“Cela s’appelle discrimination”, une campagne contre les pratiques discriminatoires en Tunisie 

Dans une perspective d’éradiquer la violence faite aux femmes d’ici 2030, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), en partenariat avec le Centre de recherche, de documentation et de l’information sur la femme (CREDIF), a lancé, le 20 octobre 2021, une campagne de sensibilisation contre la discrimination faite aux femmes ” cela s’appelle discrimination “.

Cette forme de violence non déclarée incarnée dans nos pratiques quotidiennes marque plusieurs secteurs et touche un très grand nombre de femmes en Tunisie. Nous allons, à travers cette interview avec la cheffe du bureau de l’UNFPA en Tunisie, Rym Fayala, décoder les principaux axes de cette campagne qui prend fin aujourd’hui. Présentez-nous un peu la campagne, cela s’appelle discrimination.

Financée par le gouvernement japonais à hauteur de 11 000 dollars, cette campagne organisée du 20 au 27 octobre en cours, vise à sensibiliser la population à l’importance de dénoncer les actes discriminatoires à l’égard des femmes et ce, à travers la diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux portant des témoignages réels et la publication d’affiches dans les espaces publics. L’objectif étant de changer les comportements et les attitudes pour cesser de tolérer et d’accepter les inégalités entre les hommes et les femmes.

Quel était le motif ou le point de départ de cette campagne ?

Cette campagne s’est surtout basée sur des études qui ont été élaborées par plusieurs institutions et particulièrement celle élaborée par le CREDIF et soutenue par l’UNFPA sur ” les attitudes et les perspectives des hommes et des garçons vis-à-vis de la violence faite aux femmes “.

A travers cette étude, on a pu constater une discrimination basée sur le genre et une inégalité entre les hommes et les femmes soutenue par une violence non ordinaire, physique, économique, sexuelle et politique. Plusieurs normes sociales étaient à l’origine de cette violence à savoir les discours masculins sur la virilité ou encore le stéréotype ” la femme tunisienne a plus de droit qu’il n’en faut “.

On vit dans une société patriarcale où des normes sociales héritées à travers des générations favorisent la violence à l’égard des femmes et pour lutter contre cette violence, il faut s’attaquer aux sources qui sont les différentes formes de discrimination entre les sexes.

Tout cela était l’origine de l’idée d’une campagne qui implique les hommes et les garçons, qui sont généralement les agresseurs. Cette implication a aussi été recommandée par l’étude susmentionnée pour lutter contre cette discrimination enracinée dans les mentalités des hommes mais également des femmes elles-mêmes.

Qu’est-ce que vous entendez par violence ordinaire ?

Il s’agit de la classification que nous avons adoptée lors de cette campagne. Nous entendons par “violence ordinaire”, tout comportement discriminatoire à l’égard des femmes “toléré et accepté” par la société comme l’ensemble de règles sociales limitant le droit de la femme de sortir la nuit à titre d’exemple ou encore de limiter le rôle de la femmes aux tâches ménagères et domestiques.

Il ne s’agit, donc, pas de violences physique, sexuelle ou encore économique telles que définies par les différentes structures gouvernementales et non gouvernementales. On appelle violence ordinaire cette violence psychologique qui passe sous silence et qui est inculquée dans notre culture, dans nos normes sociales.

Votre campagne se base sur des témoignages, quels étaient les critères de votre choix ?

On a voulu principalement faire témoigner les hommes, qui sont comme je l’avais mentionné, en grande partie les auteurs de cette forme de violence.

Les témoignages représentent plusieurs secteurs où la discrimination est pratiquée.

Nous avons jugé que la discrimination était prononcée dans certains secteurs plus que d’autres et c’est sur cette base que le choix des personnalités a été fait.

Nous avons publié des témoignages du milieu scolaire par exemple où la discrimination se reflète à plusieurs niveaux dont notamment le port du tablier, obligatoire pour les filles et non obligatoire pour les garçons.

Cette discrimination est observable même au niveau des manuels scolaires où les femmes sont souvent présentées dans des rôles et des activités domestiques.

Cette discrimination se reflète aussi dans le choix du cursus scolaire et universitaire voire professionnel où certains métiers sont considérés comme des métiers d’homme.

Le milieu sportif était aussi un milieu où la discrimination se pratique quotidiennement. C’est pourquoi nous avons choisi un sportif pour témoigner de la discrimination entre les filles et les garçons aussi bien dans le choix du sport à pratiquer que dans la mixité des rassemblements lors des entraînements.

Les témoignages émanent aussi du milieu familial et domestique où l’on a identifié beaucoup de pratiques discriminatoires. La discrimination se manifeste notamment dans l’accès aux postes de décision.

En effet, malgré leur niveau d’études élevé, les femmes n’ont pas encore suffisamment accès aux postes de décision. Pour le même poste, on choisit souvent, un homme.

Quels sont les premières réactions à cette campagne ?

Après quelques jours de son lancement, cette campagne a suscité l’intérêt de plusieurs internautes qui ont réagi et partagé les publications de notre page Facebook à travers le Hashtag إسمو_تمييز# (cela s’appelle discrimination).

Un rapport sera élaboré après la fin de la campagne pour évaluer son impact sur la population cible