Tunisie : La tradition du conte et de l’oralité

“Un livre est quelqu’un” écrivait Victor Hugo. Et chaque lecture est donc une rencontre singulière… En accueillant les 26 et le 27 novembre 2021 le “premier Salon du livre audio en Tunisie” , la Bibliothèque nationale de Tunisie (BNT) propose durant ces deux jours de discuter avec les créateurs et créatrices de ces livres, autour de moments hors du temps et passionnants.
Organisé dans le cadre de l’événement” Novembre Numérique”, en partenariat avec l’Institut français de Tunisie (IFT), les Alliances françaises de Tunisie (Bizerte, Djerba, Gafsa, Kairouan et Tunis), la BNT et l’association La Plume de Paon (association très active sur le livre audio en France) , cette première édition entend présenter au public tunisien les perspectives culturelles et éducatives du livre audio et ses richesses ainsi que plein d’autres projets innovants. Au rendez-vous : des ateliers de lecture et d’enregistrement, des tables rondes, des castings de voix, une exposition.

Etaient présents samedi au rendez-vous des éditeurs et diffuseurs de livres audio en France et en Tunisie (Livox Audiobooks, Gallimard jeunesse, Madrigal, Editions Koïnè, Clairefontaine, la Maison du livre…), libraires, chefs de projets et startupers (start-up évoluant dans le développement et la diffusion du livre audio). La première journée qui a connu l’affluence d’un bon nombre d’enfants accompagnés de leurs parents ainsi que des jeunes et un large public a été réservée à des ateliers : Lectures croisées, enregistrement de livre audio, lecture à voix haute, atelier de lecture.
Présentant le programme de ce premier salon en son genre en Tunisie, Nada Najahi directrice de l’alliance française de Bizerte a tenu à préciser que ce salon est marqué par la participation des comédiens Jamal Madani et Amel Smaoui, du conteur Kamel Bouzid ainsi que de l’historien Abdessattar Amamou qui va parler de la tradition de la littérature orale en Tunisie. Le programme comporte également un atelier à voix haute autour du thème de la diversité ainsi qu’un casting de la voix dans le cadre d’un projet autour du livre audio “L’Ouie Lire” tenant à préciser que la BNT vient d’installer un studio d’enregistrement dans ce sens. Au menu également des rencontres professionnelles destinées aux professionnels et acteurs de la chaine du livre en général et du livre audio en particulier.
La révolution numérique ménage aussi de nouveaux moments de lecture et instaure de nouvelles habitudes, a-t-elle précisé. Bien que le livre audio ne remplace guère le livre sur support papier, il offre cependant une lecture parfaitement adaptée aux nouveaux modes de vie avec tous les enjeux du livre audio, -pédagogiques, sociaux, et économiques- car le livre audio offre de nouvelles opportunités dans le monde de l’édition et de la diffusion du livre sans oublier les enjeux culturels parce que le livre audio articule justement la littérature avec le monde du spectacle vivant, a indiqué Nada Najahi.

// Le livre audio assez en vogue à l’étranger, piétine encore en Tunisie //

De son coté, Fathi Belkahia, directeur de l’alliance française de Bizerte, porteuse de ce projet en partenariat avec les autres alliances de Tunisie, a tenu à préciser que l’aventure a commencé en 2019 dans le cadre de la participation des alliances françaises de Bizerte, Kairouan et Gafsa à un projet pilote d’expérimentation du livre audio en français. Cette expérience a permis de constater l’importance et puis l’utilité du livre audio dans l’apprentissage de la langue française, d’où est née l’idée de lancer ce salon afin de promouvoir le livre audio auprès du grand public et surtout auprès des professionnels du livre.

Formulant le voeu que cette première édition soit le premier jalon et devienne un rendez-vous annuel, il a annoncé la création prochainement de l’alliance française de Gabes qui, a-t-il espéré, pourra rejoindre les autres alliances pour préparer le prochain salon qui s’intéresse au livre audio, devenu un mode de lecture particulier, assez en vogue actuellement surtout à l’étranger et que “nous voulons développer en Tunisie avec des acteurs, des partenaires français et tunisiens dans cette démarche qui a eu le grand soutien de l’IFT et de l’association La plume de Paon ainsi que la BNT qui a ouvert grand ses portes pour offrir l’occasion de présenter à travers des expositions des livres audio tunisiens et français et de discuter à travers des ateliers et des tables rondes du devenir du livre audio qui malheureusement est en recul comme d’ailleurs le livre et la lecture en général” . Et d’ajouter “Ca devient grave qu’on ait perdu ce désir de lire, de naviguer et d’être transporté dans des imaginations et des rêves que nous apporte le livre en général.”

// Réflexions portées sur le livre audio au Maghreb et sur les grands besoins du public cible //

L’universitaire, journaliste et écrivain, enseignant chercheur juré du Prix Audio en France et membre de la Plume de Paon ayant déjà créée un salon du livre audio en France, Christophe Rioux a déclaré à l’agence TAP que ce salon est important dans la mesure où il s’intéresse à tous les aspects liés aux potentialités du livre audio qui est un vecteur extrêmement important pour la francophonie. A part quelques pays comme les Etats Unis, l’Allemagne et la Suède, le livre audio, a-t-il expliqué, représente en termes de chiffre entre 1 à 2 pour cent du marché du livre et de l’édition en général en France. Face à l’absence de chiffres précis, il a été décidé avec l’université Sciences Po Paris où il enseigne, de créer le premier centre de ressources sur l’audio dans lequel le livre audio aura une place très importante. La réflexion sera portée a-t-il annoncé, sur le livre audio dans les pays du Maghreb notamment la Tunisie en proposant des études qui seront bientôt disponibles et permettant d’avoir des chiffres très précis en France. Et d’ajouter” Nous réfléchissons de plus en plus à créer des passerelles avec les pays du Maghreb dans lesquels on pense qu’un développement du livre audio est possible notamment en Tunisie parce qu’en manière générale la tradition du conte et de l’oralité est extrêmement présente et que nous avons identifié la Tunisie comme pays majeur dans ce secteur”.

Pour le directeur des Editions Arabesques, Chebbi Moncef, il était temps de tenir une telle rencontre parce que le livre audio piétine encore en Tunisie. Il a par ailleurs tenu à préciser que les Editions Arabesques ont été le premier producteur de CD audio sur le roman de Khawla Hosni, ( Cauchemar de Bathyscaphe) considéré le premier roman audio en langue française à l’échelle du monde arabe. Cependant, a-t-il avoué, il n’ya pas eu par la suite de prise sur la marché malgré le fait que l’audio était moins cher que le support papier. Donc il fallait “revoir notre stratégie sur le Cd audio concernant les livres audio surtout qu’il ny’a plus de lecteur Cd ni dans les ordinateurs ni dans les véhicules”. De ce fait, a-t-il ajouté, “nous sommes obligés de penser malheureusement avec beaucoup de retard, sur les moyens de remplacer le CD” . Aujourd’hui “nous avons opté pour le QR Code qui renvoie à un lien audio”. Dans ce sens, il a expliqué que la stratégie à adopter est de continuer “à imprimer nos livres de la petite collection du patrimoine tunisien en papier sauf qu’elle aura une référence orale par QR Code, une chose qui sera valable aussi pour les romans, a-t-il annoncé avouant avec regret que la Tunisie a pris du retard dans ce domaine, et qu’il est du ressort politique, technique et technologique pour rattraper ce retard si la volonté s’y met”.

Dans l’esprit du partenariat avec l’IFT et l’action citoyenne, le directeur général de la maison du livre Habib Zoghbi a précisé que ce salon est une occasion pour porter le livre à une autre dimension car le livre audio touche un public cible, notamment les malvoyants. Malheureusement a-t-il dit, le livre audio en Tunisie constitue une grande faille dès lors que même les rayons des librairies sont un peu pauvres en livres audio. L’engagement des libraires et des éditeurs est aussi timide parce que le livre audio n’est pas rentable et le public cible est minime. C’est pour cette raison que les libraires et les éditeurs ne misent pas sur le livre audio d’où l’urgence aujourd’hui de développer ce support pour pouvoir satisfaire un public bien particulier qui a fortement besoin de ce genre de livres: les malvoyants.

sara