Quel va être le coût économique de la pandémie Covid-19 ? Il est évident que la réponse à cette question est difficile, ne serait-ce que parce que nous ne sommes pas capables d’en connaître la vraie nature, les limites, le périmètre, la durée, etc. Je vous présente dans ce qui suit une tentative d’estimation.

1- L’année est composée de 52 semaines, j’arrondis à 50. Ceci veut dire que dans des conditions normales, le pays réalise 2% de son PIB chaque semaine.

2- Je suppose, sans grand risque de me tromper, que dans le cadre du confinement général, l’économie fonctionne au mieux à 50% de son potentiel. Ceci veut dire aussi que la Tunisie perd, dans le cadre du confinement général, 1% de son PIB chaque semaine (soit l’équivalent de 1,2 milliard de dinars ou 1 200 milliards de millimes). Il est évident que je ne me permettrai pas de discuter la pertinence de la décision de confinement. Je la respecte.

3- Cinq semaines de confinement coûtent donc une récession de 5% du PIB (baisse du PIB). Dix semaines de confinement entraînent une récession de 10% du PIB ! Et même plus si l’on prend en considération les difficultés de redémarrage.

Le coût économique de cette pandémie va être énorme. Sans doute. Mais la question importante concerne les possibilités de reprise ou de rebondissement après la sortie du confinement et donc la fin de cette pandémie. Serions-nous en mesure de rebondir rapidement ? Permettez-moi d’en douter. Pour pouvoir rebondir, il faudrait que l’économie, et donc les entreprises aussi bien publiques que privées, restent debout et dans un état acceptable.

Je rappelle à ce propos que le chef du gouvernement s’est donné comme objectif de ne perdre aucune entreprise à cause de cette pandémie. Quelle stratégie avons-nous préparée pour ne perdre aucune entreprise ? Très peu. Nous avons décidé le report du paiement des impôts et des cotisations sociales.

La Banque centrale a publié une circulaire invitant les banques à reporter les échéances de crédit (principal et intérêts) des mois de mars à septembre, et ce pour les entreprises classées 0 et 1, c’est-à-dire les entreprises qui se portent bien et n’ont pas de retards de paiement de leurs échéances de crédit. Et les autres entreprises ? Rien.

En outre, l’application de la circulaire de la BCT semble rencontrer une montagne de problèmes. Que fait la BCT pour gérer la crise ? La BCT nous sort un communiqué par lequel «Monsieur le Gouverneur a exhorté les responsables des banques à faire preuve d’une grande responsabilité durant ce contexte pour accompagner les entreprises et les particuliers pour préserver le tissu économique et les emplois». Vous avez compris quelque chose ?

Gérer une crise de cette ampleur et de cette gravité en «exhortant» … Il est évident qu’il n’y a là aucune mesure d’anticipation. Les dégâts risquent d’être énormes. À ce rythme, nous allons perdre beaucoup d’entreprises. La récession risque donc d’être profonde, et la reprise risque d’être difficile. Beaucoup de risques !

Plus grave encore, si nous perdons des entreprises nous allons fatalement perdre des emplois, beaucoup d’emplois. Qu’arriverait-il à la Tunisie si le taux de chômage, à cause de cette gestion très insuffisante des conséquences économiques de la crise, grimpe à 20% ou plus (15,3% avant la crise du Covid-19) ? Un tel niveau de chômage entraînerait inévitablement une crise sociale grave. Qu’avons-nous préparé pour une telle situation?

La gestion responsable de la crise nécessite une politique d’anticipation. Elle nécessite aussi une attitude qui consiste à donner la priorité au sauvetage de l’économie et des entreprises par rapport à la gestion des indicateurs tels que le niveau d’inflation ou le niveau de la dette publique.

Un chef de gouvernement avait dit il y a quelque temps «où est le gouvernement ?». Je pense que c’est encore valable aujourd’hui. Il faudrait peut-être y a jouter «où est la Banque centrale ?».