En dépit de plusieurs contacts directs avec les hautes autorités tunisiennes dont le chef du gouvernement, les Chambres mixtes et les représentants des sous-traitants tunisiens n’ont pas réussi à convaincre le gouvernement tunisien de l’enjeu qu’il y a là pour le site Tunisie de ne pas augmenter, en cette période, l’impôt prélevé sur les points francs implantés dans le pays.

Abou SARRA

Pour mémoire, la loi de finances 2021 a prévu un relèvement de l’impôt sur les sociétés offshore de 10% à 15%. Cette augmentation de l’impôt, fixée au départ à 18% dans un souci d’homogénéisation de l’impôt entre l’offshore et l’onshore, semble particulièrement exaspérer les défenseurs de l’offshore.

Pour preuve, ces derniers ont multiplié, ces derniers temps, leurs déclarations (interviews dans les médias) pour crier à gorge déployée leur mécontentement. Pour faire peur au gouvernement tunisien, ils brandissent le risque, voire la menace, de voir les 3 000 entreprises offshore de la place migrer vers d’autres sites concurrents plus attractifs, à l’instar du Maroc et de l’Egypte.

Ces mêmes lobbys oublient, toutefois, que la Tunisie avait essuyé, en décembre 2017, un revers de taille lorsqu’elle a été classée par les ministres des Finances de l’Union européenne sur la “liste des paradis fiscaux“ en raison, entre autres, de son régime offshore exonéré d’impôts.

Pourtant, à regarder de près, l’imposition n’est pas un facteur déterminant dans la prise de décision de l’investisseur étranger. Dans la hiérarchie des centres d’intérêt des entreprises européennes qui projettent de se délocaliser en Tunisie, l’imposition ne viendrait en 3ème et 4ème positions des motifs qui les poussent à y investir.

D’ailleurs, cette problématique avait été longuement débattue, en 2013, lorsque le ministre des Finances d’alors, un certain Elyès Fakhfakh, a décidé de taxer, pour la première fois, l’offshore en portant l’impôt prélevé sur ce secteur de 0% à 10%.

Malgré cette augmentation, les entreprises offshore, sept ans après, sont toujours là. Elles n’ont pas quitté le pays, en tout cas pour cette cause.

Cela montre que ce qui les incite à rester en Tunisie, ce n’est pas seulement les avantages fiscaux. « L’exonération fiscale est tout juste une petite composante des avantages compétitifs qui attirent les investisseurs étrangers», estimait, en 2013, Elyès Fakhfakh.

Le problème réside dans l’instabilité fiscale

Le relayant de nos jours, Ahmed Bouzguenda, ancien président de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) et chef d’une entreprise qui opère à l’international -la Société des frères Bouzguenda (SFB)-, a développé le même point de vue, dans une récente interview accordée à un magazine de la place.

Il pense que « la priorité d’un investisseur local ou étranger ne consiste pas à bénéficier d’une imposition avantageuse mais à lui faciliter les procédures et à faire en sorte qu’il obtienne, dans les meilleurs délais l’autorisation requise pour faire démarrer son projet ».

Concrètement, « il s’agit pour l’investisseur de disposer, au plus vite, d’un terrain industriel et d’alimenter, dans des délais raisonnables, son local industriel en eau, électricité et gaz par les prestataires publics (STEG, SONEDE…) », dit-il.

Et Ahmed Bouzguenda d’ajouter : «  En connaissance de cause, j’estime que pour l’investisseur, ces prérequis sont beaucoup plus importants que l’augmentation du taux d’imposition ».

Les spécialistes de l’investissement direct étranger (IDE) sont du même avis. Pour eux, les atouts qui attirent les investisseurs étrangers sont, en priorité, la disponibilité de la logistique, la simplification des procédures administratives, la qualification des travailleurs et techniciens, la sécurité, la stabilité…

A propos de stabilité, ces experts font une mention spéciale pour la stabilité fiscale laquelle constitue, d’après eux, un facteur déterminant dans l’attractivité d’un site de production internationale. Selon eux, l’instabilité fiscale irrite les investisseurs étrangers. Car cette instabilité, surtout si elle est structurelle et annuelle, à l’instar des lois de finances tunisiennes depuis une dizaine d’années, ne leur permet de programmer leurs investissements en connaissance de tous les déterminants.

D’ailleurs, les enquêtes qu’effectuent annuellement les Chambres mixtes pour mesurer le “degré de satisfaction“ des sociétés offshore font ressortir constamment les véritables obstacles qui entravent le développement de leurs affaires en Tunisie.

Au nombre de ces obstacles, ces sociétés évoquent les surcoûts et retards générés par la logistique portuaire en Tunisie (problématique du port de Radès), l’insuffisance de l’infrastructure, la corruption, la lenteur administrative, la non ouverture de certains secteurs (énergies renouvelables, industrie militaire…).