USA – Tunisie : L’échange inégal

“Guest speaker“ du déjeuner-débat mensuel de l’Am Cham, Najla Moalla Harrouche, ministre du Commerce et de l’Artisanat, a eu à faire face à la polémique du redéploiement de son ministère. Celui-ci est perçu- à tort ou à raison- comme le ministère de la gestion des quotas et de la protection de certains lobbies. Outre cela, il ne participe pas vraiment d’une dynamique qui tendrait à booster le commerce entre l’Amérique et la Tunisie. Quelle part de vérité?

tunisie-usa-cop-2014.jpgC’est de la manière dont on fait le commerce chez nous que l’on pourra relancer les échanges entre l’Amérique et la Tunisie. Alors, quel environnement commercial prévaut à l’heure actuelle dans le pays? Comment, à la fois, le libérer davantage en vue de le booster?


Commerce international : mise en perspective

Nejla Moalla Harrouche a adopté une stratégie offensive. Elle s’est attelée, à travers les grands chantiers du commerce, à miroiter à ses hôtes, la perspective d’un cadre global rénové, pour les échanges. Cette attitude vise à montrer qu’il y a une sérieuse prise en mains des problèmes de logistique et d’allégement procédural en vue de fluidifier et de simplifier le commerce par l’adoption de “bonnes pratiques“.

Ainsi, elle a évoqué toutes les réalisations du Programme de développement des exportations; un programme qui a bénéficié d’un financement américain. Rappelons que ce programme est parvenu à doubler le volume du fret traité sans extension d’infrastructure. Rien que des effets de rationalisation et d’optimisation des capacités disponibles.

A l’évidence, Tunisie Trade Net y a contribué, le réseau qui permet un traitement intégré des documents de commerce extérieur, autant que SINDA, le logiciel de la Douane a pu, en son temps, permettre un gain de temps. Pareil pour la liasse unique.

Mais, les participants lui feront observer que cela s’avère insuffisant aujourd’hui. Importateurs et exportateurs souffrent de la saturation et du sous-équipement du port de Radès. Les frais de logistique sont devenus prohibitifs. Et cela pénalise le développement des échanges extérieurs.

Le ministère des quotas et de la protection des lobbies

Les participants ont aussi soulevé les incohérences en matière de politique commerciale. Cela est notamment le cas de l’importation automobile qui n’est pas encore affranchie du système des quotas. On ne sait trop si le marché auto est libre ou pas. De même dans le secteur de la grande distribution. On manquerait, disaient certains intervenants, d’un déficit de transparence. Il n’y aurait pas un traitement égal pour tous. Un convive a rappelé que Tahar Bayahi s’était plaint publiquement de ce que le ministère ne l’a pas autorisé à ouvrir un hypermarché alors qu’il est en partenariat avec un géant de la profession, à savoir Auchan.

Enfin, en matière de franchise, également, il reste quelques petites dispositions à arranger. Et comme le rappelleront plusieurs opérateurs, le franchising est utile pour le pays. Alors quand des administrations pinaillent pour le transfert des royalties, cela gêne les opérateurs économiques et retarderait d’une certaine façon l’accroissement des échanges extérieurs de la Tunisie.

D’aucuns se plaignent de la passivité du ministère à l’occasion de l’institution de la taxe de 10% à appliquer aux entreprises off shore. Le ministère n’a-t-il pas vu que cela pénaliserait les exportations? Cette taxe est mal venue. Quand bien même elle se justifierait, il reste que son timing n’est pas opportun. Et, d’ailleurs, le CEO de Pfizer a rapporté que son client libyen l’a quitté, pour un fournisseur du Golfe, de sorte à ne pas avoir à subir cette charge additionnelle.

D’ailleurs tout le monde le sait, ce n’est pas tant la taxe qui gêne, encore qu’elle pèsera sur la trésorerie des entreprises, mais c’est le droit de contrôle de l’administration fiscale qui dérange. En effet, avec la nouvelle loi, désormais le fisc a le droit de contrôler la comptabilité des entreprises off shore. Et, c’est un facteur incommodant. Il est vrai que la fiscalité en soi n’est pas déterminante pour l’investisseur étranger, comme le rappellera Nejla Moalla Harrouche, mais à mettre ensemble plusieurs éléments contrariants, c’est-à-dire les surcharges de la logistique, puis toutes les autres tracasseries notamment administratives, cela finit par diminuer l’attractivité du site national.

Tunisie – USA… Que d’occasions ratées en matière d’échanges commerciaux

Quant aux perspectives des échanges entre les deux pays, les attentes sont nombreuses, mais la position américaine reste quasiment invariée. Le commerce entre l’Amérique et la Tunisie tire en faveur de l’Amérique comme on peut en juger. Le déficit est, bon an mal an, autour de 700 MDT.

Cependant, le déficit va toujours grandissant, en faveur de l’Amérique. Il est vrai que l’Amérique a signé en 2012 le Trade and Investment Free Agreement “TIFA“ avec la Tunisie. Mais elle en a exclu la confection qui est l’un de nos premiers secteurs d’activité.

Outre cela, on court toujours derrière le “Free Trade Agreement“, le fameux FTA, c’est-à-dire l’accord de libre-échange, sans l’obtenir. La décision relève des autorités politiques américaines.

Jacob Welles avait avancé l’argument de la petite taille du marché tunisien. Mme Amel Bouchamaoui lui a rappelé qu’en soi le marché tunisien est modeste mais que la Tunisie peut être une base de développement des entreprises américaines en direction de l’Afrique et même de l’Europe.

D’autre part, nos partenaires américains nous ont exclus, avec une certaine légèreté, du bénéfice du MCC (Millenium Challenges Corporations) en 2011 alors qu’on y était éligible car le PNB par tête était de 3.950 dollars US. Et en 2013, elle nous le refuse une deuxième fois au motif que notre PIB de 4.050 dollars, par tête d’habitant, est en dépassement du plafond des 4.000 dollars requis. Le Maroc a pu en bénéficier et c’est tout de même un pactole de 700 millions de dollars. On se dit qu’avec pareille somme, on pourrait moderniser notre administration et peut-être même une partie de notre infrastructure logistique, ce qui aiderait au développement de notre commerce extérieur. Et c’est là un choix gagnant-gagnant car nos partenaires vendront davantage en Tunisie.

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