De l’avis de tous, le système portuaire national est le maillon faible de l’économie tunisienne, à l’heure actuelle. Et il compromet dans une large mesure, le redémarrage de la croissance, dans le pays. Comment le rebâtir et à avec quels opérateurs ?

Les infrastructures de connectivité, dont le système portuaire, étaient au cœur de la Vème édition du Tunis Economic Forum de l’IACE, jeudi 11 avril 2019. L’interrogation du moment concerne leur qualité et leur efficience.

L’infrastructure portuaire, moteur principal de la croissance  

Pour se faire une idée sur l’importance de l’infrastructure portuaire et notamment le rôle des ports dits de 3ème génération, rien de plus simple que de se reporter à l’exemple marocain. L’économie du royaume chérifien a fait un saut de qualité dès l’entrée en service du port de Tanger qui a aligné sa chaîne logistique sur les standards de compétitivité internationale.

Pour se faire une idée sur l’impact du système portuaire sur la réactivité d’une économie, il faut se référer au cas du port de Rotterdam qu’on peut corréler avec l’avancée de l’économie hollandaise.

Par ailleurs, sans grand risque d’erreur, on peut lier l’étouffement de la croissance en Tunisie au dysfonctionnement de l’ensemble de l’infrastructure portuaire tunisienne et sa faible connectivité aux autres réseaux de rail, routes et zones industrielles ainsi que les Technoparks.

Connecter les régions avec le port revient à les désenclaver. C’est-à-dire aller vers une dynamique de croissance inclusive. Et cela est d’autant plus vrai que 96 % du commerce extérieur tunisien se fait par voie maritime. Or, experts et chefs d’entreprise soutiennent en chœur que le système portuaire national (SPN) est en état de détérioration avancée. Son concept est totalement dépassé par les exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité.

Il faut bien admettre que le circuit économique commence où finit au port. Et que le port, pour une entreprise, est d’abord un centre de coût. Cependant il lui échappe, car relevant de tiers prestataires dont la STAM (Société tunisienne d’aconage et de manutention), les services douaniers, l’Office de la marine marchande, les transporteurs et tant d’autres. Et tous ces opérateurs agissent chacun selon ses contraintes et parfois leurs humeurs. Et tout le circuit devient inefficace. Ajouter à cela l’obsolescence, et on comprend l’état d’exaspération des chefs d’entreprise.

Faisons-nous une idée avec une approche de benchmarking, simple.

Le classement international du système portuaire national

Il faut rappeler qu’en 2007, le SPN dépassait celuimarocain, égyptien et turc. Ajouter qu’il n’était pas loin de celui de la France ou de l’Espagne, affirment des experts. Depuis, toute l’infrastructure a été abandonnée à son sort. Plus aucun investissement n’a été réalisé. En 2017, la Tunisie se retrouve loin derrière tous ses compétiteurs.

Jugeons-en selon son classement international. Pour ce qui est de l’indice de performance calculé par la banque mondiale, la Tunisie obtient la note de 2,575/5 et se classe 105ème sur un groupe de 160 pays.

Selon le critère de connectivité des transports maritimes réguliers établi par la CNUCED, la Tunisie récolte la note de 6,3/100 et arrive 132ème sur un groupe de 176 pays.

Enfin, pour l’indice d’efficacité portuaire selon la perception des chefs d’entreprise, la Tunisie récolte la note de 3,37/10 et arrive 87ème sur 140.

Par ailleurs, focalisons sur le port de Radès lequel assure 25 % du trafic global de transport de marchandises et 60% du trafic rouliers et containers. La durée moyenne d’attente en rade au port de Radès est de 24 heures alors qu’elle est de 1 heure au port de Marseille, de 45 minutes au port de Gènes ainsi qu’à Alexandrie.

Le rendement de manutention en unité par heure est de 4 à 8 containers à Radès et 20 à 35 aux trois autres ports.

Le temps moyen de séjour à quai d’un navire porte-container est de 10 jours à Radès. Il est d’un jour ailleurs.

Le temps de séjour en terre-plein d’un container est de 18 jours à Radès et de 2 à 4 jours ailleurs.

La fluidité pour quitter le port est de 6 h à Radès. Elle varie de 3 à 45 minutes ailleurs. On connaît donc les carences de notre SPN.

Un plan national de mise à niveau du SPN

Nos ports souffrent du laisser-aller du département des transports et des négligences des autres prestataires. Une faible connectivité et un retard de numérisation ont encore chargé la barque pour notre SPN.

Cependant, la situation géographique de nos ports a encore salé la facture. Etant pour la plupart des ports urbains sans grande réserve foncière, l’extension de leur terre-plein pose problème. Mais chaque port bénéficie à présent d’un plan de mise à niveau. Et la mise en route de la Société du port en eaux profondes d’Enfidha devrait faire décoller l’ensemble.

Ce port de troisième génération dit « Landlord », c’est-à-dire doté d’une réserve foncière développée, pourra se développer à son rythme sans être figé comme les autres ports urbains.

Le plan national s’étendra sur la période 2020–2040 et en bout de course le SPN aura une physionomie comparable à celle de nos compétiteurs les plus aguerris.

Ali Abdessalam