Tout faire pour accélérer le retour de la croissance est la mère de toutes les urgences. S’employer, par tous les moyens, à réactiver l’effet d’appel sur les investissements directs étrangers (IDE).

Mercredi 4 courant, point de presse, très attendu, du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). L’invitation laissait entendre que l’on évoquerait essentiellement le relèvement du taux directeur de la Banque des banques.

En effet, vendredi 30 décembre 2022, le Conseil d’administration de la BCT avait décidé l’augmentation du taux directeur de 7,25% à 8%, soit une augmentation de + 0,75 % d’un coup. Cela méritait éclaircissement.

Résister vaille que vaille

A la surprise générale, d’entrée de jeu, le gouverneur de l’Institut d’émission a laissé entendre que la hausse du taux directeur n’est qu’un point de détail de l’actualité économique nationale. S’étant assuré d’une large couverture médiatique avec la participation des networks internationaux de taille, Marouane El Abassi semblait s’adresser à un autre auditoire qu’au parterre de journalistes présents au salon d’honneur de la BCT. Il haranguait les investisseurs internationaux pour revenir en ce périmètre d’investissement en devenir qu’est la Tunisie.

Dans le sillage, il rassurait le FMI sur la situation actuelle du pays. La fin justifie les moyens. A tous ceux qui l’interpellaient sur certaines incohérences macroéconomiques, Marouane El Abassi, stoïque, affirmait que “compte tenu de la situation actuelle, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ?“. Boucler une loi de finances avec de la ficelle était un jonglage inévitable. Relever le taux directeur est tout aussi incontournable. Et à Dieu va.

Intervenant le lendemain de la présentation publique du Plan de développement 2023-2025, le gouverneur invite, avec délicatesse, le gouvernement à revoir sa copie. Se contenter d’un maigre +1,8% de taux de croissance pourrait nous embourber dans un risque social lequel viendrait rajouter de la crise à la crise.

Du tonus, sinon rien. Quand bien même il y a du rafistolage au plan macro financier, il semblait dire aux experts du FMI qu’on a pu momentanément passer tous les écueils. Fatalement l’on s’est débrouillé avec les moyens du bord.

Il faut savoir que depuis le mois d’avril 2020, le pays n’a pas encaissé un centime de crédit en dehors de flux d’aide de l’étranger. Ainsi, mis face à ses responsabilités, le FMI ne pourrait, en bonne logique, se dérober. Et son accord libérerait toute la chaîne de financement en devises.

Last but not least, si la situation est tendue c’est faute de ressources. Et ce signal de détresse semble s’adresser au gouvernement afin qu’il s’extraie à la panne actuelle de croissance. Le pays est dos au mur, l’on ne peut, sous quelque motif que ce soit, différer les réformes qui compromettent la reprise. Cela vaut également pour les choix économiques structurants notamment pour les transitions écologique, énergétique et digitale. La messe est dite.

Le dilemme de la hausse des taux

Relever le taux directeur n’a rien du trait de génie. Les économies avancées comme les pays en développement y viennent. Le monde entier est logé sous la même enseigne. Quand bien même on sait que l’inflation en Tunisie, qui se conjugue à la stagnation économique n’est pas d’origine monétaire, le resserrement monétaire est inévitable. Et cette médication est peu réactive car il faut 3 à 4 trimestres pour en percevoir les effets bienfaisants. Et même s’il est prouvé que l’inflation est en grande partie importée et pour le reste provenant d’une hausse des coûts la parade monétaire est inévitable. L’ennui est que cela va étouffer davantage la croissance.

De là vient le plaidoyer de Marouane El Abassi à séduire les IDE en ce contexte mondial de reflux des chaînes de valeur. Une bonne partie du speech du gouverneur est adressé aux investisseurs internationaux. Ainsi, quand il montre que la gestion du taux de change est administrée avec beaucoup de soin et de doigté. Pareil pour le taux directeur dont la gestion est corrélée aux urgences de l’instant et que ce taux a été révisé à la baisse quand la conjoncture internationale l’a permis.

Tout semblait rassurer les IDE sur les deux composantes majeures de la politique économique. Quels secteurs pourraient accueillir les IDE ? L’énergie, en priorité, car les investissements y ont été longtemps différés. Et les IME à l’évidence, car le retour sur investissement y est des plus attractifs.

Faire valoir nos priorités

Comment affronter les injonctions et la conditionnalité du FMI ? En faisant bonne figure. Le test de résilience que nous avons subi en évitant l’effondrement macroéconomique est un atout considérable. Reste l’épineuse question des réformes de fonds. Celles-ci sont nécessaires à notre redéploiement économique et non aux bonnes volontés du Fonds, rappelle Marouane Abassi. Et il étalonne l’élan de réformes à l’audacieuse réforme du code de change. Ce dernier sera débarrassé de toutes complications procédurales.

Décidé et imperturbable, le gouverneur affirmera avec résolution qu’“il s’agit de la dernière retouche que l’on apportera au code car l’étape qui suivra sera bel et bien la convertibilité du dinar“. Donc avec le Fonds, il faudra jouer à visage découvert pour bien discuter le séquencement des réformes et c’est là la meilleure façon de les faire aboutir.

Marouane Abassi s’est livré à un exercice périlleux, celui de dire “JE“ et d’apparaître comme le “Way farer“ de la conduite du changement économique. En bon régisseur de partie, il indique ce que doit être la distribution des rôles de toutes les parties prenantes, gouvernement compris. Son langage est raisonné et raisonnable. Sa démarche est recevable. Et son message est parfaitement audible. Cela n’est pas sans faille, mais il existe une solide cohérence d’ensemble.