Argentine : en plein litige des fonds “vautours”, Kirchner veut saisir la main du pape

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çois, de la présidente argentine Cristina Kirchner et du candidat Martin Insaurralde dans une rue de Buenos Aires, le 1er août 2014

[18/09/2014 09:23:40] Buenos Aires (AFP) La présidente argentine, invitée samedi au Vatican par le pape, veut saisir la main que lui tend le souverain pontife, avant de monter à la tribune de l’ONU pour dénoncer les dérives de la finance et des fonds “vautours”.

François pourrait même lancer une nouvelle salve contre les spéculateurs.

“Ce ne serait pas saugrenu. Je crois qu’il est sensible à tout ce qui a trait à l’économie. En plus, il a acquis une grande expérience et une vision de là où il est, au niveau mondial, et il sait quelles sont les conséquences de chaque mesure”, considère Mgr Guillermo Karcher, secrétaire au protocole du Vatican et un des porte-parole du pape.

Par le passé, le pape argentin a régulièrement dénoncé la “tyrannie” de l’argent-roi.

Le processus de désendettement du pays sud-américain, conclu avec 93% des créanciers après la crise économique de 2001, chancelle depuis que la justice américaine a ordonné à Buenos Aires de verser 100% de la valeur initiale des bons à des fonds “vautours” détenant 1% de la dette, alors que les autres créanciers ne touchent qu’environ 30% de la valeur de leurs titres.

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ège du gouvernement, le 31 juillet 2014 à Buenos Aires (Photo : Daniel Garcia)

L’Argentine a lancé une offensive diplomatique et rallié à sa cause contre les fonds “vautours” le G77+Chine, rassemblant les deux-tiers des Etats de la planète.

La semaine dernière devant l’ONU, un texte visant à protéger les restructurations de dette souveraine a été adopté par 124 pays contre l’avis des pays développés qui se sont abstenus (France, Italie, Espagne) ou ont voté contre (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Japon, Canada).

L’invitation pour un déjeuner en tête-à-tête à la résidence Sainte-Marthe lancée à la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, sa 4e rencontre avec le souverain pontife, a surpris, et Jorge Bergoglio y faisait explicitement référence à l’Assemblée générale des Nations unies.

La présidente argentine a prévu de discourir à New York du contentieux l’opposant à des fonds ayant spéculé sur la dette argentine après la crise de 2001, qui a conduit la 3e économie latino-américaine à un “défaut de paiement partiel”.

– Une bénédiction –

Le geste du pape François en direction de son pays est une bénédiction pour la présidente argentine, très critiquée pour sa gestion du dossier Argentine-fonds “vautours” par une opposition par ailleurs attentive aux propos du pape.

Le sociologue argentin Ricardo Rouvier rappelle pour sa part que “le pape a pris des positions claires sur les asymétries internationales et le rôle négatif de l’usure dans le capitalisme financier”.

Cristina Kirchner a diamétralement changé d’attitude à l’égard du pape, ancien archevêque de Buenos Aires, depuis qu’il occupe le Saint-Siège et qu’il a cessé de prononcer des homélies critiques. Elle cherche à profiter de sa popularité.

Selon le vaticaniste Gianni Valente, de l’agence Fides, c’est surtout son défunt mari Nestor Kirchner qui “lui faisait la guerre, voyant Bergoglio comme un chef de l’opposition. Il n’y avait pas d’antagonisme idéologique. De la part du pape ce n’était pas une critique de leurs personnes mais une dénonciation” de la pauvreté qui subsistait malgré la croissance économique des années 2000.

Elue en 2007 pour succéder à son mari et réélue en 2011 pour un second mandat, Mme Kirchner abandonnera le pouvoir fin 2015, mais l’incertitude économique liée à la récession, l’inflation non jugulée et l’impasse dans le litige avec ces fonds “vautours” fragilisent la fin du mandat.

Pour Mgr Karcher, le pape est attaché à l’ordre institutionnel et souhaite favoriser une fin d’ère Kirchner sans heurts, alors que des syndicalistes proches de l’opposition promettent une “explosion sociale” fin 2014.

Le pape François “est argentin, il a vécu ce que nous avons tous vécu lors de l’histoire la plus récente (la crise économique de 2001, ndlr). Et il me semble qu’il est impératif d’accompagner ce processus démocratique, car il nous fait du bien à tous”, estime Mgr Karcher.