Tunisie-Prestige de l’Etat : De la République bananière à la République à la noix de coco!

opinion_tunisie-07112015.jpg«Il y a peu d’hommes qui se permettent un usage rigoureux et intrépide de leur raison, et osent l’appliquer à tous les objets dans toute leur force. Le temps est venu où il faut l’appliquer ainsi à tous les objets de la morale, de la politique et de la société, aux rois, aux ministres, aux grands, aux philosophes, aux principes des sciences, des beaux-arts, etc.,  sans quoi, on restera dans la médiocrité». C’est de Sébastien Roch Nicolas de Chamfort poète, journaliste et moraliste français du 18ème siècle, et c’est plus que jamais d’actualité dans notre pays.

L’histoire est un éternel recommencement et le Salon international de l’agriculture, du machinisme agricole et de la pêche “SIAMAP 2015“, inauguré mercredi 28 octobre par le chef du gouvernement, nous a montré que dans les pays où l’on perd les repères et où les «feelings» ou les affinités personnelles supplantent les compétences et le mérite, l’ordre est confondu et le prestige de l’Etat ramolli. Et comme le diable est dans les détails, nous ne pouvons que nous étonner après avoir suivi mercredi dernier la tournée d’Habib Essid, chef du gouvernement dans ce salon important auquel prennent part près de 400 exposants, de la dimension de la démythification du pouvoir dans notre pays.

Car faudrait-il rappeler aussi bien au ministre de l’Agriculture qu’au président de l’UTAP qu’un chef de gouvernement ne doit pas être relégué au deuxième rang lors du mot prononcé par M. Zar et que le respect dû à son rang devait imposer à ses hôtes de le placer à la droite de l’orateur alors que le ministre de l’Agriculture devait être placé à sa gauche. Ou encore devrons-nous rappeler à Dhafer Néji, chargé de la Communication au Premier ministère, qu’il ne devrait peut-être pas figurer aux devants de la scène.

Car en fait, il revient au chargé de protocole, dont le rôle est, rappelons-le, de participer à l’organisation des cérémonies officielles auxquelles assiste le chef du gouvernement et de préparer ses visites, et ses déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays de veiller au respect des règles d’usages et de veiller à ce que l’image du représentant de la plus importante institution du pays soit préservée.

Habib Essid a fait, semble-t-il le choix de la simplicité mais simplicité ne rime pas avec ignorance des us et usages protocolaires et chaos car il s’agit là du prestige de l’Etat dont on parle beaucoup mais dont on ignore ou méconnaît les subtilités.

La dimension protocolaire exige de la précision et la connaissance des règles en vigueur dans les différents cas de figure. «Le Protocole au sens strict, tel que décrit par les spécialistes, est le respect des règlements fixant l’ordre de préséance entre les différentes autorités présentes». L’État ne parle que d’une seule voix, hier la voix du ministre de l’Agriculture a succédé à celle du chef du gouvernement.

Il est heureux que le chef du gouvernement puisse être présent à toutes les manifestations publiques mais en aucun cas, on ne doit permettre que le prestige de l’Etat soit écorché.

La Tunisie doit se reprendre en main, ses institutions et ceux qui les représentent doivent œuvrer à récupérer le panache d’antan, car ce n’est pas pour rien que l’on a créé une discipline appelée protocole. Le fait est que nous ne savons plus qui s’occupe de préserver, soigner et rehausser l’image aussi bien de notre chef du gouvernement que de son ministère.

De nombreux échos, émanant du Palais du gouvernement, soutiendraient la thèse que des apparatchiks feraient de la résistance à toute ouverture communicationnelle, nous rappelant en cela le triste exemple de feu Abdelaziz Ben Dhia qui a tellement «entouré son patron Ben Ali» de ses attentions qu’il l’a empêché de voir ce qui se tramait autour de lui, à tort ou à raison.

Or, nombreux sont ceux qui oublient que, dès qu’elle est publique, toute action émanant de l’Etat est soumise à un ensemble de règles qui doivent être appliquées et respectées par tous et toutes, médias compris, sinon on ne peut s’étonner que l’on traite la Tunisie de “République bananière“, à la noix de coco ou encore de celle du cacao.

A bon entendeur…