Il n’y a pas de révolution au sens propre du terme en matière fiscale dans la loi des finances 2022, estime un haut responsable du ministère des Finances. Oui, il y a eu des mobilisations de recettes supplémentaires mais ce sont tout juste de petites actions, d’après lui.

La conférence de presse qui aura lieu mardi 28 décembre 2021 à propos de la LF 2022 nous en donnera peut-être plus d’éclaircissements.

Le gouvernement Bouden a choisi de ne pas s’attaquer à de grandes reformes en l’absence d’un Parlement. Il s’est arrêté aux petites retouches et a cherché à renforcer les ressources de l’Etat en s’attaquant à de nouvelles niches qui ne pourront pas, à terme, résoudre les déséquilibres budgétaires conjoncturels et structurels.

Il a aussi veillé à préserver ses finances en exonérant entre autres de TVA les médicaments importés par la Pharmacie centrale s’ils ont leurs pareils en Tunisie (article 62), ou encore les importations et les acquisitions en Tunisie des équipements et ceci comprend aussi les acquisitions des avions, des moteurs et de tous les instruments servant aux activités liées au transport aérien (article 26).

Nombre de mesures prises l’année dernière, tels les 15 % d’IS (Impôt sur les sociétés), n’ont pas été revues car une fois actées on ne peut plus faire marche arrière. « Il y a eu essentiellement une révision des droits de douanes pour des listes de produits classés dans la Nomenclature de dédouanement des produits (NDP, la classification douanière, à l’import ou l’export) », précise ce même haut cadre.

Il poursuit en disant que ce n’est pas la révolution : « En 2015, le défunt Slim Chaker, qui était très ambitieux, avait considérablement réduit les droits de douane sur beaucoup de produits pour lutter contre l’économie parallèle et la contrebande, mais le fait est que l’Etat vit de ces droits, que nous le voulions ou pas. Pour sauvegarder l’économie nationale, l’Etat doit-il concéder ses droits aux recettes douanières ? Ce n’est pas évident, car si nous réduisons les droits de douane, si nous ouvrons la voie pour l’importation de tous les produits, le résultat sera que nous n’aurons plus d’industrie locale. Des corrections ont été faites à ce niveau, elles valent ce qu’elles valent, mais nous n’avons pas le choix. L’objectif est la préservation de la balance des devises ».

Dans un pays comme la Tunisie, les droits de douane, figurant parmi les plus anciens instruments de politique commerciale, constituent un outil important pour augmenter les sources de revenus et un moyen pour protéger certaines activités économiques de la concurrence internationale, en augmentant les prix des produits importés. 

Obsession du gouvernement : apporter des ressources supplémentaires à l’Etat

Une lecture rapide de la loi de finances permet de constater que le premier souci du gouvernement Bouden a été de renforcer et de préserver ses capacités financières et de maîtriser ses dépenses. Le but de la démarche pour l’année 2022 a été donc d’apporter des recettes supplémentaires à l’Etat et d’assurer l’équilibre de la balance de devises au vu de la fluctuation, à l’international, des prix des produits de première nécessité tels les médicaments, les céréales, les hydrocarbures et autres.

Avec les difficultés que trouve aujourd’hui la Tunisie à avoir un financement extérieur, les pressions risquent d’être insupportables sur la balance devises et toucheront éventuellement la parité du dinar. L’enjeu pour l’année prochaine est de réussir à maintenir une parité assez correcte qui n’engendre pas une inflation importée dont l’origine serait une forte hausse des cours des produits énergétiques et agricoles sur les marchés mondiaux.

Si le dinar chute, c’est l’inflation, ce qui alourdira la facture de l’investissement, sachant que les équipements sont importés et qu’il est impératif pour le pays de relancer la machine économique.

Il s’agit aussi d’éviter l’inflation importée qui pourrait toucher entreprises et pouvoir d’achat des citoyens. Un taux de change qui se déprécie par rapport au dollar et l’euro se traduira par l’augmentation du coût des produits importés.

En Tunisie, l’inflation a atteint 6,4% au mois de novembre, il est important de la maintenir à des niveaux contrôlables, pour ce faire, il faut maintenir le niveau de nos réserves devises à un niveau acceptable, ce qui ne pourrait être fait sans la mobilisation de financements extérieurs à travers un accord avec le FMI, entre autres. Il serait difficile dans le cas contraire d’y parvenir et ce quelle que soit la performance de l’économie nationale.

L’Etat mise également sur la reprise de l’exportation du phosphate qui dépend de la non-interruption de son extraction et sa transformation, ce qui reviendrait à zéro blocage ou trouble social.

La reprise dépend aussi des investissements de la SNCFT pour assurer le transport du phosphate et de la capacité d’exporter régulièrement les produits finis.

La reprise de la production du phosphate permettra à la CPG et au Groupe chimique de rééquilibrer leurs comptes et de consolider les ressources du pays en devises.

L’Etat pourrait, si les choses évoluent comme espéré, profiter des excédents de trésorerie qui pourraient être utiles, y compris pour la mobilisation de financements intérieurs via les bons de trésor.

In fine, ce qu’apporte la loi de finances 2022 sur le plan budgétaire n’est pas immense, c’est beaucoup de petites choses. Le but poursuivi, ce n’est pas autant l’impact recettes que la rigueur dans l’application de la loi. « Par exemple, nous explique-on un cadre au ministère des Finances, lorsqu’on décrète que l’enregistrement ou la cession d’un acte d’achat immobilier après 10 ans ne se fera pas comme auparavant aux droits fixes, mais que l’acquéreur sera pénalisé, c’est nouveau. Quand nous décrétons que les ventes de produits de monopole ne se feront plus en espèces, ceci est un moyen de contrôle qui plaide pour plus de transparence et permet un suivi plus rigoureux et la traçabilité des opérations menées par les acteurs dans ces activités. Quand on décide d’établir les scellés électroniques et un suivi GPS à la douane, c’est pour permettre une fluidité et un contrôle de tout ce qui transite par le territoire national, c’est aussi un moyen d’accélérer la digitalisation de l’administration ».

Pour les auteurs de la loi de finances 2022, il n’y a pas eu de grandes actions, mais plutôt de petites touches qui feront la différence. En somme, de tous petits ruisseaux qui, ils l’espèrent, feront une grande rivière.

Ce n’est pas ce qu’en pensent les économistes qui en ont pris connaissance ou encore les représentants du secteur privé.

Nous y reviendrons.

Amel Belhadj Ali