Attractivité : la France peine à faire valoir ses atouts auprès des émergents

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éricain de stylos Waterman à Saint-Herblain en France, le 31 octobre 2013 (Photo : Frank Perry)

[27/05/2014 08:01:49] Paris (AFP) La France reste la troisième terre d’accueil des implantations étrangères en Europe mais elle peine à faire valoir ses importants atouts pour attirer les investissements porteurs d’avenir des pays émergents, selon une étude parue lundi soir.

L’Hexagone a accueilli 514 nouvelles implantations ou extensions de sites d’entreprises étrangères en 2013 tandis que ses deux grands concurrents européens, le Royaume-Uni et l’Allemagne, en ont obtenu respectivement 799 et 701, renforçant leur avance, indique le baromètre annuel de l’attractivité de la France du cabinet de conseil EY (ex-Ernst and Young).

La France avait cédé en 2010 sa deuxième place à l’Allemagne parmi les 42 pays d’Europe pris en considération par l’étude et comprenant la Turquie et la Russie.

Elle conserve sa première place européenne pour les implantations industrielles avec 166 projets en 2013. Mais, en termes de créations d’emplois, ces installations sont pauvres et la placent en 8e place. “Ces investisseurs sont très prudents non pas sur la montée en charge mais potentiellement sur le coût d’un retrait, les difficultés de négociations qui l’accompagneraient”, commente Marc Lhermitte, associé chez EY.

Présentes de longue date, les entreprises américaines portent un quart des investissements étrangers tous secteurs confondus dans l’Hexagone et plus de la moitié proviennent des entreprises européennes.

“Mais l’inquiétude se porte sur la performance décevante de la France vis-à-vis des investisseurs des grands pays émergents: 19 projets en provenance des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), contre 107 en Allemagne et 87 au Royaume-Uni”, constate Marc Lhermitte, associé chez EY.

“Pour moi, c’est là l’alerte orange-rouge de notre baromètre. C’est le segment qui produit de la croissance car il s’agit de primo-implantations. Un tiers des mille premières entreprises mondiales sont originaires de ces zones et de nouvelles sources de projets vont dériver de ces jeunes groupes”, a déclaré M. Lhermitte à l’AFP.

EY note la “progression spectaculaire de l’Allemagne”, qui est passée de 63 à 107 projets issus des BRIC et cite en exemple l’ouverture en Bavière d’une nouvelle usine par le groupe indien Samvardhana Motherson avec à la clé 500 emplois dans le secteur automobile. “Si la France veut à nouveau s’autoriser à rêver et faire rêver, elle doit admettre l’inexorable basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers les économies émergentes”, avertit Gérald Karsenti, président de HP France, dans un point de vue publié en marge de l’étude.

– Besoin d’un positionnement clair –

Le ministre de l’Economie Arnaud Montebourg a lui estimé que ce baromètre illustrait “l’action vigoureuse menée par le gouvernement depuis deux ans pour gagner en compétitivité, préserver et accroître l’attractivité du territoire français et susciter des créations d’emplois”, selon un communiqué.

Il a également assuré dans un entretien à Metronews que “la bataille de l’attractivité se joue avec les pays émergents” et que la France s’y adaptait, mettant en avant l’alliance avec le chinois Dongfeng pour relancer PSA.

Pour M. Lhermitte, “la diplomatie économique” française, qui d’ailleurs “suscite l’admiration des Britanniques”, est “un des éléments qui peut jouer un rôle important vis-à-vis des économies émergentes qui sont aussi demandeuses d’investissements donc de grands contrats négociés d’Etat à Etat accompagnés de la communauté des affaires”. Ces rencontres “vont en retour permettre d’éclairer sous un nouveau jour la capacité de la France d’accueillir les conglomérats qui se sont constitués en Chine et en Inde notamment”, estime-t-il.

“La France a d’incroyables talents”, énumérés par les investisseurs, clament les auteurs de l’étude, notamment “une main d’oeuvre qualifiée”, “la bonne productivité de la main d’oeuvre”, “les compétences managériales, la créativité et l’excellence des ingénieurs”.

Outre ses infrastructures de transport elle bénéficie, contrairement à des idées reçues, de la “qualité de services des administrations des collectivités pour les entreprises qui souhaitent s’implanter en France et de la rapidité d’instruction des dossiers”, affirme M. Lhermitte.

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à Grenoble-Eybens le 8 septembre 2005 (Photo : Jean-Pierre Clatot)

Mais elle manque sur tous ces sujets d’un “récit cohérent”, regrette M. Karsenti. “Si aujourd’hui, la plupart des Français ignorent, par exemple, que Grenoble (…) figure à la cinquième place du classement Forbes des villes les plus innovantes au monde, comment un investisseur étranger pourrait-il le savoir?”, s’interroge-t-il.

“Les investisseurs des pays émergents sont moins sensibles aux contraintes de coût et de flexibilité, ils sont prêts à les accepter. Si la France ne fait pas mieux auprès d’eux c’est parce qu’ils choisissent les têtes de pont d’évidence: la première place financière, Londres et le premier marché industriel et le plus exportateur, l’Allemagne”.

“La France ne dit pas assez quel est son positionnement”, résume-t-il.