Transport maritime : Le potentiel caché d’un projet porteur

Si tout se déroule comme prévu, dans un mois et demi Sfaxiens, Gabésiens et Djerbiens pourront se rendre par bateau, à l’aller comme au retour, à Djerba, Sfax et Gabès. Deux lignes de transport maritime de voyageurs seront ouvertes, début septembre 2017, Sfax-Djerba et Gabès-Djerba.

Djerba à deux heures de Sfax, qui l’eut cru?

Pour le promoteur de ce projet, Mohamed Kilani, ces nouvelles liaisons maritimes avec l’île des Lotophages constitueront plusieurs avantages, notamment en matière de rentabilité (économie d’argent), de sécurité et de gain de temps. A la faveur de ces lignes, le voyageur fera, à titre indicatif, le trajet Sfax-Djerba en deux heures contre cinq heures par voie terrestre. Il fera en plus l’économie de tous genres de risques qu’il peut encourir sur les routes et tous genres de mauvaises surprises lors de l’attente du bac, à Gabès (retards, pannes techniques…).

Au plan de la logistique, le promoteur dit avoir obtenu les autorisations nécessaires pour exploiter le bassin d’eau jouxtant la plage du Casino à Sfax. Les travaux d’aménagement des quais sont engagés aussi bien à Sfax qu’à Gabès par une société de logistique dirigée par Mohamed Kilani en personne.

Cette société dispose déjà, selon les dires du fondateur des deux lignes, de deux bateaux made in china, chacun d’une capacité de 60 places. Elle se propose d’en acquérir l’année prochaine deux autres de plus grande taille (99 places). Mention spéciale pour la vitesse de ces bateaux. Elle est trois fois supérieure à celle des bateaux classiques. Et pour ne rien oublier, ce projet, dont l’étude aurait duré trois ans, coûtera 4,5 MDT.

Diversifier le secteur du transport

Abstraction faite des nombreux avantages immédiats que peut fournir ce projet en matière de décongestion de la circulation entre les deux grandes villes du sud (Sfax et Gabès) et les régions périphériques, nous pensons que ce projet gagnerait à être encadré au mieux et à être entouré de toute la sollicitude requise, et ce pour deux raisons.

La première est que ce projet vient diversifier le secteur du transport actuellement monopolisé par “le tout voiture” et son lot d’accidents, le transport aérien et un transport ferroviaire.

L’idée de promouvoir ce mode de transport maritime peut être également développée entre d’autres villes littorales: Tunis-Bizerte, Bizerte-Tabarka, Sousse-Mahdia, Tunis-Nabeul, Sfax-Sousse, Gabès-Zarzis, avec des escales tout le long du littoral. C’est une nouvelle niche qui peut générer de précieux emplois et d’activités connexes (réparation de bateaux et autres…).

Evoluer vers le tourisme des îles et des phares

La seconde raison consisterait à faire évoluer ce projet pour valoriser la frontière maritime avancée composée d’une dizaine d’îles et d’îlots et d’un réseau de 19 phares.

Il s’agit d’enrichir le produit touristique traditionnel par un circuit des îles et des phares érigés tout le long du littoral. Un tel circuit permettrait aux touristes tunisiens et étrangers de découvrir des sites marins magnifiques.

Certes des aménagements sont nécessaires, mais ils pourraient être réalisés dans le cadre de la loi sur le partenariat public-privé (PPP), et que les bailleurs de fonds pourraient cofinancer.

Pour mémoire, une étude a été finalisée en 2010 sur ce tourisme insulaire ayant retenu cinq îles: La Galite, Zembra, Kuriat, Kerkennah et Djerba. A l’époque, les îles de La Galite et de Kuriat ont été retenues pour y lancer des projets pilotes.

D’après cette étude, le circuit touristique des îles tunisiennes a été conçu comme un ensemble d’itinéraires marins reliant soit des îles entre elles, soit une ou plusieurs îles au continent; chacune de ces îles offrant un ensemble d’attractions, d’infrastructures et de services touristiques spécifiques en fonction des attraits.

Deux types d’itinéraires sont proposés: un itinéraire long, reliant les îles pour une durée de 7 jours ou plus, longeant les côtes tunisiennes, des itinéraires îles/continent de courte durée qui viennent en complément à un séjour balnéaire classique et comprenant une ou plusieurs escales, chacune offrant une attraction, activité ou un paysage particulier.

Les phares, balises, bouées sont également retenus comme de merveilleuses attractions dans la mesure où ils constituent de véritables monuments d’architecture et pièces de patrimoine, objets de curiosité et de découverte. Il suffit de visiter le phare le plus proche de Tunis, en l’occurrence Cap Angela, le point le plus septentrional, voire l’extrême pointe au nord du continent africain (17 km au sud de la ville de Bizerte), pour se rendre compte du charme de ces phares. Ce site est connu par les marins pour son célèbre phare qui a été allumé pour la première fois, le 30 juillet 1890. 

Une opportunité pour l‘industrie et la réparation navale

Au plan industriel, ce mode de transport, fort développé dans le détroit du Bosphore à Istanbul en Turquie avec son flot incessant de bateaux qui le traverse, pourrait générer la création d’une unité d’industrie maritime et optimiser l’exploitation de l’arsenal de Menzel Bourguiba avec ses 5 bassins de radoub (bassins où l’on prépare les navires).

Cela pour dire que ces simples liaisons maritimes entre Djerba, Sfax et Gabès sont à même, pour peu qu’on les encadre, d’inaugurer une nouvelle activité maritime multiforme en Tunisie qui viendrait diversifier l’économie du pays, agrandir sa sphère de manÅ“uvre et enclencher une extension du marché tunisien tout comme l’avait fait la Reine Didon, pour le territoire qu’elle avait acquis en débarquant sur les côtes de l’actuelle Tunisie, vers 814 av. J.-C.

N’oublions pas que les Tunisiens ont l’ADN marin, ils sont les descendants de l’ambitieuse cité de Carthage qui avait une vocation essentiellement commerciale et maritime. Dont acte.Â