Tunisie : Pourquoi le patronat réclame l’abandon du nouveau code d’investissement (1/2)

La montagne a-t-elle accouché d’une souris? Apparemment c’est le cas en ce qui concerne le nouveau projet de code d’investissement. Du moins à en juger d’après les réactions de la plupart des acteurs économiques et plus particulièrement des organisations patronales qui trouvent à ce texte beaucoup plus de défauts que de qualité. Et préfèrent, de loin, le maintien du texte toujours en vigueur. En attendant qu’un nouveau code, plus en phase avec les défis auxquels le pays est confronté, puisse être élaboré.

economie-tunisienne-01-2013.jpgLes différentes organisations et les experts représentatifs des milieux d’affaires sont hostiles au nouveau code d’investissement parce qu’ils lui trouvent beaucoup de faiblesses et lacunes que de qualités. Walid Bel Hadj Amor relève deux aspects positifs dans le nouveau dispositif. Le premier réside dans le fait, explique le président du Centre tunisien de veille et d’intelligence économique (CTVIE) de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), «qu’on considère désormais l’entreprise sur l’ensemble de sa vie, c’est-à-dire y compris ses projets de développement, et pas seulement l’investissement de départ».

Cette vision finalement adoptée par le gouvernement a été défendue par l’IACE qui estime qu’«on ne peut pas résorber le chômage uniquement par la création d’entreprises mais leur développement».

Ce changement est important parce qu’il veut dire que «les entreprises qui réinvestissent dans différents projets de développement sont prises en charge», explique M. Bel Hadj Amor.

Le deuxième aspect positif tient au fait que les pouvoirs publics ne parlent plus d’élaborer un code d’incitations mais un code d’investissement. «Ce qui veut dire que le cœur ce ne sont plus les incitations mais les conditions facilitant l’investissement».

Mais s’il trouve positif ce changement de perception, le directeur général-adjoint de Comete Engineering regrette qu’on ait commencé à élaborer le nouveau code «avec une mauvaise démarche et sans stratégie».

«On vous dit, à demi-mots, que la stratégie n’a pas changé (sous-entendu par rapport à celle qui était en vigueur sous Ben Ali, ndlr), mais qu’il ne faut pas le dire», s’amuse à ce sujet notre interlocuteur. Qui s’inquiète également du fait –qu’il juge plus grave dans les circonstances actuelles du pays- qu’il n’y ait «pas de stratégie régionale, c’est-à-dire une description de ce qu’on va développer et où on va le développer. Donc, on va faire tout partout et en définitive on ne fera rien nulle part».

Car on n’a pas défini d’objectifs, «c’est-à-dire quelque chose de mesurable». Le nouveau code parle de développement régional et de création d’emplois «en termes généraux, donc pas mesurables». Or, «ce qui n’est pas mesurable n’existe pas», souligne Walid Bel Hadj Amor.

Comme on ne peut pas tout faire, «on doit fixer des priorités. Et cela a des conséquences, par exemple, sur l’investissement dans la formation. A force de vouloir former pour tous les secteurs, cela coûte très cher», note Walid Bel Hadj Amor.

Le dg-a de Comete Engineering remet en question également la prime d’investissement à laquelle les pouvoirs publics continuent d’accorder de l’importance et à vouloir l’accorder à tout bout de champ. Walid Bel Haj Amor conçoit qu’on l’accorde à «un promoteur dont le projet va se réaliser dans une région sans ressources et dans des conditions engendrant un surcoût qui doit être compensé». Mais il se demande pourquoi on en ferait bénéficier un entrepreneur «qui vient exploiter les ressources d’une région».

Walid Bel Hadj Amor met en doute ensuite la pertinence et l’intérêt de la décision d’imposer les sociétés offshore à hauteur de 10%. Car «cela ne va pas peser très lourd puisque le bénéfice n’est pas fait ici en Tunisie».