en Tunisie. Sachant qu’ils étaient 12.000 en 2011. Un étudiant paie ses études entre 3.200 et 6.800 euros par an dans les établissements privés, et il dépense en moyenne, selon les chiffres de l’INS, environ 12.000 euros par an.

Ensuite, 30.000 patients viennent se soigner chaque année dans les cliniques privées. Il suffit de faire un tour dans les salles d’attente des cliniques ou de consultation pour s’en rendre compte. Ou bien sur les vols de Tunisair vers les destinations africaines.

Le secteur du tourisme médical rapporte à la Tunisie plus que le secteur du pétrole et des phosphates réuni.

Il y a aussi les touristes subsahariens qui sont attirés par un faible dinar par rapport à leur monnaie arrimée à l’euro, par un coût de vie, de séjour très attrayant. D’ailleurs, il est regrettable que la Tunisie ne fasse aucune promotion de ses atouts en matière de santé envers ces pays.

Enfin, il faut l’admettre, il y a plusieurs personnes qui résident en Tunisie de manière illégale, attirées qu’elles sont par des emplois certes précaires, mais surtout par la possibilité de pouvoir voyager vers l’Europe, un jour.

Les côtes de Sfax et surtout à Kerkennah constituent la plateforme idéale pour un passage marin vers l’Italie. Malheureusement plusieurs y laissent leur vie.

Alors combien sont-ils ? On parle de 5, 10.000 voire plus, mais on ne dispose d’aucun chiffre faute de politique migratoire et d’accueil.

Même pour un résident légal en Tunisie, il faut 1 année, voire plus pour avoir une carte séjour, valable uniquement 1 année.

Ce qui expose les étudiants qui résident légalement en Tunisie pour poursuivre leurs études à des pénalités lors de leur départ de la Tunisie, et ce à raison d’une taxe de 60 dinars par mois passé dans le pays.

Il faut donc cesser de stigmatiser les Subsahariens et les discours racistes envers nos amis et frères Africains.

La Tunisie connaît un discours haineux, raciste et violent sur ces hommes et femmes qui sont en Tunisie, dans une très grande majorité de cas en situation légale.

Travaillant moi-même en Afrique et me trouvant par hasard dans un pays subsaharien lors du discours du président de la République, tous mes interlocuteurs ont été fortement choqués par la violence et la stigmatisation des ressortissants africains en Tunisie.

Et au lieu de travailler, je me suis trouvé à expliquer, à désamorcer une crainte, une peur et une colère contre la Tunisie, jadis estimée et respectée dans beaucoup de pays africains, pour ne pas dire tous.

Alors prenons garde : Ce discours expose plus de 30.000 Tunisiens qui travaillent et résident en Afrique au sud du Sahara à un risque majeur et même met leur vie en danger.

Prière du calme et traitons le fait migratoire de manière pragmatique et raisonné.

Maarouf