OIF  : Quel avenir pour la francophonie?

Cinquante ans après sa création, la Francophonie reste une idée neuve. Peu féconde, la Francophonie ne s’est pas beaucoup développée. A-t-elle, vraiment, un avenir?

La Francophonie? Une idée forte comme il s’en produit peu. Il est vrai que cette initiative lumineuse n’a pas émané d’un dirigeant français de métropole, mais bien de deux illustres figures de la lutte contre le colonialisme. Est-ce pour cette raison que la France -hélas!- ne lui a pas donné une ambition à sa mesure? On observe, à regret, que l’Organisation internationale de la Francophonie, qui aurait pu être le support d’un nouvel empire commun à l’heure actuelle, reste à la marge du système institutionnel de la France. Elle continue à être regardée avec une certaine distance. La France a raté une chance de s’émanciper économiquement. Et, elle a fait rater aux pays francophones une chance d’accès au développement. Quel gâchis.

Prendre le meilleur des Français…

Il est de notoriété publique que la Francophonie est le signe du positivisme des présidents Léopold Sedar Senghor et Habib Bourguiba, ses deux principaux fondateurs. Ces deux chefs de résistance contre la colonisation ont été d’une vaillance légendaire pour recouvrer la souveraineté de leur pas. Et, ils ont combattu au nom d’un idéal de liberté, décomplexé, regardant la France non comme un ennemi mais bien comme l’adversaire d’un moment.

Sitôt la parenthèse coloniale refermée, ils ont de leur propre initiative, et alors qu’ils affirmaient -le premier sa négritude, le second son arabité-, appelé la France à se joindre à une initiative commune de développement. Malgré leur identité affirmée, ils ont choisi de se reconnaître dans la Francophonie. Ce n’est de leur part ni un reniement ni un abaissement, mais tout simplement la validation consciente des valeurs de la Révolution et de la République françaises. Ils ont assumé leur projet devant leurs opinions publiques, qui ont adhéré à l’idée.

Les peuples, d’abord tunisien et sénégalais, puis tous les peuples francophones, ont pardonné les forfaits de la colonisation et tourné la page, définitivement. Spontanément ils ont accepté d’entamer une nouvelle ère, de relations fusionnelles avec la France, qui était porteuse d’une grande espérance.

Bourguiba, en pleine dynamique d’émancipation de la Tunisie, n’affirmait-il pas vouloir «prendre le meilleur de la culture française pour combattre ce que nous avions de pire»?

Démarche validée par le président Léopold Sedar Senghor, grand serviteur du rayonnement de la langue française, étant membre de l’Institut.

La Francophonie doit-elle rester une exclusivité arabo africaine

Nous pensons que l’OIF a raté sa vocation et qu’elle a été détournée de la vocation souhaitée par Senghor et Bourguiba. L’organisation est devenue, à l’heure actuelle une organisation des locuteurs de langue française. Le Québec, la Belgique et la Suisse n’ont jamais rien promu de tel, auparavant. Et c’est bien la preuve que la francophonie n’est pas un rassemblement des peuples d’expression française ou qui ont adopté le bilinguisme à l’instar de la Tunisie et de certains pays du Maghreb.

La Francophonie est un choix politique, essentiellement. Les jeunes nations montantes, ne voulaient pas du libéralisme anglo-saxon. Trop peu social, à leurs yeux. Ni du soviétisme, trop répressif pour des peuples qui cherchaient d’abord à s’émanciper. Ni même du non alignement, imprécis et aventuriste. Ils ont parié sur un avenir commun avec la France.

Ce partenaire leur paraissait nourri d’universalisme, donc le partenaire idéal pour un développement équitable.

Malheureusement l’idée n’a jamais vraiment décollé. Quelques projets ont fleuri, ici et là, mais sans dynamique d’ensemble. On peut citer la remarquable université de médecine de Dakar et son important centre de recherche d’épidémiologie. Le repêchage des composants du phare d’Alexandrie ou la magnifique bibliothèque de la même ville avec ses huit mille places. Les réalisations sont parfois spectaculaires mais le bilan global est léger. Et malgré tout, les arabes et les africains continuent à se battre pour la cause de la francophonie. En cette période d’anglophonie triomphante, c’est de leur part, un gage de fidélité.

Par conséquent c’est sans le moindre sentiment d’animosité à l’égard de Michaelle Jean, que nous regardons comme une battante et méritante, ni du Québec ami, qu’il nous parait naturel que la francophonie rentre au bercail. Ne doit-elle pas retrouver son espace naturel entre la France, les arabes et l’Afrique.

La Francophonie, absente de la pensée française

Quelle n’a été notre déception de voir que lors de la campagne des présidentielles en France que la Francophonie était absente-ou occultée- du débat. Il est vrai que le tandem France-Allemagne est la force motrice de l’Europe. Mais si la France avait réellement activé la francophonie, n’aurait-elle pas ravi la première place à l’Allemagne et serait courtisée par cette dernière.

Les francophones voulaient constituer un empire conjoint avec la France en y apportant tout leur patrimoine physique, culturel et civilisationnel. Or cette offre, spontanée et bienveillante, a toujours été ignorée par tous les penseurs actuels y compris les responsables de think tank respectables tel Thierry de Montbrial (IRI) ou Pascal Boniface (IRIS) ou encore Hubert Védrine.

Quand on voit ce que fait l’Amérique pour conserver les deux Amériques Centrale et latine sous son aile on se dit que la France a été bien négligente envers les peuples francophones. Ceux-là qui continuent à lire Zola au lieu des sœurs Bronte, Victor Hugo au lieu de Ruduyard Kipling, Jean Racine au lieu de William Shakspeare.

De son vivant, Aly Ben Ayed, patron de la troupe du théâtre tunisien avait traduit le bourgeois gentilhomme de Molière. Monsieur Jourdain est devenu maréchal Ammar, tout aussi attachant et burlesque et on a vu que les tunisiens perpétuaient la tradition satirique française.

L’empire de la Francophonie, demain?

On se demande si la France a conscience de l’importance de la Francophonie. Il s’agit d’un espace et d’une population au multiple des mensurations de l’hexagone. Il y a eu, manifestement, un déficit de gouvernance de la francophonie.

La France regarde, essentiellement, en direction de l’Europe. Pourtant ce sont bien les Africains qui continuent à “RAPper” Français. Ce sont les Egyptiens qui ont acheté le Rafale français, ouvrant la voie aux Indiens d’y venir à leur tour.

Pour leur part, hollandais et polonais se sont équipés en “Fantom“ américains. Le renouveau de la Francophonie, donnerait à la France les ailes qui lui ont manqué pour s’affirmer comme une puissance incontestable sur la scène internationale.

En 1974 sur l’île de Guam, Henri Kissinger disait considérer la France comme une puissance régionale. Avec la Francophonie la France gagnerait ses galons de puissance intercontinentale. Ce sera, un pari à résultante positive pour tous.