Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari a appelé, vendredi, à Tunis, à “un élan patriotique” exhortant l’ensemble de la communauté financière ainsi que tous les agents économiques à faire preuve de sagesse et de retenue, en cette phase difficile que traverse la Tunisie afin de défendre la valeur du dinar et surmonter ce qu’il appelle ” une mini crise de change “.

Il a affirmé, lors d’un séminaire de clôture de projet de jumelage entre la Tunisie et la France sur la modernisation du cadre opérationnel de la politique monétaire de la BCT, que pour atteindre cet objectif il y a lieu de réhabiliter la valeur travail, de miser sur une meilleure productivité et d’encourager la production nationale en favorisant la consommation de produits ” made in Tunisia “. “Il s’agit de rétablir l’équilibre de nos comptes extérieurs et mettre fin à la spéculation sur la monnaie nationale “, a encore précisé, Ayari.

Au cours du premier trimestre 2017, le déficit de la balance commerciale a atteint 3878,9 millions de dinars (MD) . La dépréciation du dinar, qui a perdu 10% de sa valeur, a contribué à l’aggravation de ce déficit, selon des données gouvernementales.

Pour le gouverneur de la BCT, les premiers mois de l’année 2017, ont été marqués par la résurgence des tensions inflationnistes et ont surtout affiché une détérioration inquiétante des déficits commercial et courant.

” Cette situation s’est traduite par l’amplification du déséquilibre entre l’offre et la demande de devises sur le marché des changes, et naturellement par des pressions supplémentaires sur le taux de change du dinar, en dépit de la présence permanente de la BCT sur ce marché pour réguler la liquidité en devises ” a-t-il expliqué.

Les forces qui tirent vers le bas la valeur de la monnaie nationale se sont autoalimentées, dans le sillage de la multiplication des déclarations de toutes parts, exacerbant les anticipations à la baisse de la valeur de cette monnaie et accentuant les pressions sur la valeur future du Dinar.

Un mouvement de panique s’est emparé de la place financière. Ses conséquences auraient pu être désastreuses pour l’économie tunisienne, n’eut été la volonté affirmée des autorités monétaires pour gérer calmement, cette mini crise de change , a-t-il encore noté .

Le gouverneur a rappelé que le conseil d’administration de la BCT a annoncé, lors d’une réunion exceptionnelle tenue le 25 avril 2017, des décisions visant à lisser les variations aiguës du taux de change, tout en veillant à ce que ce taux joue pleinement, son rôle pour contribuer à la maîtrise du dérapage du déficit commercial d’une part, et garantir le financement des importations nécessaires et préserver un niveau adéquat des réserves en devises d’autre part.

Il a ajouté que ” les mutations profondes par lesquelles passent les marchés financiers internationaux et leur impact sur notre marché domestique, exigent l’engagement de toutes les parties prenantes pour mener de grandes réformes à leur niveau, afin d’améliorer leurs systèmes d’information et de gestion des risques de marchés “.

Concernant le projet de jumelage entre la Tunisie et la France sur la modernisation du cadre opérationnel de la politique monétaire de la BCT, ailleurs, ce projet s’inscrit dans le cadre du programme d’appui à l’Accord d’Association avec l’Union européenne.

Financé par l’Union Européenne à hauteur de 745 millions d’euros (1979 millions de dinars), ce projet(2015-2017) a permis de mobiliser de nombreux experts et compétences des banques centrales afin de rendre le cadre opérationnel de la politique monétaire plus transparent et plus efficace.

Ce programme, qui représente une deuxième expérience de jumelage dans le domaine de la politique monétaire, que la BCT réalise avec la Banque de France, vise à réaménager les modalités d’intervention de la BCT sur le marché monétaire, à mettre en place un dispositif efficace de prévision de la liquidité, à développer le marché interbancaire et à assurer la réforme du marché des titres de créances négociables.

Pour le Chef de la coopération de l’Union Européenne en Tunisie, Armelle Lidou, la mise en place d’un cadre moderne de politique monétaire constitue un facteur important pour le développement du marché des capitaux et un levier pour la relance de l’activité économique en Tunisie.

L’UE apportera, annuellement, à la Tunisie un appui financier sous forme des dons qui s’élèvent à 300 millions d’euros, a-t-elle précisé.

Et d’ajouter que l’UE intervient dans plusieurs domaines mais la priorité est accordée à la réforme économique à travers la modernisation de l’économie et le développement régional de manière à assurer une meilleure insertion des jeunes dans le marché de travail.