En Tunisie, en l’absence de contrôle efficace et de lois dissuasives, la rapacité de certains importateurs a atteint un degré tel que certains d’entre eux n’hésitent plus à mettre en danger la vie et la santé de la population. En témoignent deux récentes affaires crapuleuses.

La première remonte au mois d’août 2019, lorsqu’une société dans l’agroalimentaire a osé importer d’Ukraine du «blé radiocatif». L’affaire aurait pu être étouffée n’eut été l’alerte donnée par une employée du ministère de la Santé sur les réseaux sociaux, à propos d’un mélange du blé importé avec des quantités moisies.

Du blé “tchernobylisé”

Une enquête parlementaire a été ouverte pour éclairer l’opinion publique, mais jusqu’à ce jour, ses conclusions n’ont pas été rendues publiques. Les ministres de l’Agriculture, du Commerce et de la Santé de l’époque, respectivement Samir Taieb, Amor Béhi et Sonia Ben Cheikh, déstabilisés par la découverte du scandale, ont donné des versions contradictoires sur la traçabilité du blé contaminé importé.

Ainsi, le ministre de l’Agriculture, Samir Taieb, avait déclaré, à la Commission parlementaire, que «seulement 15 quintaux de blé, d’une cargaison de 11 mille tonnes, ont été moisis et détruits après sa livraison au Port de Sousse entre le 29 et le 4 septembre 2019».

Toutefois, le ministre du Commerce, Omar Behi, avait donné, quant à lui, une version différente. D’après lui (cité par le président de la Commission de la Réforme administrative et de la Bonne gouvernance), «les quantités de blé moisi s’élèvent à 250 tonnes et elles (les quantités) ont été renvoyées au fournisseur bulgare».

Pour sa part, la ministre de la Santé par intérim, Sonia Ben Cheikh, déclarait devant la Commission que «le rôle du ministère de la Santé se limite au contrôle des voyageurs au niveau des postes de contrôle sanitaire aux frontières terrestres et maritimes ainsi que dans les aéroports pour lutter contre l’introduction des maladies contagieuses sur le territoire tunisien».

Par-delà ces déclarations contradictoires, cette affaire de blé contaminé a révélé des défaillances énormes en matière de contrôle des importations de céréales par les groupes privés, notamment, au quadruple niveau du déchargement, du transport, de l’entreposage et de l’utilisation finale.

Comble de l’impunité dans notre pays, le groupe privé qui a importé les quantités de blé contaminé n’a pas été inquiété. Il a continué à exercer son activité comme si rien ne s’était passé. Et c’est là où l’Etat a été défaillant.

La cargaison de la mort

La deuxième affaire qualifiée par les internautes d’”affaire de la mort” a été la découverte, le 29 mars 2020, par la douane de deux conteneurs remplis de 235 mille produits de protection médicale périmés (gants, masques, blouses).

L’objectif de l’importateur était clair: il voulait profiter de la pénurie de ces produits très demandés en cette période de pandémie (Covid-19) pour les écouler au prix fort, et ce sans se soucier de leur dangerosité pour la santé des gens.

Heureusement, cette fois-ci les autorités ont réagi avec fermeté. La douane a effectué une descente dans les entrepôts de l’homme d’affaires impliqué et saisi la justice. Espérons que la sanction sera à la mesure du crime accompli.

Néanmoins, l’idéal serait de renforcer à l’extrême les contrôles aux ports, d’identifier et de réprimer les réseaux d’importateurs mal intentionnés. En amont, il importe d’auditer toutes les structures importatrices publiques et privées (Office du commerce, groupes agroalimentaires privés…).