Attila Mong, Digital Innovation chez Deutsche Akademy, de passage dernièrement en Tunisie, a accepté de répondre aux questions de webmanagercenter sur l’impact négatif des réseaux sociaux, plus précisément Facebook et Google, sur les entreprises de presse, papier et électronique. Il donne au passage quelques pistes de réflexion afin de moins subir cet impact, en termes de recettes.

WMC : Quelles sont les grandes tendances digitales dans les médias?

Attila Mong : Les grandes transitons sont ces vagues de migration de l’analogique vers le numérique pour la télé, le passage de la presse imprimée vers la presse électronique sur ordinateur, puis le glissement de l’ordinateur vers le portable. Et, à l’heure actuelle, c’est la poussée des plateformes de Facebook et Google, principalement. La nouveauté et le danger, j’ajouterais, c’est qu’elles décident de l’information à diffuser, des sources et du format.

On observe que la consommation de vidéos augmente en ce moment, sur les réseaux sociaux. Cela vient de ce que Facebook a changé son algorithme pour privilégier la vidéo. En cela il suit la tendance qui fait la tendance générale. Les gens penchent de plus en plus pour la vidéo pour s’informer et se divertir.

Facebook et Google seraient-ils en train de régenter la sphère média?

Aujourd’hui Facebook et Google, qui se présentent comme de simples plateformes que les gens et les entreprises peuvent utiliser pour poster du contenu, ne sont plus des plateformes passives. Elles prennent des décisions qui impactent le fonctionnement des médias et commandent ce que les gens peuvent voir sur les news feeds à la une de Facebook ou de Google. Ce sont des décisions importantes qui pèsent sur les chiffre d’audiences des médias en ligne et sur leurs revenus.

Avec le moteur de recherche, Google dispose d’une énorme machine à chercher qui influence directement les utilisateurs en orientant le type d’information qu’ils vont trouver. Les algorithmes de Google présentent à chaque fois les cinq ou six informations à afficher quand un utilisateur est à la recherche d’une information. Cela n’est pas sans effet sur les entreprises de média. A titre d’exemple, si vous cherchez “actualités tunisiennes“, vous trouverez les informations à qui Google donne la préférence.

Le lecteur se voit imposer un format et un contenu…

Naturellement! Ajouter à cela que, n’étant pas éditeurs, Google et Facebook ne sont pas responsables de la véracité de l’information. Un éditeur norvégien, contrarié par l’irruption de Google et de Facebook dans le métier, a écrit à Marc Zukerberg pour lui dire que Facebook est le plus grand éditeur du monde. Leur intrusion fait qu’ils prennent des décisions du contenu de la Une qui est différent de celles choisies par les équipes de rédaction des journaux.

La presse a longtemps souffert de la censure. Subit-elle la tyrannie de la manipulation?

Nous n’en sommes pas loin et cela vient de la nature technique des opérations. Google et Facebook n’emploient pas des hommes mais des robots commandés par des algorithmes. Ces derniers décident du contenu en fonction des statistiques. A cause de cela, on a vu, pendant la campagne électorale aux Etats-Unis, que ces algorithmes ne font pas la différence entre nouvelles fiables et fausses nouvelles. D’ailleurs, on observe une explosion des fausses nouvelles et des entreprises ont généré beaucoup de revenus en exploitant le filon des fausses nouvelles.

Quelles seraient, selon vous, les parades des entreprises médias?

Il faut trouver un substitut au mode opératoire des plateformes. Cela peut passer par les messageries notamment. L’impératif est que les entreprises médias doivent s’individualiser par rapport aux réseaux sociaux.

A titre d’exemple la Une du website du New York Times a connu une baisse de fréquentation du fait du changement de la façon de consommer l’information. Cependant, la fréquentation du site n’a pas changé. Les gens lisent les articles du NYT par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Et, ils cliquent sur le site parce qu’un ami a aimé ou a partagé un article et non parce qu’ils sont allés sur la Une du journal.

Comment les entreprises médias vont-elles assurer leur avenir?

Les journaux perdent des recettes de publicité et d’abonnement car les gens s’abonnent de moins en moins. Le tout est de pouvoir compenser cela. Là est la question. Certains journaux ont expérimenté les PayWalls, mais il faut plusieurs types de parades pour contrer la baisse des revenus.

Les plateformes ont phagocyté le métier. Avec l’ère des plateformes, on est déjà dans le journalisme automatisé. Dans les domaines où il existe des bases de données structurées, par exemple dans la finance ou le sport, les algorithmes rédigent des articles de presse. On voit les robots remplacer les journalistes pour les papiers simples. Des terminaux comme whatsApp ou Messenger dispensent les gens de regarder la télé.

La solution est donc là. Il faut imaginer des nouvelles façons de diffuser de l’information sur les messageries car les gens sont également branchés sur ces canaux pour s’informer.