“Le déficit énergétique représente le 1/3 du volume global du déficit commercial de la Tunisie”, qui a dépassé les 19 milliards de dinars pour l’année 2018.

C’est ce qu’a déclaré le conseiller des services publics et directeur général du commerce extérieur au ministère du Commerce, Khaled Ben Abdallah, faisant état de la décélération du rythme du déficit hors énergie ces derniers mois.

“La détérioration de la balance énergétique participe à hauteur de 65% à l’aggravation du déficit”, a-t-il ajouté dans une déclaré à l’agence TAP. Ce déficit énergétique, qui pèse lourdement aujourd’hui sur le budget de l’Etat et les équilibres de nos échanges avec l’étranger, est dû à trois facteurs.

Primo, l’évolution des prix à l’échelle internationale de plus de 40%, pour dépasser, en octobre 2018, les 80 dollars/baril de brent.

Secundo, l’accroissement de la consommation nationale de l’énergie surtout avec l’amélioration du niveau de vie des citoyens et la propagation de l’utilisation des équipements de climatisation-chauffage.

Tertio, la baisse de la production locale de 40% par rapport à 2010, à cause de la chute des activités de prospection.

Un manque à gagner de 3 milliards de dinars à cause de la baisse de la production de phosphate 

Khaled Ben Abdallah estime que la régression de la production de phosphate et dérivés (-5,7%), durant la période 2010-2018, a engendré un manque à gagner pour la Tunisie de l’ordre de 1 milliard de dollars américains (près de 3 milliards de dinars).

De même, il a fait savoir que les dépenses énergétiques ont causé la chute de nos réserves en devises de 25 jours d’importation en 2016, de 30 jours d’importation en 2017 et de 35 jours d’importation pour les 10 premiers mois de 2018.

Il explique ce déficit, également, par la dépréciation du dinar. En fait, l’état de la balance commerciale à prix constants, à fin novembre 2018, révèle une hausse en volume, des exportations de 3,7% et des importations de 1,1%.

En tenant compte de l’évolution des prix, les exportations auront augmenté à prix courants, de 15,6% et les importations de 18,9%, et ce en raison de la dépréciation du dinar par rapport à l’euro et au dollar.

Selon les statistiques publiées par la Banque centrale de Tunisie, le dinar s’est déprécié de 20,82% par rapport au dollar, à la date du 9 janvier 2019, en comparaison avec la même période de 2018, et de 16,60% par rapport à l’euro, durant la même période.

Par ailleurs, le responsable a expliqué l’aggravation du déficit commercial par la hausse des importations des produits alimentaires de plus de 17%, en raison de l’accroissement des achats de céréales de 33,7%, et des importations des produits de consommation de 13%, suite notamment, à la hausse des importations de textile et de vêtements (14,9%), d’équipements électroménagers (17,6%) et des produits pharmaceutiques (11,6%).

Toutefois, Ben Abdallah a fait savoir que les produits alimentaires et de consommation ne représentent qu’environ 6% du déficit commercial, alors que les matériaux de construction en représentent 22%, l’énergie 32% et les matières premières et les produits semi manufacturés, 40%.

70% du déficit de la Tunisie avec 5 pays

“Pour ce qui est de la répartition géographique de nos échanges, la Tunisie se retrouve déficitaire, notamment, vis-à-vis de la Chine (28% du déficit du pays), l’Italie (15%), la Turquie (11%), l’Algérie (9%) et la Russie (7%).

“Mais il faut bien préciser que le déficit vis-à-vis de l’Algérie résulte essentiellement de l’importation de l’énergie. Pour ce qui est du déficit enregistré avec l’Italie, il est lié à l’importation des équipements, des matières premières et de l’énergie, alors que celui enregistré avec la Russie est du à l’importation des matières premières et de l’énergie”.

“En ce qui concerne la Chine et la Turquie, notre déficit provient de l’importation de produits de consommation, des matières premières et des équipements”.

“Afin de remédier à cette situation, le département du Commerce a mis en place une série de mesures tarifaires et non tarifaires “, a indiqué le responsable.

Pour ce qui est des mesures tarifaires, “elles concernent, essentiellement, l’augmentation des droits de douane appliqués sur l’importation d’un certain nombre de produits, notamment ceux de consommation, y compris des produits échangés avec la Turquie, et ce, dans le cadre de la loi de Finances 2018”.

Ben Abdallah a réitéré que les produits concernés par l’ensemble de ces mesures, qui sont essentiellement, soit alimentaires soit de consommation (tels que les produits cosmétiques), font actuellement l’objet de deux projets de loi soumis à l’examen de l’Assemblée de Représentants du Peuple (ARP).

Il s’agit de la loi sur la sécurité des produits alimentaires et la loi sur la sécurité des produits industriels, dont la mise en application permettra d’assurer la surveillance du marché.

“En attendant l’adoption de ces deux lois, le ministère du Commerce a décidé, à partir du 28 novembre 2018, la soumission de l’importation de certains produits de consommation non essentiels au régime des cahiers de charge. Dès lors, les opérateurs doivent déposer d’une autorisation pour pouvoir exercer une activité d’importation, ce qui permettra de mieux organiser ce secteur et d’assurer la traçabilité de la distribution de ces produits, à même de garantir la santé et la sécurité du consommateur”, a précisé le directeur général.

Hausse de 5% de l’importation de produits non financés par le système bancaire

Le directeur général du commerce extérieur a aussi évoqué la mesure lancée début 2018, en coordination avec la Banque centrale de Tunisie (BCT) relative à la restriction du financement bancaire de l’importation de 100 produits.

“Malheureusement, une année après l’application de cette mesure, nous avons remarqué que l’importation de ces produits a augmenté de 5%. Ceci est expliqué, d’une part, par l’effet change (la dépréciation du dinar), et, d’autre part, par un nombre de pratiques de détournement. Certains importateurs reçoivent des crédits à travers d’autres comptes et d’autres banques, soit ils déclarent des fausses nomenclatures générales de produits (NGP)”, regrette Khaled Ben Abdallah.

“C’est pour cela qu’on coordonne, actuellement, avec la BCT, pour affiner ce mécanisme afin d’éviter ce genre de détournement”, a-t-il affirmé, ajoutant que cette liste peut être révisée à tout moment, tout en veillant toujours, à éviter d’y introduire des intrants, des semi-produits, ou des produits intermédiaires servant à la production.

Le directeur général du commerce extérieur a souligné en conclusion, “nous sommes contraints à trouver un équilibre entre le contrôle de l’importation et la facilitation des échanges. Nous œuvrons, toujours, à respecter les normes et les indicateurs pris en considération par les agences de notation. Si nous adoptons des mesures rigides et un contrôle rigoureux, nous risquons d’être sanctionnés par ces agences, mais aussi dans certains classements, tel que celui de Doing Business, ce qui peut se répercuter directement sur l’attractivité du pays”.