Le président de la République, Kaïs Saïed, s’est octroyé un état de grâce, en ce 25 juillet. Réussira-t-il à amorcer le renouveau économique ?

Cela ne fait aucun doute, Kaïs Saïed a su se défaire de son flegme britannique pour saisir l’instant promis, en ce 25 juillet quand il a mis “out“ l’ARP. En prenant ses responsabilités pour stopper l’errance de la transition, ne serait-ce que pour un certain temps, 30 jours, dit-il, transformera-t-il ce pari responsable et non moins téméraire en un rendez-vous avec l’histoire ?

En montant au filet, in extremis, il a laissé espérer qu’il a son plan en poche. Cependant, même si la chance lui sourit, le président de la République s’est mis sous la tyrannie du chrono. Il n’est pas en situation de donner du temps au temps car le temps lui est compté.

En décidant d’aller au charbon, que peut être son contrat de nouvelle gouvernance pour le pays ?

Alea jacta Est…

Il a franchi le Rubicon ! Et le bon peuple a poussé un grand ouf, de dépit – car l’angoisse a envahi les esprits -, et un franc hourrah de soulagement, dans l’attente d’un renouveau. Cela a suffi à conférer au 25 juillet 2021 une légitimité factuelle.

Le pays, au bout d’une décennie d’errements, était en route vers l’abîme. Tétanisée par la rente neutralisant, l’économie s’est soustraite aux bienfaits de la concurrence. Elle a été cannibalisée par l’informel et la contrebande qui ont étouffé le secteur organisé.

Le bon peuple continue d’accorder le préjugé favorable au président. Mais cela ne se perpétuera pas. Il ne faut certes pas se précipiter, mais il ne faut pas non plus tergiverse à l’excès.

Pour autant qu’on a arrêté le processus fatal, l’on ne s’est pas encore donné ni une vision ni une feuille de route. Cela veut dire que l’issue reste aléatoire. Et le peuple est dans l’expectative.

Dans l’attente de la formation de la « Dream Team », KS peut-il capitaliser sur autre chose que les effets d’annonce ? En un moins de temps, il ne peut qu’indiquer le cap et aligner une équipe dont le profil et la crédibilité doivent être en ligne avec la maîtrise d’œuvre qu’elle va conduire sur terrain.

Le peuple et la communauté d’affaires sont prêts à un rebond vertueux pour bien accompagner cette dynamique. C’est-à-dire que l’on va rallumer les feux de la productivité et réenclencher la pompe à investissement. Ne pas négliger, toutefois, la vulnérabilité de la situation car les créanciers, menaçants, sont à nos portes.

Pour l’heure et faute de munitions, se souvenir que le pays s’est racheté simplement une éventualité d’esquiver un risque de défaut. Ce risque a été souvent agité par les agences de notation, lesquelles n’ont pas manqué de dégrader notre note souveraine.

L’on s’est arrêté de compter à partir de la onzième chute, mais la cascade a dû en compter treize, au moins. On ne sait pas comment on va juguler notre panne de solvabilité. A coup sûr, la solidarité internationale se manifestera mais pour le reste il faudrait que le new deal du président ainsi que de son équipe gouvernementale soit convaincant et à l’épreuve de la contradiction.

Le New Deal

La Tunisie, naguère en dynamique d’émergence économique, « parmi les meilleurs risques du continent », « élève modèle du FMI », dont elle a repoussé l’obole treize ans durant, se retrouve, par quel revers de désenchantement, à en quémander la générosité. Saura-t-elle éviter la parution humiliante et dégradante devant le Club de Paris ?

La solidarité internationale saurait vraisemblablement lui accorder les possibilités d’un rachat, mais c’est la consistance de son plan de relance qui fera la différence. Ce plan peut-il contourner l’économie sociale et solidaire si tant est que l’on cible l’inclusion des économiquement faibles?

Peut-il, de même, faire l’impasse sur les pactes de compétitivité élaborés par le Conseil des analyses économiques dont la finalité est de revivifier le secteur exportateur, si structurant pour l’économie ? Peut-il, dans la même perspective, tourner le dos à la digitalisation et son corollaire l’économie 4.0 ? Naturellement, le pack des réformes découlerait de cette structuration des priorités.

Geler l’ARP mais réactiver le Conseil économique et social (CES)

Kaïs Saïed joue la montre. S’il n’opérait dans les délais, il risquerait de s’autodisqualifier. Cela le contraint à des choix délicats mais sécurisants.

Où peut-il trouver des hommes expérimentés capables d’être immédiatement opérationnels et qui sachent tenir le langage idoine avec les bailleurs de fonds internationaux, hors du vivier de l’ancien régime ? Et quelle autre enceinte démocratique pour débattre des choix forts que le Conseil économique et social ?

Nous ne voyons meilleur Parlement pour évaluer, jauger et valider la prospective économique à laquelle devra se livrer le nouveau gouvernement. Et le choc positif pourrait opérer, et cette alchimie serait du meilleur effet.