La Tunisie a vécu, jeudi 17 janvier 2019, une journée de grève qui a paralysé pratiquement tout le pays. Inconsciemment, partout dans le monde, les syndicats se congratulent toujours lorsque leurs grèvent “réussissent“.

Pour la grève lancée –au lieu de “décrétée“ comme disent certains- ce jeudi par notre “puissante“ centrale syndicale, les chiffres font état de 95% de taux de réussite. C’est à la fois énorme et regrettable, car la situation dans le pays n’avait pas et n’a pas besoin de cela.

Cependant, ce qui est fait est fait, on n’y peut rien. Par contre, nous devons, à tout prix, éviter que cela ne se reproduise. La grande question qui se pose est de savoir si les parties prenantes aiment notre pays, si elles ont le sens patriotique. Nous pensons, hélas, que ce n’est pas le cas, dans la mesure où l’UGTT et le gouvernement se rejettent la balle sur l’échec des «négociations salariales».

Nous mettons des guillemets car nous estimons que derrière ces augmentations réclamées par l’UGTT, il y a autre chose inavouée -publiquement. Et si c’est la chute du gouvernement en place, personne ne sortira indemne de cette situation.

Pour s’en rendre contre, il suffit de jeter un regard en arrière, en janvier 2011. En effet, ce jour-là, Ben Ali prenait la fuite.  Qu’avons-nous gagné ? Beaucoup, comme la liberté d’expression. Mais à part cela, pas grand-chose, pour ne pas dire rien, alors qu’on pensait que la Tunisie serait le paradis, économiquement parlant. Huit ans après, c’est même l’enfer pour beaucoup de Tunisiens. Et ce n’est pas fini.

Alors prenons garde, il est toujours plus facile de détruire, mais très difficile de construire.

Au final, la grève du 17 janvier 2019 concernait qui ? La fonction publique. Alors pourquoi les entreprises publiques y ont-elles participé ?

D’aucuns répondent “par peur“… des représailles de la part des gens de l’UGTT. D’autres “par solidarité“. Mais si la centrale syndicale voulait vraiment du bien pour le pays, pourquoi a-t-elle sommé toutes les entreprises publiques à y prendre part, sachant qu’elle avait auparavant obtenu des majorations relativement substantielles?

Albert Einstein a dit que «la valeur d’un homme tient dans sa capacité à donner et non dans sa capacité à recevoir».

Aujourd’hui, par la force des choses, on estime que Noureddine Taboubi est l’homme fort de la Tunisie, mais seulement là aussi, Albert Einstein disait que : «N’essayez pas de devenir un homme qui a du succès. Essayez de devenir un homme qui a de la valeur». Oui Monsieur Taboubi, incontestablement vous avez du succès, aujourd’hui, mais est-ce pour autant vous avez de la valeur? Posez-vous mille fois cette question et tentez d’y répondre.

Toujours dans cet ordre d’idées, pour Honoré de Balzac, «La puissance ne consiste pas à frapper fort ou souvent, mais à frapper juste». Et Louis Pauwels renchérit en disant qu’«Au sommet de la puissance, on ne voit plus rien du tout».

Tout ceci pour dire que nous devons savoir que tout a des limites dans cette vie. Et qu’on ne peut pas donner ce qu’on n’a pas. Et si le gouvernement pouvait augmenter les salaires des agents de la fonction publique, nous pensons qu’il l’aurait fait. Mais à l’impossible, nulle n’est tenu !

On a beau accuser les bailleurs de fonds –notamment le FMI et la Banque mondiale-, la faute ne leur incombe guère, car ils ne sont pas venus chez nous nous demander de les solliciter. Mais il est tout à fait logique qu’ils mettent des conditions pour être sûrs que nous pourrons rembourser.

En fait, si on agit comme il se doit, dans quelques années on n’aura plus besoin de ces prêteurs étrangers. Ahmed Sékou Touré (le père de l’indépendance de la Guinée-Conakry) avait l’habitude de dire : «Toute aide qui ne nous aide pas à nous passer de l’aide doit être rejetée». Alors faisons en sorte que les aides que nous recevons de l’extérieur nous permettent, un jour, de ne plus en avoir besoin.

Pour ce faire, il faut travailler la main dans la main pour essayer de trouver des solutions idoines. Ne cherchons plus à savoir qui a gagné, qui a perdu ; qui est le plus fort, qui est le plus faible ; qui a donné plus, qui a donné moins. Car si on continue à nous comporter ainsi, la situation risque d’empirer et de dégénérer avec des conséquences incalculables.

Oui, tout le monde convient que la situation économique est difficile, que les salariés n’arrivent plus à joindre les deux bouts, que certains s’enrichissent sur le dos des autres, qu’il y a une certaine inégalité sociale, qu’il y a même de l’injustice dans beaucoup de domaines. Mais de grâce, comme disait Mandela, ne corrigeons pas une injustice par une autre injustice. Au contraire, corrigeons l’injustice par la justice.

Oui, certains se sont enrichis indûment, mais d’autres ont cravaché pour avoir ce qu’ils ont aujourd’hui. Alors ne les confondons pas, et surtout n’envisageons pas de prendre chez les “riches“ pour en donner aux “pauvres“.

L’exemple le plus frappant est celui du Zimbabwe. En effet, lorsque ce pays d’Afrique australe devint indépendant dans les années 80 du siècle dernier, un certain Robert Mugabe trouva une idée géniale : exproprier tous les blancs de son pays. On connaît la suite.

Par ailleurs, on a également vidé nos administrations de leurs compétences pour les remplacer par d’autres (nouvelles) qui s’avèrent ne pas être à la hauteur. Cela ne s’improvise pas.

Chers messieurs, sachez une chose, comme dit Jean Rostaud, «Nous paierons trop cher le privilège d’être devenus des dieux par la puissance, avant d’avoir mérité d’être des hommes par la sagesse». Le mot est lâché : sagesse, encore de la sagesse et toujours de la sagesse.

En faveur de cette grève, certains partis politiques ont apporté leur soutien à l’UGTT… par opportunisme, oubliant que l’impact de cette grève ne les épargnera pas. On a même vu Hammami et consorts crier des slogans hostiles à la Banque mondiale et au FMI. Irresponsable !

Taboubi a certes gagné cette bataille, en ayant réussi à mobiliser au-delà du cercle syndical, mais pour nos politiques qui croient juste de soutenir une grève qui a paralysé tout un pays, devraient plutôt suivre ce conseil de Friedrich Nietzsche: «Méfiez-vous de tous ceux en qui l’instinct de punir est puissant». Car, si demain vous le fâchez, il agira instinctivement et donc vous punira.