Aujourd’hui maîtrisée à un fort pourcentage à la faveur d’une vaccination massive, la pandémie de Covid-19 a certes provoqué le décès d’environ 30 000 Tunisiens, mais elle a fait aussi des heureux, particulièrement dans le domaine de l’innovation et la recherche, de développement (R&D) en biotechnologie.  

Encouragées par l’énorme potentiel des nouvelles opportunités offertes par l’étape post-pandémie, des structures privées et publiques opérant dans la bio-production et l’industrie pharmaceutique ont commencé à travailler leur visibilité l’international.

Les récentes distinctions de deux entités privée et publique illustrent cette tendance heureuse à confirmer la Tunisie en tant que site international de bio-production et d’industrie de  médicaments.

Quand un industriel du médicament crée de la valeur pour le pays

La première performance concrète a été accomplie par le groupe Médis, acteur majeur de l’industrie pharmaceutique en Tunisie. Ce groupe a lancé sur le marché, au mois de février 2022, le premier bio-similaire de l’insuline Glargine destiné au traitement du diabète.

Premier biosimilaire –c’est-à-dire non générique- en Tunisie, en Afrique et dans le monde arabe en conformité avec la législation en vigueur et répondant aux normes internationales de fabrication à tous les niveaux de protocoles et de procédures, cette nouvelle insuline, fruit de 8 années de processus et de travaux pour son développement, va générer un certain nombre d’avantages économiques à l’échelle nationale, en plus de renforcer la sécurité́ et l’autosuffisance médicamenteuses nationales.

C’est un enjeu important lorsqu’on sait que le diabète en Tunisie est un véritable problème de santé publique. En effet, la prévalence du diabète dans notre pays avoisine les 20% de la population, soit plus de 2,2 millions de Tunisiens.

Pis, les projections statistiques évoquent 27% à l’horizon 2027, soit plus du quart de la population totale.

Prescrit uniquement par les médecins, ce nouveau traitement est fabriqué localement et apporte une nouvelle perspective aux malades souffrant de diabète, notamment grâce à sa disponibilité́ immédiate, mais également grâce à son prix plus accessible et plus compétitif.

Sur le plan économique, la mise sur le marché́ de ce produit va permettre d’atténuer les tensions sur les importations d’insuline étrangère et les pénuries intermittentes enregistrées au cours de la dernière période.

Il permettra également de générer des économies substantielles en devises pour les caisses de l’État.

Une étude récente a démontré que le traitement en milieu hospitalier public a un coût de 24 000 DT par patient souffrant du diabète et de complications pathologiques qui lui sont liées. Sans commentaire.

Qui l’eût cru, un établissement public de santé performant en Tunisie !

La deuxième performance est à l’actif de l’Institut Pasteur de Tunis (IPT) qui, n’oublions pas, a le statut d’Etablissement public de santé (EPS). Cette prestigieuse institution, forte de l’effectif des chercheurs dont elle dispose et de l’écosystème favorable à la bio-production en Tunisie, a joué un rôle déterminant dans la négociation, avec succès, de deux importants projets de partenariat.

Le premier concerne le choix de la Tunisie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avec cinq autres africains (Égypte, Nigeria, Afrique du Sud, Sénégal et Kenya) pour l’implémentation de la technologie nécessaire à la production des vaccins à ARN messager (ARNm). Cette technologie va permettre la fabrication et la commercialisation des vaccins à ARNm contre le Covid-19, dans une première étape, et dans la fabrication de vaccins innovants dans une deuxième.

Le second est un autre projet de partenariat porteur. Il s’agit d’une collaboration entre l’Institut Pasteur de Tunis et le laboratoire américain Moderna. Ce partenariat porte sur un projet de recherche et développement (R&D).

L’objectif, c’est de produire un vaccin contre deux pathologies :  la rage pour laquelle il y a certes un vaccin, mais on pense que le nouveau vaccin va avoir une supériorité à l’antécédent, et la leishmaniose, une maladie pour laquelle il n’y a pas encore de vaccin.

Point d’orgue du contrat signé avec Moderna : si les recherches aboutissent sur des résultats positifs – ce qui est fort probable compte du fait que l’IPT a beaucoup travaillé sur cette pathologie auparavant – leurs revenus seront répartis fifti-fifti entre la Tunisie et Moderna.

La bio-production a un bel avenir en Tunisie

Abstraction faite de ces éclairages sur ces récentes distinctions, les performances de Médicis et de l’IPT ont eu pour mérite de confirmer deux choses : la bonne qualité de l’écosystème de fabrication de vaccins et de médicaments en Tunisie et la crédibilité du savoir-faire des entités publiques et privées opérant dans le secteur.

Dans l’avenir, ces exploits seront consolidés par trois facteurs : les résultats d’une étude menée actuellement avec un financement de la Banque mondiale pour la création en Tunisie d’une véritable industrie de fabrication de vaccins selon les normes internationales, et la participation effective de la Tunisie au nouveau programme de recherche européen « Horizon Europe (2021-2027) », un projet de 95,5 milliards d’euros. Ce programme relaye celui de H2020 (2014-2020).

Pour mémoire, quelque 54 institutions tunisiennes ont participé à H2020, à travers 71 projets et levé des fonds de 12 millions d’euros.

Le troisième facteur a trait au renforcement de la logistique de recherche à travers l’achèvement des travaux de la technopole de biotechnologie de Sidi Thabet.

Cela pour dire que la Tunisie, forte de tous ces acquis et projets, a désormais tous les atouts de performer encore et d’ambitionner d’être un jour un site de biotechnologie aussi prestigieux que Cuba et l’Afrique du Sud.

Dont acte.

Abou SARRA