Tunisie : Le gouvernement prend-il la restructuration des entreprises publiques par le bon bout?


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pays n’ayant plus les moyens de se payer le «luxe» de continuer à subventionner
ad aeternam des entreprises dont le déficit ne cesse de se creuser et sont
devenues de ce fait un véritable Tonneau des Danaïdes, les autorités ont enfin
ouvert –et apparemment pour de bon- le dossier de la restructuration de ces
entités. Une réflexion est en cours au sein du gouvernement, sous la houlette du
ministère du Transport, dont les grandes lignes avaient été révélées début juin
(lors de la journée d’étude: financement de la restructuration des entreprises
publiques, organisée le 7 juin) à des représentants de la communauté d’affaires.

Une des questions clefs –et parmi les plus difficiles à résoudre-est celle du
financement de cette restructuration. Ayant, comme l’explique Mondher Khanfir,
conseiller auprès du ministre du Transport, Chiheb Ben Ahmed, évité «d’aller au
plus facile en augmentant le capital» de ces entreprises, le gouvernement
propose la création de deux outils comme solution de rechange: un «fonds
d’impact» et un «fonds de retournement».

Le fonds d’impact aurait pour finalité, selon M. Khanfir, d’aider «les
entreprises publiques qui auraient des difficultés à justifier un financement
par le secteur financier» et celles «ayant une spécificité régionale ou
environnementale». Ses ressources proviendraient de «l’enveloppe destinée
initialement à subventionner» ces entreprises.

Un tel fonds «peut contribuer à créer de la valeur si (i) les projets sont
correctement structurés grâce à l’apport d’un incubateur ayant les ressources
humaines requises, et (ii) si les conflits d’intérêts sont adressés de manière
satisfaisante. Ils mériteraient d’être ouverts à l’ensemble des cadres de la
fonction publique», analyse Aziz Mebarek, co-fondateur d’Africinvest-Tuninvest.

Le fonds de retournement, d’un montant de 1 milliard de dinars, serait, selon le
conseiller du ministre du Transport, «du capital investissement très
spécifique». D’après M. Khanfir, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
serait «prête à y contribuer à condition que le secteur privé en fasse partie».

Mais pour Aziz Mebarek, le fait que la CDC soit de la partie –et, selon lui,
elle peut être associée à ce fonds- ne résout pas le problème qui réside dans le
fait que «les investisseurs en capital et les SICAR n’ont pas vocation à
contribuer à des fonds».

En outre, «la situation est compliquée et nécessite un plan d’urgence qui touche
au positionnement stratégique, à la gouvernance, à la reconfiguration de
l’actionnariat et à la restructuration financière de ces entreprises», observe
le co-fondateur d’Africinvest-Tuninvest. Qui rappelle, en outre, que «si nous
n’avons pas de réponses claires et pas globales à des questions clefs, nous ne
nous engageons pas». Et une de ces questions est de savoir «si nous avons les 3
ou 4 gestionnaires avec lesquels nous pouvons relancer l’entreprise».

Bref, Aziz Mebarek ne croit pas «à l’idée d’un fonds de retournement selon le
schéma présenté, qui ne soit pas associé à un levier clair et franc au niveau de
la gouvernance. Ceci pose la question du devenir des entreprises qui sont dans
des activités concurrentielles, et qui dans certains cas portent préjudice à des
secteurs d’activité entiers de l’économie tunisienne. Nous devons faire la
différence entre service public et entreprise contrôlée par l’Etat, objectif et
process de mise en œuvre qui doit, dans tous les cas, tenir compte des aspects
sociaux, sans pour autant aller contre les logiques économiques qui s’imposeront
à nous un jour ou l’autre».