Apporter une réponse aux défis socio-économiques et climatiques, c’est la priorité qui ressort du plan cadre pour l’aide au développement (2021/2025), signé entre la Tunisie et les Nations unies, en décembre 2020.

Dans une interview accordée à l’agence TAP, le nouveau coordonnateur résident des Nations unies en Tunisie, Arnaud Peral, nommé en septembre dernier par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, revient sur ces défis et livre ses recommandations pour dynamiser la croissance économique, à l’heure où le pays fait face à une instabilité politique et à une conjoncture difficile, marquée par la crise sanitaire de la Covid-19.

Quel bilan tirez-vous du plan cadre de coopération entre la Tunisie et les Nations unies, pour la période 2016-2020, et quelles seront vos priorités pour les cinq prochaines années ?

Arnaud Peral : Au cours de ces cinq dernières années, le système des Nations unies a contribué à la mise en œuvre de près de 200 projets, moyennant une enveloppe avoisinant les 200 millions de dollars. Ces projets ont touché plusieurs secteurs, à l’instar de la gouvernance démocratique, la transition démocratique, le renforcement des institutions et la justice transitionnelle.

Pour ce qui est du nouveau plan cadre (2021/2025), les défis environnementaux et socio-économiques seront notre priorité absolue. C’est ce qui ressort, d’ailleurs, des grandes consultations menées en Tunisie et à l’international. Il y a un travail très important à faire, au sein de la population, afin d’asseoir une meilleure conscientisation aux changements climatiques.

En outre, nous allons continuer à collaborer avec l’Etat tunisien, afin de mettre en place un modèle de développement économique qui intègre la lutte contre les changements climatiques, et qui soit aussi, conforme aux objectifs de développement durable (ODD).

La Tunisie présentera, en juillet prochain, à l’ONU son rapport d’avancement en matière de réalisation des ODD. Cela nous permettra de cerner les problématiques qui restent à résoudre.

Concernant le volet socio-économique, la création des conditions d’emploi, en particulier pour les jeunes et les femmes, demeure pour nous un grand défi à relever. Comme nous pouvons le constater ces derniers jours, il y a une illustration d’un grand malaise d’une génération qui voit ses espoirs et rêves, frustrés. C’est pour cela que nous allons tout mettre en œuvre afin d’aider la Tunisie à créer des opportunités pour cette jeunesse. Nous ne voulons pas que cette jeunesse aille trouver ces opportunités ailleurs, car c’est finalement, le pays qui perd des talents, des rêves et une capacité de créer et d’innover.

Quelles sources de financement sont disponibles dans le cadre de ce nouveau plan de coopération, surtout que la Tunisie est surendettée et éprouve des difficultés à financer son économie ?

Hormis le Fonds international de développement agricole (FIDA) et la Banque mondiale, deux institutions spécialisées des Nations unies, qui octroient des prêts à des taux extrêmement faibles, le reste des agences onusiennes accordent des dons d’aide au développement, consentis par nos Etats membres.

Le système des Nations unies en Tunisie dispose d’un accès à différents instruments de financement et notre rôle est d’orienter le maximum de fonds vers la Tunisie. Tout ce que j’espère, c’est que nous puissions parvenir à mobiliser la même enveloppe que celle débloquée au titre des cinq dernières années, voire plus.

Face à l’instabilité politique qui perdure depuis 2011, pensez-vous que la Tunisie soit en mesure d’asseoir un modèle socio-économique durable, inclusif et résilient, dans les cinq prochaines années ?

La transition démocratique est un défi pour tous les pays et parvenir à un consensus reste toujours difficile. Mais, quand il y a une convergence d’intérêts, les réformes sont toujours possibles.

Pour cela, il est impératif de privilégier le dialogue, afin d’asseoir les bases de la stabilité, pour la mise en œuvre de ces réformes. En tant que système des Nations unies en Tunisie, nous allons continuer à jouer notre rôle de facilitateur d’accord, en offrant un espace où peuvent s’asseoir les différents acteurs, afin de parvenir à des consensus.

Nous sommes là, pour que la Tunisie aille de l’avant et ne perde pas espoir. Il ne faut pas céder au pessimisme, car les tunisiens et les tunisiennes attendent énormément, de leur gouvernement.

La croissance est plafonnée en Tunisie, faute de réformes. Est-ce que le nouveau cadre de coopération peut permettre à la Tunisie de gagner des points de croissance ?

Oui, mais uniquement si l’on parvient à libérer les forces créatrices et innovantes de la Tunisie. Il faut ouvrir la voie aux jeunes qui veulent entreprendre et innover. Cette crise sanitaire est venue nous montrer la capacité de la jeunesse tunisienne à créer et à s’adapter. Certains secteurs, comme le textile, ont su tirer leur épingle du jeu, en misant sur la production de masques de protection. Il est indispensable également, de lever tous les blocages au niveau de la commercialisation et de la production et d’accorder plus de confiance aux investisseurs nationaux et étrangers.

Quel soutien pourrait apporter l’ONU à la Tunisie, dans ses efforts de lutte contre les impacts de la pandémie de la Covid-19 ? Y aura-t-il un appui spécifique au secteur privé ?

Depuis le début de cette crise sanitaire en Tunisie, en mars 2020, nous avons réorienté des fonds importants destinés à renforcer la réponse à la Covid-19. Ainsi, nous avons mobilisé plus de 10 millions de dollars (l’équivalent de 27 millions de dinars), pour appuyer notamment, le renforcement des capacités techniques et des équipements.

Par ailleurs, nous nous sommes attelés, ces derniers mois, en collaboration avec la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la Santé, à préparer l’accès au vaccin anti-Covid-19 et à mettre en œuvre les protocoles. Nous veillons à ce que la Tunisie puisse bénéficier des ressources nécessaires, afin d’acquérir le vaccin au plus vite.

Pour ce qui est du volet économique, nous allons œuvrer afin de rassembler le maximum de ressources, pour soutenir le secteur privé (entreprises, PME), afin qu’il puisse récupérer, après une année extrêmement difficile.