Dieu, quelle figure ! Il possède tous les traits d’une légende. On le disait au crépuscule de son parcours. Cependant, quand le dernier acte survient, la peine est à son extrême. Hamadi Bousbiaâ a tiré sa révérence, en toute discrétion, comme tout ce qu’il entreprend, de coutume. Prendre un aller simple, un dimanche, jour de repos, pour ne pas troubler les siens, ne manque pas d’élégance. Pour paraphraser un slogan publicitaire, on peut soutenir le concernant, “Un volcan s’éteint, une légende s’éveille“.

La vie l’a gâté, en le dotant d’un caractère trempé. Il s’est toujours montré à la hauteur de ses paris et de ses défis. Mais elle l’a en permanence taquiné. Par réserve naturelle, Hamadi Bousbiaâ fuyait l’exposition publique. Elle l’a toutefois privé d’anonymat. Où qu’il fut, dans toute posture où il se trouvait, il était en pole position, jamais dans l’ombre, toujours dans l’action d’éclat.

La vie lui a aussi fait un autre grand cadeau, car elle l’a fait entrer dans l’Histoire de l’Etat de l’indépendance. Et de ce fait, tout en n’étant plus là, sa signature restera indélébile. . Ancien haut responsable à la BCT, il a bien apposé son paraphe sur les billets de banque à côté de celui de Hédi Nouira, premier président de l’Institut d’émission, initiateur du dinar tunisien.

Président du groupe de la SFBT, depuis plusieurs décennies, une enseigne phare de l’agro-industrie nationale, il était le doyen des PDG de Tunisie et peut-être même du continent africain.

Même si la circonstance ne s’y prête pas, rappelons qu’il a procuré bien du plaisir aux Tunisiens. Ses marques de boissons font la joie des petits et des grands. Tous y sont accros. Et même s’il lui a modifié la lettre B de “brasserie“ en “boisson“, peut-être par pudeur, il a fait du groupe la première capitalisation de la Bourse de Tunis. C’est le vaisseau amiral de la cote sur le marché.

Il a su rémunérer les gros actionnaires comme les petits porteurs tout en préservant les rentrées de l’Etat. On raconte qu’il aurait sèchement arrêté un conseiller qui lui recommandait une optimisation fiscale qui lui aurait procuré une récupération d’impôt de l’ordre de 450 millions de dinars tunisiens (MDT). Ce qui doit revenir à l’Etat ira à l’Etat, affirmait-il, en toute conviction. Il pratiquait un capitalisme aux couleurs patriotiques adossé aux valeurs de la République et de la solidarité nationale.

Et qui soit respectueux des droits de l’Etat autant que du champ d’intérêt de l’entreprise, en veillant à ne pas les entremêler.

Un ministre des Finances quelque peu inconséquent en a fait les frais. Il envisageait de surtaxer les produits de la SFBT, du fait d’un prix subventionné du sucre. Le Conseil d’administration de la SFBT, qui n’en portait pas moins la griffe de Hamadi Bousbiaâ, a porté la querelle sur la place publique, en étalant l’affaire dans les quotidiens, à la manière de ce qu’on faisait dans la Chine de Mao, avec les fameux Dazibao.

Le texte disait en substance que le prix du sucre facturé aux industriels était égal à celui du marché mondial. La subvention couvrait les charges indirectes d’une administration inhérente au monopole public de l’importation du sucre. Et les armes furent rangées, de part et d’autre.

Grand serviteur de l’Etat, Hamadi Bousbiaâ a aussi beaucoup servi la cause du sport national, à l’instar d’autres figures marquantes tel feus Hassen Belkhodja ou Hédi Enneifer. Hamadi Bousbiaâ a été le parrain spirituel et bienveillant du Club Africain, outre que l’obole publicitaire de ses marques commerciales a touché toutes les disciplines sportives.

Toute annonce que la reconnaissance de la famille clubiste lui sera acquise consacrant leur relation fusionnelle.

Ali Abdessalam