Avocats sans frontières, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) et l’association NOVACT annoncent, le 7 juin 2017, le lancement d’une campagne de sensibilisation à la lutte contre la traite humaine en Tunisie; campagne qui qui cible le grand public.

Ayant pour slogan “briser le tabou”, la campagne s’inscrit dans le cadre du projet “briser les chaines: lutter contre la traite des êtres humains” et s’étalera sur trois mois.

“L’objectif étant de sensibiliser les Tunisiens aux risques et répercussions de la traite humaine qui a différentes formes”, a souligné Nadia Ben Halim, coordinatrice de programme à l’organisation Avocats sans frontières.

La campagne aura lieu à travers l’organisation de quatre événements dans les villes de Tunis (9 juin), Le Kef (10 juin), Sousse (11 juin) et Sfax (12 juin) outre la diffusion d’un spot vidéo et d’un spot audio, le lancement d’une application web et la campagne sur les réseaux sociaux.

“La traite humaine existe bien en Tunisie et elle a plusieurs formes: la mendicité forcée des enfants, la vente forcée, le travail des enfants dont essentiellement l’embauche de fillettes âgées de 9 et 10 ans, l’exploitation des subsahariens, les contrats fictifs de travail à l’étranger et l’exploitation des jeunes filles; sauf qu’il n’y à ce jour aucun chiffre officiel sur ce phénomène”, a affirmé pour sa part Raoudha Laabidi, présidente de l’Instance nationale de lutte contre la traite des êtres humains.

Selon elle, “toutes les formes de traite humaine existent en Tunisie à l’exception du trafic d’organes. Il existe même des situations extrêmement difficiles avec une atteinte grave aux droits humains. Certaines personnes sont carrément traitées comme des esclaves et le problème c’est que dans plusieurs cas les victimes ignorent qu’elles sont victimes et les coupables sont inconscients de la gravité de leurs actes”.

La loi organique n°2016-61 promulguée en août 2016 stipule que celui qui commet une infraction relative à la traite des êtres humains encourt une peine de prison pouvant dépasser les dix ans et une amende pouvant atteindre 50 mille dinars.

Selon cette même loi, “est considérée comme traite des personnes, l’attrait, le recrutement, le transport, le transfert, le détournement, le rapatriement, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par le recours ou la menace de recours à la force ou aux armes ou à toutes autres formes de contrainte, d’enlèvement, de fraude, de tromperie, d’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou par l’offre ou l’acceptation de sommes d’argent ou avantages ou dons ou promesses de dons afin d’obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation, quelle qu’en soit la forme, que cette exploitation soit commise par l’auteur de ces faits ou en vue de mettre cette personne à la disposition d’un tiers”.

A cette occasion, Raoudha Laabidi a signalé que le législateur a donné de larges prérogatives à travers cette loi à l’instance nationale de lutte contre la traite des êtres humains mise en place en février 2017 , dont l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention, la réception des signalements sur des numéros verts, la collecte des données et la formation.

“Nous trouvons toutefois des difficultés pour le moment en raison de l’absence d’un local qui sera normalement disponible à partir de la fin de ce mois”, a-t-elle fait remarquer, soulignant que la lutte contre la traite humaine est aujourd’hui une responsabilité commune et une urgence.

De son côté, Alaa Talbi, représentant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, appelle à l’accélération de l’installation de l’instance dans son nouveau siège pour lui permettre de faire convenablement son travail, et au respect des conventions internationales ratifiées par la Tunisie en rapport avec la traite humaine et le travail des enfants.

Il a rappelé que l’organisation internationale pour les migrations avait recensé dans une étude réalisée entre 2012 et 2016 111 cas de traite humaine en Tunisie.

A noter que la traite des êtres humains est le troisième plus important commerce illégal au monde après les commerces de drogue et d’armes, selon l’Organisation des Nations unies.