Soixante-six ans après la promulgation, le 13 août 1956, du Code du statut personnel (CSP), législation progressiste en son temps qui a consacré l’émancipation de la femme et la suppression de la polygamie, force est de constater que la condition de la femme tunisienne demeure fragile et constamment menacée par la résurgence d’idéologies conservatrices archaïques, lesquelles ne nomment islam politique et populisme.

Abou SARRA

Les femmes tunisiennes, qui célèbrent, samedi 13 août 2022, le 66ème anniversaire de la promulgation de ce code révolutionnaire sont encore exposées à toutes les formes de violence physiques et verbales, à la marginalisation et à l’exclusion dans tous nombre de domaines.

Un chiffre édifiant : sur un total de 6 millions d’analphabètes et d’illettrés que compte la Tunisie, la femme représente la plus grande proportion.

C’est pour dire qu’en matière d’émancipation de la femme, rien ne semble définitivement acquis. A titre indicatif, il s’est avéré qu’après l’épreuve (malheureuse) de l’islam politique, dix ans durant, les normes sociales aux relents conservateurs et « daechiens » ont plus de force pour s’imposer que les lois progressistes.

Pis, même au plus haut niveau de la hiérarchie du pouvoir, le féminisme d’Etat dont on use abondamment pour prouver la modernité de la société tunisienne masque un sexisme anti-femme pratiqué à une large échelle dans la vie publique. L’opposition de l’actuel chef de l’Etat, Kaïs Saïed, à l’égalité des droits entre homme et femme dans l’héritage sous prétexte que le Coran est très clair sur ce sujet, en est une parfaite illustration.

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Néanmoins, nous nous devons d’admette que la tendance du recul des droits des femmes n’est pas propre à la Tunisie. Même dans des pays dits démocratiques, comme les Etats-Unis d’Amérique entre autres, les droits de la femme sont quelquefois remis en question. C’est le cas de la suppression du droit à l’avortement dans plusieurs Etats de ce pays.

Simone de Beauvoir, femme de lettres et philosophe française, l’avait prédit. Dans ces écrits, elle a constamment mis en garde les femmes contre de telles situations et leur a recommandé d’être vigilantes. Elle leur disait dans une mémorable citation : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Morale de l’histoire : la place des femmes demeure un enjeu sociétal et politique en Tunisie et dans le reste du monde.

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Les exploits de Tunisiennes en 2022

Abstraction faite de ce recul des droits des femmes, nous voudrions, à travers cet article, positiver et rappeler les performances accomplies par des femmes tunisiennes, durant l’année 13 août 2021-13 août 2022.

Pour ce faire, nous avons retenu, à titre indicatif, les distinctions féminines les plus visibles.

Il y a en premier lieu l’exploit de l’année. Il est à l’actif de la tenniswoman Ons Jabeur. En 2022, sur le circuit WTA, elle remporte trois tournois en simple et atteint neuf finales. Elle est la première joueuse arabe et africaine à gagner un titre WTA 1000 – c’était à Madrid et WTA 500 à Berlin – et à atteindre une finale du Grand Chelem, en l’occurrence Wimbledon. Cette sportive hors-pair mérite amplement le surnom que lui ont donné les Tunisiens « l’ambassadrice du bonheur ».

Vient ensuite la nomination de Najla Bouden au poste de cheffe du gouvernement, avec elle plusieurs autres femmes à des postes ministériels importants (Industrie, Finances, Environnement). Elle est ainsi la première femme à occuper un poste aussi élevé en Tunisie et dans le monde arabe. C’est une première même si Najla Bouden n’a pas encore les coudées franches par rapport au président de la République qui l’a nommée. Mais il fallait commencer par le faire, c’est-à-dire nommer des femmes dans des plus hautes fonctions de l’Etat. Il faut créer la référence comme on dit.

Deux autres femmes se sont également distinguées à l’international en 2022. Il s’agit la doctoresse Nada Raddaoui, chercheuse à l’Université Ludwig-Maximillians de Munich en Allemagne qui s’est vue décerner la plus haute distinction allemande, “Prix Monte-Carlo Femme de l’Année”.

Sa performance a été accomplie dans le domaine de la recherche médicale, en mettant au point une nouvelle méthode de diagnostic du cancer du sang visant à réduire considérablement la récupération des patients sous surveillance médicale.

Une autre Tunisienne, Khaoula Mihoubi, a été sacrée, le 6 mai 2022, “meilleure étudiante étrangère en Angleterre“. Elle est ingénieur aéronautique au sein de l’armée de l’Air tunisienne. Elle s’est illustrée avec en remportant ce prix décerné par l’académie militaire « Royal Air Force College » au Royaume Uni.

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Avec l’exploit à l’international de ces femmes, nous sommes convaincus qu’elles vont inspirer les générations futures et libérer les énergies féminines dans le cadre d’un Etat tunisien inclusif, démocratique et stratège.

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