Tunisie – Transport : «Sortir de la logique du recours à l’Etat pour remédier aux déficits des entreprises publiques»

logistique-tansport-680.jpgTunisair vient d’être élue vice-présidente de l’Association africaine des compagnies aériennes (AFRAA). L’héritage de ses performances depuis sa création aurait permis à la compagnie battant pavillon national de garder le respect de ses pairs africains. Ceci, bien que souffrant depuis des années de nombreuses défaillances résultant de l’interventionnisme éhonté du Palais lors du règne de Ben Ali et de la mauvaise gestion de ses problèmes structurels par les dirigeants du secteur du transport depuis 2011.

Pour parer à la dislocation des entreprises publiques de transport et les préserver, le ministère du Transport, dirigé actuellement par Chiheb Ben Hmed, un pur produit Tunisair, a mis en place une stratégie pour une meilleure gouvernance des entreprises en question. Outre la refonte de Tunisair -qui a d’ores et déjà démarré-, des plans de sauvetage et de redressement à l’adresse de 7 sociétés ont été programmés. Il s’agit de la SNCFT, la TRANSTU, la SNTRI, la CTN (qui attend toujours la nomination de son nouveau PDG), la STAM, la SORETRAS et la STS.

Lors de son intervention à l’occasion du séminaire organisé mardi 11 novembre 2014, à l’IACE à propos de la nouvelle approche du ministère pour ce qui est de la gestion des entreprises publiques dans le secteur du transport, Chiheb Ben Hmed a insisté sur l’importance de la gouvernance.

«Nous avons tenu, en tant qu’Administration, à lier étroitement la restructuration de nos entreprises à la qualité de leur gouvernance. C’est l’expression de notre profonde conviction que leur sauvetage ne peut se restreindre à l’injection de l’argent public dans leurs caisses pour effacer leurs dettes et remplacer leurs pertes, mais doit s’inscrire dans la continuité pour assurer leur pérennité. Pour ce faire, il est nécessaire de revoir le modèle économique de manière à les stabiliser, rééquilibrer leurs finances et les aider à dépasser la phase critique qui menace leur survie même et qu’elles traversent en ce moment même».

La refonte des entreprises dans le secteur du transport pourrait servir d’exemple à d’autres opérant dans des domaines différents, a souligné le ministre. Et de préciser: «A lui seul, le transport représente 8,5% du produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie, 11% de de la totalité des investissements, 1,5 milliard de dinars en devises et 140.000 emplois directs dont 40.000 dans le public».

Une feuille de route pour remettre le secteur du transport sur les rails

A partir de ce constat et après l’établissement d’un sérieux diagnostic du secteur du transport, une feuille de route a été préparée. Elle préconise:

– d’assurer la logistique nécessaire pour un commerce extérieur performant;

– une meilleure gouvernance des projets publics et le lancement des projets structurels;

– la restructuration des entreprises nationales en difficulté et l’instauration d’un cadre réglementaire et référentiel pour ce qui est de leur gestion;

– la mise en place de tout un plan pour une sécurité globale du secteur du transport et d’une cellule pour la gestion des risques;

– le développement d’un dialogue social.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la restructuration d’entreprises nationales et au-delà du rôle important joué par les transports publics, il est aujourd’hui une réalité à laquelle personne ne peut échapper: toutes les entreprises publiques souffrent de difficultés financières qui les empêchent d’honorer leurs engagements auprès de leurs clients et partenaires. Elles sont incapables de s’acquitter de leurs charges sociales auprès de la CNRPS et du paiement de leurs fournisseurs tels l’ETAP.

Un déficit financier de 1,4 milliard de dinars

D’où la nécessité de lancer au plus tôt le plan de sauvetage préparé par le ministère du Transport. «Il faudrait près de 1 milliard de dinars pour satisfaire aux besoins du secteur, ce qui représente un défi de taille dans la conjoncture actuelle tant pour ce qui est des moyens, sources et ressources de financement que du programme de restructuration. Il est grand temps pour que nous sortions de la logique du soutien financier automatique de l’Etat pour parer aux déficits des entreprises publiques. Il serait plus utile de faire appel aux fonds de financements auxquels pourraient contribuer, outre l’Etat, d’autres acteurs économiques».

Un fonds national de récupération pourrait être créé, estime le ministre, qui instaurerait un partenariat public/privé (PPP) touchant principalement au volet financement. Ce qui permettrait la recapitalisation des entreprises en difficulté et l’allègement des charges sur l’Etat.

Un «fonds national pour l’impact positif» pourrait être tout aussi bien servir à financer les sociétés des services à caractère public et qui recevront des subventions pour compenser le manque à gagner à cause des tarifs modestes imposés par l’Etat et touchant au transport.

Ce sont quelques pistes qui pourraient être suivies pour que l’entreprise publique soit un moteur de la croissance économique et sociale tout comme il faudrait veiller à y encourager le développement de la recherche et de l’innovation technologique afin qu’elle reflète le développement du pays dans les domaines.

Changer de mode de gouvernance

Mais plus important que tout, a assuré M. Ben Hmed, il faudrait repenser le management des entreprises publiques en veillant à y instaurer une meilleure gouvernance via la séparation de la mission de supervision de celle de gestion. Ceci passe par les nominations séparément d’un président du conseil d’administration et d’un directeur général de l’entreprise. Le premier aurait pour rôle de veiller à une meilleure gouvernance, alors que le second assurerait une gestion saine tout en mettant en place de stratégies efficientes pour garantir les meilleures performances à la société. Le directeur général devrait soumettre la stratégie en question à l’approbation du Conseil d’administration.

Dans ce cas, il faudrait que le Conseil d’administration soit paré des qualités d’intégrité, de neutralité et d’indépendance requises pour mener au mieux sa mission. La création de commissions indépendantes d’audit, de stratégies, de risques ne sera pas de trop, estime Chiheb Ben Hmed qui a appelé à la révision des lois et réglementations régissant les établissements publics opérant dans des secteurs concurrentiels. Le but est de leur donner plus d’autonomie et plus de prérogatives pour qu’elles puissent s’imposer dans un secteur hautement compétitif.