Tunisie – Politique : L’ambition de Machrouu Tounès, devenir le deuxième parti du pays

mohsen-marzouk-machrou-tounes-wmc.jpg

L’initiative de gouvernement d’union nationale (GUN), lancée par le président de la République, Béji Caïd Essebsi (BCE), a fait de l’ombre sur le congrès constitutif du parti Machrouu Tounès. Pourtant, l’évènement ne manque pas d’enjeux en ce sens où l’émergence de ce parti, en cette période de vide politique, a toutes les chances, au regard de la qualité de son programme, de changer le rapport de force entre les forces politiques en place.

Gros plan sur le programme politique, économique et social de ce nouveau parti qui ambitionne, selon son secrétaire général, Mohsen Marzouk, d’être, d’ici fin décembre 2016, «la deuxième force politique du pays avec Ennahdha».

Au plan politique, Machrouu Tounès, qui se dit social libéral, se réapproprie deux grandes thèses du bourguibisme.

Le premier concerne le pragmatisme, c’est-à-dire cette capacité de bannir le dogmatisme idéologique et de s’adapter aux situations dans l’ultime objectif de trouver des solutions adéquates aux problèmes qui surviennent.

Le second a trait à l’attachement à la «tunisianité» de la Tunisie et à son évolution dans son milieu géostratégique naturel, en l’occurrence son appartenance au Grand Maghreb, à la Méditerranée et à l’Afrique.

Décryptage: le parti se démarque du projet supranational d’Ennahdha.

Les nouveautés du parti

Au niveau de la gouvernance politique et de gestion partisane, Machrouu Tounès se targue d’avoir réussi là ou beaucoup d’autres partis ont échoué. Les signes de ce succès sont perceptibles, selon son secrétaire général, à travers la démocratisation des pratiques et des structures avec comme corollaires l’organisation d’élections démocratiques. «Ainsi, tous les 650 congressistes qui ont participé au congrès du parti ont été élus démocratiquement et conformément aux normes internationales», a-t-il déclaté. Et d’ajouter: «Nous sommes le seul parti qui a intégré dans son statut les pratiques d’alternance en vertu desquelles chaque responsable a droit seulement à deux mandats. Ceci est valable et pour le président et pour le secrétaire général du parti».

Autre nouveauté. Machrouu Tounès a institué l’obligation des résultats. Dans cette perspective, le congrès va donner naissance à une commission d’audit des objectifs du parti. Cette structure sera chargée d’élaborer des rapports internes devant évaluer, tous les six mois, les objectifs et les progrès accomplis au niveau régional et au niveau national.

Option pour une économie numérisée, verte et solidaire

Au rayon économique, le programme de ce parti est, comme on dit, «dans l’air du temps». En d’autres termes, il s’articule autour d’options en vigueur dans toutes économies modernes, en l’occurrence l’économie verte, l’économie numérique et l’économie sociale et solidaire.

Pour se distinguer un tant soi peu, le parti dénomme ces dernières options «maîtrise des innovations technologiques», «développement des énergies renouvelables», «agriculture», «écologie et services marchands» (tourisme médical, enseignement supérieur, expertises diverses…).

La nouveauté dans ce programme réside dans la ferme volonté politique en ce sens où Machrouu Tounès donne l’impression qu’il est plus déterminé à donner à ces options une dimension stratégique claire et irréversible.

A titre indicatif, d’après Mohsen Marzouk, l’option pour les énergies vertes n’est pas conçue «comme un complément aux énergies fossiles mais plutôt comme une option stratégique avec comme corollaire la possibilité de devenir, après 10 ans, producteur et exportateur d’énergies vertes».

Plaidoyer pour un nouveau contrat social

Dans le domaine social, Mohsen Marzouk estime que «rien ne sera possible si une vision économique ambitieuse n’est pas accompagnée par une vision des relations sociales au sein des entreprises, et ce à travers la conclusion d’un nouveau contrat social qui définit les règles du dialogue et les avancées nécessaires en termes de modernisation des rapports de travail dans les entreprises».

En appui de ces options, des réformes…

Il va de soi qu’en appui à toutes ces options, Machrouu Tounès entend initier moult réformes dont une décentralisation effective et non une centralisation allégée devant consacrer une autonomie multiforme du pouvoir régional, la modernisation du système éducatif et de la formation professionnelle, les législations, l’administration…

Dans la motion économique issue du congrès de ce parti, on y lit notamment: «nous allons continuer dans le document à investir dans l’éducation et la formation professionnelle afin que nos jeunes, hommes et femmes, soient préparés pour les emplois de l’avenir. Nous voulons que les jeunes tunisiens, quelle que soit la région où ils vivent, reçoivent la même qualité d’éducation et de formation…».

Espérons qu’il ne s’agit pas de professions de foi.