Une blancheur à perte de vue est visible à partir de la route et des plaines peuplées de dromadaires qui mènent vers l’usine “Les Salines de Tataouine”, une société nationale construite sur un terrain près du lac salé “Om el Khialet”, située dans le village Beni Mhira à Ksar Aoun.

Salines de Tataouine, 3 partenaires dans un investissement national

Une visite de l’usine avec Kheireddine Ben Ammar, directeur général de celle ci a permis à la mission de Tap de connaître certaines données générales sur le fonctionnement de l’usine de sulfate de sodium, une matière qui constitue 30% de la composition des détergents et des produits pharmaceutiques.

Cet investissement national dans les richesses naturelles, du sud-est, produit du sulfate de sodium qui est aussi l’une des innombrables variétés de sels, auparavant importée de l’étranger, estime le Directeur général.

Il présente les Salines comme étant un investissement unique dans le pays. Le sulfate de sodium est initialement extrait du lac salé de Om el Khialete qui s’étend sur un large périmètre de 60 km2.

Les salines de Tataouine sont “un capital à 100% tunisien géré par des compétence locales”, se réjouit le chef de cette société pour lequel “le projet est un créneau important pour le pays et pour la région”.

Les partenaires de l’usine qui est une société anonyme, sont le Groupement Chimique Tunisien (GCT) qui accapare 40% des parts, le groupe Doghri 39%, le groupe Idriss 17% et 3% pour les actions en Bourse.

A l’entrée principale des Salines, est visible une plaque commémorative de l’inauguration de l’usine en 2017 par le chef du gouvernement Youssef Chahed.

Selon les chiffres de la direction de l’usine, le projet opérationnel depuis 2016 avait alors coûté 62 millions de dinars dont 17 millions de de dinars de fonds public et 25 millions de dinars de dettes bancaires avec des échéances bancaires mensuelles de 300 à 400 mille dinars.

Traitement de la saumure et équipements 

Aux alentours et à l’intérieur de l’usine, les employés n’étaient pas nombreux. Les grosses tâches du traitement des eaux du lac sont confiées à des machines géantes dont des congélateurs.

L’usine est équipée d’un matériel de haute technologie dont 70% proviennent d’Allemagne comme le générateur d’eau glacée et les filtres. Le reste des équipements est pour la plupart d’Espagne, d’Italie, la France et même du marché local comme les réservoirs, les accessoires et les câbles.

Une fois le traitement achevé, de gros sacs d’une tonne chacune sont transférés à la zone de stockage avant d’être acheminés vers le port commercial de Zarzis, situé à près de 80 km de l’emplacement de l’usine.

Une fois extraite et traitée sur différentes étapes, la saumure souvent destinée au marché local et extérieur est acheminée vers les clients de l’usine sur la Tunisie auprès des grandes usines.

Sur le marché extérieur, le produit est exporté vers divers clients comme en Syrie et en Egypte. Les exportations vers la Syrie constituaient le tiers des ventes enregistrées en 2017.

“Le produit final, en matière de qualité, est parmi les meilleurs sur la zone méditerranéenne”, estime le directeur général qui n’exclut pas une concentration peu forte de la saumure dans le lac”. Pour cela, la stratégie d’extraction se limitera aux zones à forte concentration de sel tout au long des 20 km.

Du lac jusqu’à la station de pompage, “l’extraction suit des étapes pour qu’enfin soit transformé le sulfate de sodium à partir des eaux transférées vers l’usine.

La visite de l’usine et de la station de pompage sur l’extrémité du lac, a permis de voir de près comment cette saumure brute est refroidie dans des générateurs géants d’eau glacée.

Balance financière et défis pour l’usine

Assurer l’équilibre financier de l’usine, déjà pas stable, constitue un défi majeur pour le futur. Dans ses prévisions, pour 2019, le Directeur général de l’usine assure que “la situation sera plus confortable”.

L’usine avait eu un retard de 2 ans à démarrer. Des pertes de 42 millions de dinars avaient été enregistrées sur les 62 millions de dinars alloués. Des forages seront faits pour irriguer le lac et compenser le manque en eaux.

La coupure du courant affecte la production au sein de l’usine, actuellement alimentée par 4,2 mégawatts. Selon un accord conclu avec la STEG en 2012, une station photovoltaïque devrait voir le jour.

La mise en place de l’usine avait connu des débuts assez durs sur différents volets. Financements, démarrage et entourage à la limite de l’hostilité qui ont été surmontés. Contrebande sur le gouvernorat et sensibilités tribales, entre autres, ont été autant d’obstacles avoisinants que l’usine avait prudemment géré.

L’espace du lac salé est fortement sécurisé par les agents de la Garde nationale et bénéficie de l’appui des autorité locales.

Le démarrage en 2016 avait coïncidé avec les événements du Camur, ce qui avait alors contraint l’usine à fermer près de 5 mois, endossant des pertes énormes qui avoisinent les 9,7 milliards (2016).

Les pertes de l’usine ont depuis été moins élevées avec 7,5 millions de dinars de pertes en 2017. Les prévisions de 2018 tablent sur plus de baisse dans les pertes.

Employabilité et perspectives pour l’usine 

L’usine offre 116 postes d’emploi dont 80 au profit d’ouvriers originaires de la zone où est implantée l’usine et 9 cadres de l’ensemble du pays. Les salaires sont en deçà de ceux offerts par les compagnies pétrolières implantées dans la région.

Un investissement était prévu dans l’objectif de construire une cité pour le personnel de l’usine. Avec le retard du démarrage de l’usine, le projet n’a pas abouti, selon le DG de l’usine.

Actuellement la plupart du personnel en dehors de la région fait la navette entre la ville de Tataouine et leur lieu de travail, une situation qui ne semblait pas être assez confortable dans cette zone difficile d’accès.

Des défis accompagnent l’usine qui est le lieu d’une industrie énergivore en électricité, en attente de la mise en place de sa propre station photovoltaïque qui devra être installée pour une capacité de 6 mégawatts par jour.

La consommation actuelle, estimée à 4 mégawatts par jour, est alimentée uniquement par la STEG. Une situation qui ne manque pas d’affecter la durée du circuit de production. Un investissement de 20 milliards de dollars a été alloué à la station photovoltaïque.

Sur la carte géographique, “Oum El khialet” n’est pas le seul lac Salé sur la même zone de Tataouine où se trouve un trio de lacs salés. Om el Khialet, Erg El M’khazen et Chmila constituent ensembles une réserve de lac salés pour le futur.