Sécurité budgétaire : La Banque mondiale n’a pas toujours tort

bm-tunisie-2015.jpgPublié au début du mois de janvier 2015, un rapport de la Banque mondiale intitulé «perspectives économiques mondiales» confirmait la persistance de la récession économique mondiale pour l’exercice en cours et recommandait aux pays en développement de s’employer à reconstituer ce qu’il appelait «un volant de sécurité budgétaire» pour pouvoir faire face aux probables ralentissements économiques futurs.

A cette fin, le rapport leur avait suggéré d’exploiter à bon escient la chute du cours mondial du pétrole et les rentrées de devises générées par les économies des travailleurs émigrés.

La Tunisie, pays importateur net de pétrole et disposant d’une importante colonie d’individus à l’étranger, est concernée à plus d’un titre par cette recommandation de la Banque mondiale.

Ayhan Kose, directeur du Groupe d’étude sur les perspectives de développement à la Banque mondiale et un des principaux auteurs de ce rapport, estimait, à ce sujet que «La nécessité de disposer de volants de sécurité budgétaire supplémentaires se fait davantage sentir, aujourd’hui, dans un contexte caractérisé par des perspectives de croissance incertaines, un éventail limité de possibilités d’action au niveau des pouvoirs publics et la probabilité d’un durcissement de la situation financière à l’échelle mondiale».

Quatre mois après la publication de ce rapport, la Tunisie a enregistré d’importantes entrées en devises à la faveur des transferts des émigrés tunisiens à l’étranger et des économies significatives de devises destinées à l’importation d’hydrocarbures, et ce en raison de l’effondrement du cours du baril à 52 dollars contre 95 dollars prévus par le budget économique 2015.

Selon le ministre des Finances, Slim Chaker, cette chute du cours mondial a permis à la Tunisie de faire l’économie de 1,2 milliard de dinars.

Pour sa part, Belgacem Sabri, secrétaire d’Etat chargé des Affaires de l’immigration, a annoncé que les montants des transferts de la colonie tunisienne à l’étranger ont atteint, fin 2014, près de 4 milliards de dinars, soit 5% du PIB. Le secrétaire d’Etat a ajouté que ce montant, pour peu qu’il soit bien géré, peut créer 40.000 emplois, et que son département va s’employer à augmenter la part de ces fonds dans le PIB et la porter, dans cinq ans, à 8% du PIB.

Pour y arriver, il importe d’offrir des services avantageux au profit des Tunisiens à l’étranger, invitant la Banque centrale de Tunisie à réduire le coût des conversions, jugé très élevé.

Et pour ne rien oublier, la Banque mondiale estime dans le rapport précité que «le montant des envois de fonds effectués en direction de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire est, non seulement, appréciable au regard du PIB, mais il est comparable, en valeur, aux investissements étrangers directs et à l’aide étrangère».

Qu’a choisi de faire le gouvernement tunisien ?

Seulement au lieu de tirer le meilleur profit de ces précieux répits financiers pour constituer «un volant de sécurité budgétaire» en prévision de périodes difficiles, et au lieu d’utiliser ces précieux apports financiers aux fins de soulager la balance commerciale et les charges de la compensation des hydrocarbures, le gouvernement s’est amusé à céder aux revendications salariales et décidé de les satisfaire. D’importantes augmentations salariales sont décidées dans le secteur de l’enseignement et de la fonction publique au cours de l’année 2015.

Conséquence: les gains générés par la chute du cours du pétrole et les rentrées de devises générées par les transferts des émigrés seront absorbés par les augmentations salariales, c’est-à-dire par des dépenses de consommation et non d’investissement, privant ainsi l’économie du pays de souffler un peu.

Il s’agit de toute évidence d’une mauvaise gestion de cette manne, tout à fait le contraire de ce qu’avait proposé, en accompagnement de ces gains, le rapport de la Banque mondiale, en l’occurrence le renforcement de la bonne gouvernance des dépenses publiques.

Le rapport expliquait alors comment «des mécanismes institutionnels crédibles et bien conçus, tels que les règles budgétaires, les fonds de stabilisation, les cadres de dépenses à moyen terme…, peuvent contribuer à promouvoir la croissance avec comme conséquence la remise en état des amortisseurs budgétaires laquelle dégagera la marge de manœuvre nécessaire pour soutenir l’activité en période de difficultés économiques».

Nos gouvernants l’ont compris autrement. C’est une question de culture, apparemment!.