La seconde édition des « Tunisian Finance Days » aura lieu les 3 et 4 novembre prochain en partenariat avec l’UBCI. Après une première édition réussie, Sami Ayari, président de Reconnect, est bien décidé à en faire un rendez-vous annuel régulier pour accompagner les évolutions internationales dans les Fintech et inciter les acteurs nationaux à suivre ces évolutions et développer de nouveaux produits pour être au diapason de la révolution numérique des systèmes financiers. Le point avec Sami Ayari dans l’entretien ci-après.

WMC : Alors que beaucoup de nos compatriotes et nos élites se détournent de la mère patrie pour s’installent en Europe se mouvant dans de nouvelles sociétés et s’intégrant dans de nouvelles cultures, vous, après avoir créé RECONNECTT, êtes décidés à organiser chaque année une grande manifestation sur les finances en Tunisie. Quelle est votre motivation ?

Sami Ayari : Et nous sommes plus que déterminés à continuer sur cette lancée. Je vais utiliser une phrase même si galvaudée ces jours-ci : faire bouger les lignes ! Et là je parle d’un secteur vital pour la Tunisie, en l’occurrence bancaire et financier qui doit sortir très rapidement du cadre traditionnel tant sur les plans réglementaire que technologique.

Nous voulons pousser vers une disruption digitale dans ce secteur, en partageant les expertises. Je rêve de Tunis place commerciale et financière de la Méditerranée, comme ce fut le cas de Carthage dans l’antiquité.

Nous en avons tous les atouts : le capital humain en finance et en technologies IT, de l’ingénierie jusqu’au management et leadership de haut niveau, l’emplacement géographique entre l’Europe et l’Afrique. La Tunisie est le “centre-ville“ de la planète. Ce qui lui manque c’est un cadre réglementaire et législatif moderne qui permet une libre circulation des capitaux et bien sûr une stabilité politique pour en faire un point névralgique de l’économie à l’échelle régionale…

Les services bancaires en Tunisie ont accusé un retard considérable par rapport à d’autres pays, pensez-vous que l’organisation des journées financières de la Tunisie pourraient changer la donne ?

Le retard est considérable mais je reste convaincu qu’en temps de crise économique, surtout comme celle que traverse la Tunisie, il faut oser une rupture à tous les niveaux (réglementaire, technologique, métier, etc.) et ne pas perdre du temps avec des changements par goutte-à-goutte.

Ces journées réunissent chaque année les meilleures expertises tunisiennes dans le secteur financier à travers le monde, ainsi que des invités étrangers de haut rang évoluant dans le domaine.

Le technologique améliore la qualité des services, réduit les coûts des services, couvre un plus large spectre de la population à l’échelle nationale

L’idée est de partager l’expertise, la connaissance et les réalisations de nos experts TRE (Tunisiens résidents à l’étranger) et celles de nos invités dans leurs entreprises respectives. Les messages qui seront échangés sont simples : voilà où nous sommes, voilà comment nous avons fait, comment et par quelles technologies. En suivant ce roadmap, nous avons de véritables retours d’expériences.

Comment pourriez-vous, en tant qu’expat et en tant qu’ingénieur spécialisé dans les Fintech, agir pour une prise de conscience de la nécessité d’une métamorphose technologique des services bancaires et financiers en Tunisie ?

Nous aspirons à la création d’une opinion publique composée de personnes averties et non averties afin d’exercer une pression sur les acteurs et les décideurs. Nous comptons énormément sur nos médias pour relayer, vulgariser et communiquer autour de ce changement impératif.

Le technologique améliore la qualité des services, réduit les coûts des services, couvre un plus large spectre de la population à l’échelle nationale et peut augmenter le taux de bancarisation de 38 à 45 %.

Digitaliser c’est aussi le seul moyen d’accélérer l’inclusion bancaire et lutter contre l’économie informelle.

A mon échelle et via l’association, nous pouvons être une force de propositions dans le but de créer des dispositifs permettant de mobiliser et d’échanger avec les meilleurs experts tunisiens et internationaux.

Ces rencontres consacrées aux avancées technologiques organisées par Reconnect représentent un premier pas dans la mise en place d’une stratégie nationale de digitalisation et pour la proposition d’instruments pour sa réalisation aux moindres frais dans notre pays d’origine.

Il faut permettre une vraie concurrence entre nos banques et les pousser à sortir de l’état de suffisance.

Quels sont les obstacles au développement technologique dans le secteur de la finance en Tunisie ?

En un mot, c’est la réglementation. Il faut une rupture dans le cadre législatif et réglementaire bancaire et financier, et permettre une vraie concurrence entre nos banques et les pousser à sortir de l’état de suffisance. Certaines banques ont pris conscience de cette révolution digitale aujourd’hui dans le monde, et ont décidé d’investir dans les nouvelles technologies qui passent d’ailleurs par une refonte de leur système informatique bancaire et leur Core Banking en migrant vers des
progiciels connus.

Digitaliser c’est baisser les coûts et augmenter l’inclusion bancaire et la consommation des services bancaires.

Quel est, d’après vous, le rôle des organisations professionnelles dans la dynamisation du secteur financier dans notre pays ?

Les organisations professionnelles ont un rôle très important pour faire évoluer la réglementation et le cadre législatif. Ce sont des forces de propositions qui doivent être efficientes. Elles peuvent aussi accompagner les banques dans la transition digitale et ESG : veille technologique et réglementaire, benchmarking, formation bancaire en direction des cadres et salariés.

Je peux vous dire que les Tunisiens, femmes et hommes, excellent dans le domaine financier et bancaire.

Travailler sur l’inclusion financière, sur les bonnes pratiques bancaires, c’est cela le rôle des organisations professionnelles. Les experts tunisiens dans le monde sont prêts à aider dans ce sens.

Pensez-vous que nos élites à l’international doivent jouer un rôle pour le changement de la situation en Tunisie vers le mieux ?

Absolument, pleinement convaincu. Vous savez en tant que TRE depuis presque 30 ans, et à travers notre association, nous observons les carrières professionnelles des Tunisiens à l’étranger. Je peux vous dire que les Tunisiens, femmes et hommes, excellent dans le domaine financier et bancaire.

Je salue et rends hommage particulièrement à des institutions comme IHEC CARTHAGE ou l’ISG pour la qualité de leur enseignement. Les Tunisiennes et Tunisiens sont très attachés à leur pays et prêts à participer dans l’effort collectif, faut-il avoir les dispositifs qui vont bien pour faire appel à eux et profiter de leurs expertises. Reconnect peut jouer le rôle d’un pont dans ce cadre.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

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