«Les Mohicans»

Par : Autres

Je réécoutais pour la énième fois la musique envoûtante du film Le Dernier des Mohicans, essayant de replonger dans ces quelques instants de liberté offerts par certaines scènes de ce film grandiose… Et j’ai pensé à nos « Mohicans » à nous… et la Tunisie en regorgeait et en regorge encore… A.Amor, Belaid, Haj Brahmi, Si ElBéji, Slim Chaker… et j’en oublie certainement. Que de disparitions, que de pertes d’hommes valeureux, les uns après les autres, à intervalles presque réguliers… Que d’hommages ces derniers jours, que de parlottes, que de fleurs jetées en souvenirs flatteurs de périodes d’une Tunisie soi-disant unie dans la quiétude et le bien-être, faisant fi des quelques gouttes de sang versées sur ses terres arides, avides d’Hommes courageux, patriotes, qui auraient fait passer leurs intérêts avant tout, et surtout avant les leurs; ce sang qui n’aura apporté qu’une belle teinte rose à une vie ô combien déjà bien rose!

C’est dérisoire certes, mais je ne pouvais ne pas penser à Si ElBéji, à son chagrin au départ de Slim ; il avait bien dit à un de ses proches (qui se reconnaîtra) : « l’année démarre bien mal mon ami » ; ce qu’il ne pouvait pas savoir, c’est qu’elle allait finir encore plus mal. Il nous a soutenu du mieux qu’il pouvait, a donné des consignes pour que la femme de Slim et ses enfants ne manquent de rien ; lorsque l’Etat tunisien a refusé à mon fils une bourse car il avait réussi le concours d’une Grande Ecole qui ne figurait pas sur la liste des Ecoles agréées par ladite bourse, Si ElBéji a envoyé me dire qu’il était prêt à payer pour lui, et je suis certaine qu’il l’aurait fait.

Absurdes et de mauvaise foi sont ceux qui doutent de la finesse de son esprit, sa verve politique, son charisme qui n’avait de cesse de nous attirer les sympathies et les amitiés du monde entier. Slim n’était pas toujours d’accord avec lui et le lui disait, le Président l’écoutait mais se sentait rarement obligé de discuter et encore moins de se justifier ; et à Slim de me répéter : « c’est le Président, et pas n’importe lequel, il a ses raisons, et s’il pense qu’elles sont bonnes, alors elles doivent l’être ».

Il lui est resté loyal (denrée rarissime) malgré les désaccords et divers autres événements que je ne me permettrais pas la prétention de discuter ; je laisse ce soin aux commentateurs politiques ‘chevronnés’ dont le pays pullule. Je me console en me disant que ceux qui sont partis auront été épargnés de vivre la déchéance de la Tunisie et son avenir plus qu’incertain.

Je finirais par dire (et c’est aux fins esprits de faire le parallélisme), les grandes intelligences commettent de grandes fautes et en paient le prix cher ; les intelligences moyennes commettent des fautes de débutants, en paient le prix, mais en plus se rendent malades à essayer de s’en sortir ; les idiots commettent des bêtises à chaque instant et s’en enorgueillissent comme des paons.

Reposez en paix, personne ne vous oubliera jamais.

Amel Miled Chaker