La conférence internationale sur l’investissement «Tunisia 2020»  a été « un succès » avec la mobilisation de financements d’un montant global de 34 milliards de dinars entre conventions signées, promesses (19 milliards d’engagements) et plusieurs accords de partenariat.

Abstraction faite de ce montant fort significatif, le plus difficile reste, de toute évidence,  néanmoins le «follow-up», voire le suivi de cette dette -parce c’en est une. Zoom sur deux propositions. 

Pour les spécialistes des finances, anciens ministres des finances, experts comptables, universitaires, intermédiaires en bourse, la recette consiste à préserver l’élan de «Tunisia 2020» et d’entreprendre en toute urgence deux réformes.

Pour une agence spécialisée dans la gestion de la dette

La première portera sur la valorisation maximale et urgente de ce montant. Il s’agit de tout faire pour en tirer le meilleur profit pour le pays.  La parade est de créer, dans les meilleurs délais, une agence spécialisée dans la gestion de la dette.

Ils sont unanimes pour dire que cette dette est actuellement très mal gérée pour deux raisons principales. La première concerne la multiplicité des départements en charge de la dette. Il y a  le ministre de la coopération qui s’occupe des crédits contractés auprès des bailleurs de fonds internationaux (Banque mondiale, AFD, BAD, BEI, BERD, Fonds Koweitien…). Tout ce qui est FMI c’est du ressort de la Banque Centrale. Tout ce qui coopération bilatérale c’est du domaine du  ministère des affaires étrangères et pour ne rien oublier, tout ce qui est dette intérieure c’est du ressort du ministère des finances. «C’est à la limite du cirque», fait remarquer Slim Chaker ancien ministre des finances qui ajoute : «Cette dispersion- fragmentation n’est pas bonne.  Il faut qu’il y ait un chef de file, un coordinateur».

La deuxième raison, corollaire de la première,  consiste en l’absence  de stratégie de la dette. Il n’y a pas, aujourd’hui, une méthodologie pour le calcul du risque de la dette, une méthodologie qui doit comporter avant de contracter toute dette des questions du genre: quant est ce que le pays doit s’endetter, en quelle monnaie il doit s’endetter ( en euro ou en dollar ou en yen japonais). Donc, aujourd’hui, on ne dispose pas de stratégie de la dette sur les taux de change, sur les monnaies, sur les taux d’intérêt, sur la maturité, sur les bailleurs de fonds…

Pour éviter les dérapages que le pays avait connu depuis 2011, (triplement de la dette qui est passée de 20% du PIB à 63%), les experts proposent la création d’une agence spécialisée dans la gestion de la dette devant relever du ministère des finances, à l’instar de ce qui se passe partout dans le monde (Agence placement Trésor en France).

Cette agence de gestion de la dette  doit disposer d’ un document de stratégie de la dette, une sorte de feuille de route qui lui permet de regarder ce qui se passe sur le marché et d’intervenir sur le marché international lorsqu’elle trouvera des opportunités pour changer une dette en une monnaie déterminée avec une dette en autre monnaie, pour changer une dette avec une maturité donnée en une dette avec une maturité beaucoup plus longue..

Au temps du gouvernement Habib Essid, il était question de ce projet. L’ancien ministre des finances, Slim Chaker en avait parlé. Ce dernier avait même annoncé que son ministère « travaillait sur ce dossier avec la Banque mondiale et qu’il était prévu de créer cette agence avant la fin de l’année 2016 ».

La Bourse se propose de relayer « Tunisia 2020 »

La deuxième action à mener pour assurer le suivi de « Tunisia 2020 » consistera à doter la Bourse de Tunis (BVMT)-un des grands absents de cette conférence- des moyens requis pour accomplir la principale mission pour laquelle elle a été créée. Celle-là même qui vise à trouver une solution pour le financement du budget de l’Etat, de l’infrastructure et des projets à réaliser en PPP, non pas par l’endettement mais par la levée des fonds.

Plus simplement, la Bourse relayera « Tunisia 2020 » pour assurer de manière pérenne le financement du budget de l’Etat, devenu une préoccupation annuelle.

Pour y parvenir, Bilel Sahnoun, Directeur général de la Bourse de Tunis(BVMT) estime que « la Bourse est en mesure d’attirer des flux significatifs d’investissements étrangers pour peu que les pouvoirs publics décident d’ouvrir totalement ou partiellement, en bourse  le capital de certaines entreprises publiques ». Il s’agit également «de contribuer, par ricochet, à l’amélioration des finances publiques et à la réduction des déficits budgétaire et courant ».

La stratégie qu’il propose est axée sur « l’introduction en bourse, par le biais d’une ouverture d’une partie du capital, de plusieurs sociétés qui sont encore dans le giron de l’Etat.

Il y a en premier lieu les banques. Pour lui, l’Etat n’a pas à être actionnaire dans 12 banques avec des parts allant de 20 à 80%. Pour moraliser le secteur, il peut garder une banque mais pas les onze autres ». Vient ensuite celui des télécoms qu’il qualifie de « secteur libéralisé et hyperconcurrentiel » et enfin  la distribution pétrolière. Bilel Sahnoun ne voit aucune raison à ce qu’’un distributeur comme Agil soit toujours sous le contrôle de l’Etat.

Il faut reconnaître, qu’au-delà de cette prédisposition de la Bourse à attirer des Ide, que le moment est venu pour relancer de nouveau le dossier des ouvertures de capital en bourse et la recherche de partenariat pour les entreprises publiques peu performantes lesquelles traînent, actuellement, rappelons le, un déficit de plus de 3,5milliards de dinars.  Le risque mérite d’être pris d’autant que toutes les entreprises publiques privatisées antérieurement se portent, de nos jours, beaucoup mieux que lorsqu’elle étaient sous contrôle de l’Etat. C’est le cas des cimenteries, des grandes surfaces (Magasin général)…. C’est même le cas de l’assureur Ami lequel depuis sa privatisation se porte mieux que lorsqu’il était sous la coupe dans le giron de la centrale syndicale UGTT)…