Une des principales nouveautés apportées par le projet de loi de finances 2018 (PLF) réside dans la rationalisation des incitations fiscales et financières instituées par l’Etat en faveur de l’investissement. Ces avantages ne seront plus accordés sans discernement. Seuls les secteurs économiques émergents ou en difficulté qui ont vraiment besoin d’un coup de pouce de l’Etat en bénéficieront. En témoignent deux exemples de cette prise de conscience.

Le premier porte sur les mesures instituées pour faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) à des sources de financement appropriées dont l’accès à de nouveaux concours bancaires.

A cette fin, le gouvernement a décidé, dans le cadre du PLF 2018, d’exonérer, durant les exercices 2018 et 2019, les entreprises nouvellement créées et détentrices d’une déclaration d’investissement, des impôts sur le revenu et sur les sociétés, et ce pour une période de 3 ans à compter de la date d’entrée en production.

Autre mesure, le gouvernement a décidé de mettre à la diposition des banques une ligne de crédit budgétaire de 100 MDT pour financer la restructuration financière des PME en difficulté.

Ne sont pas éligibles à ces avantges (exonération d’impôt et ligne de crédit), et c’est là la nouveauté majeure, les entreprsies  opérant dans les secteurs compétitifs : finances, énergie (à l’exception des énergies vertes), indusries minières, télécoms, commerces, promotion immobilière.

Le second indice est révélé par la présidente de la centrale patronale (UTICA), Wided Bouchamaoui. Dans une interview accordée au quotidien Essabah, elle déplore que le gouvernement n’ait pas satisfait, dans le cadre du PLF 2018, une des principales revendications du patronat. Celle-là même qui consiste à exonérer conjoncturellement d’impôt les sociétés partiellement et totalement exportatrices.

Moralité: le gouvernement est- semble-t-il, décidé à mettre fin au système d’incitations et à tirer les enseignements du passé.

Quid de l’impact des incitations sur l”économie tunisienne.

Pour mémoire, au temps de Ben Ali, les avantages fiscaux et financiers ont été institués, 23 ans durant, à des investisseurs  locaux et étrangers qui n’en avaient pas besoin.

Ainsi, des incitations étaient accordées généreusement à des compagnies d’hydrocarbures, à des banques étrangères et locales, à des opérateurs télécom, à des distributeurs (grandes surfaces et autres) et à des prestataires de services compétitifs (cafés, restaurants…).

Outre ces incitations, ces investisseurs bénéficiaient d’un marché local et du transfert à l’étranger de leurs bénéfices en devises.

Pour en mesurer l’impact, l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) a révélé dans une récente note d’analyse intitulée “une perte colossale en devises”, que “la Tunisie a perdu en cumulé 43 milliards de dinars en équivalent de devises étrangères, sur la période 2006-2016, du fait du régime d’exception octroyé aux entreprises non résidentes dans le cadre de la loi 72”.

Et l’Observatoire de tirer déjà une première conclusion: “Sur cette période, si la Tunisie n’avait pas octroyé ce privilège, elle n’aurait pas eu besoin d’avoir recours aux emprunts extérieurs et aurait un surplus de 16 milliards de dinars en équivalent de devises étrangères”.

Plus simplement, les sorties de devises sont plus importantes que les entrées. Et le régime offshore en est en partie responsable. En effet, les entreprises offshore n’étant pas soumises au régime de change, elles ne puisent pas dans les réserves de devises de la BCT lorsqu’elles importent, mais en contrepartie elles ne sont pas tenues de rapatrier à la BCT les devises gagnées lorsqu’elles exportent.

Pour y remédier et afin d’évaluer l’impact réel des IDE sur la balance des paiements, l’OTE propose de disposer, pour chaque projet et chaque investisseur étranger, le bilan-devises des opérations effectuées en Tunisie, et pour chaque investisseur local opérant dans les secteurs concurrentiels un bilan-création d’emplois et de valeur.

Cela pour dire que cette prise de conscience de l’impératif de rationaliser enfin les incitations fiscales et financières de l’Etat est à saluer à plus d’un titre, ne serait-ce que celui d’éviter au pays la sortie de devises par les investisseurs étrangers et la création d’emploi précaire par les investisseurs locaux.